Peugeot and co Dans les coulisses du clan familial qui contrôle PSA

mardi 21 août 2012.
 

Qui sont ces hommes et ces femmes qui, pour préserver leurs dividendes, n’hésitent pas à supprimer des emplois, à fermer des sites industriels, à délocaliser leur patrimoine, à spéculer dans l’immobilier, à placer leur argent dans des fonds d’investissement 
qui écument 
les pays d’Asie ?...

Les Peugeot sont sur la défensive. Ils n’aiment pas se retrouver sur le devant de la scène, ils préfèrent l’ombre, la douceur feutrée des salles de conseil d’administration. Certes, ils bénéficient du soutien du Medef et de l’UMP. Mais comme à son habitude, Jean-François Copé, encore secrétaire général de la formation de droite, en fait trop, déclarant que les attaques gouvernementales contre la direction de PSA reviennent « à menacer en fait des milliers d’entreprises, des milliers d’emplois ». « Vous avez vu l’effondrement du cours de Bourse de Peugeot  ? » a-t-il encore lancé, feignant d’ignorer que le cours de l’action a été divisé par dix depuis 2007, crise du capitalisme oblige.

On ne peut cependant se satisfaire de ce jeu de rôle entre la famille Peugeot, la direction du groupe ­automobile et le pouvoir. L’efficacité de l’équipe gouvernementale sera moins jugée sur la pertinence de ses piques que sur sa capacité à empêcher les suppressions d’emplois annoncées et la fermeture du site d’Aulnay.

Mais qui sont les Peugeot aujourd’hui  ? Il y a les plus connus, les plus présents au sein du groupe automobile et de ses filiales. Thierry donc, qui, en plus de ses multiples fonctions au sein de PSA, est ­administrateur d’Air Liquide, de la Compagnie ­industrielle de Delle, et d’une ­société discrète mais qui gagne à être connue  : la Foncière, financière et de participations, FFP.

FFP, c’est le bijou des Peugeot. Fondée en 1929, elle rassemble l’essentiel des participations de la famille dans le monde des affaires. Par son intermédiaire et celle de sa société mère, les Établissements Peugeot frères, elle permet de contrôler un peu plus du quart du capital de PSA et 45,6 % des droits de vote.

Le président directeur général de FFP est un Peugeot, Robert. Lui aussi a le bras long, orné des galons gagnés dans la chasse aux dividendes. Il est membre du conseil de surveillance de PSA, de celui d’Hermès International. Il est administrateur de Faurecia, un équipementier filiale de PSA, de ­Sanef, la société d’autoroutes. Il préside la ­Financière Guiraud, holding qui contrôle l’un des grands crus bordelais, château guiraud.

Robert a défrayé la chronique en juin 2010 lorsque le Journal du dimanche a révélé qu’il s’était fait voler en décembre 2009 des lingots d’or. Craignant peut-être une ­enquête sur l’origine de son or, le médaillé des conseils d’administration a d’abord ­déclaré un montant du vol de 500 000 euros avant de l’abaisser à 150 000. L’intéressé s’est certainement rendu compte que ce dernier montant était plus proche de la somme déclarée à l’impôt sur la fortune.

Peu après le vol, par crainte ­probablement d’une enquête fiscale, Robert Peugeot a rencontré le champion du blanchiment patronal, le ministre des Finances Éric Woerth, et affirmé à la cantonade que la différence entre les deux montants du précieux pactole serait «  une erreur de calcul de la police  ».

Mais attention, tous les Peugeot ne cachent pas des lingots sous leur matelas et surtout tous ne s’appellent pas Peugeot. Par le jeu des mariages, des alliances notamment avec d’autres rejetons de la grande bourgeoisie protestante, certains membres du clan familial s’appellent Banzet ou Cruse. Marie-Hélène Roncoroni, qui siège au conseil de surveillance de PSA, n’est autre que la sœur de Thierry et la cousine de Robert.

Si les noms changent, certaines traditions restent. Notamment celle d’un populisme à la manière de­ l’un des Rockefeller qui répondait quand on lui demandait comment il avait pu bâtir sa fortune  : «  J’ai d’abord acheté une pomme que j’ai revendue et avec l’argent de la vente, j’ai acheté une deuxième pomme, et ainsi de suite.  » Puis il ajoutait  : «  Et après, j’ai hérité de papa.  » C’est ainsi que Robert, l’homme aux lingots, à sa ­sortie de grandes écoles est passé pendant quelques mois par les chaînes de montage de Peugeot Sochaux, travaillant comme ouvrier puis chef d’équipe avant de regagner les fauteuils des conseils d’administration et de mettre cette fois les mains dans le cambouis de la finance internationale.

Mais l’image d’Épinal que ­certains dirigeants du clan essaient de construire a du mal à résister aux aléas d’un capitalisme mondialisé et financiarisé. C’est ainsi que les ­Peugeot viennent de délocaliser leurs deux holdings de contrôle de leur participation dans PSA du pays de Montbéliard, fief historique du constructeur automobile, et de les domicilier au siège même de PSA, avenue de la Grande-Armée.

Ils coupent ainsi un lien historique mais ils n’en restent pas là. La ­Foncière, financière et de participations, FFP, qui détient l’essentiel du 1,4 milliard de biens de propriété de la famille, ne se contente pas de contrôler le capital de PSA. 65 % de ses actifs sont aujourd’hui ailleurs que dans l’automobile.

Ces dernières années, la holding FFP a vu l’entrée de représentants des banques qui ne sont pas des Peugeot, mais des dirigeants de BNP Paribas, de la banque Rothschild et de la ­Société générale respectivement Georges ­Chodron de Courcelles, Luce Gendry et Patrick Soulard. Le clan familial s’ouvre à la finance mondialisée.

Les Peugeot ne sont plus tout à fait Peugeot. Ils ont placé leurs œufs dans un grand nombre de paniers de sociétés très diverses. Des industrielles ou des sociétés de services  : Seb, le grand de l’électroménager, ­Zodiac, entreprise aéronautique, Ipsos, ­société de sondages… Depuis quelque temps, ils mettent de l’argent dans des sociétés dont la vocation est de faire de l’argent  : la société immobilière Marcel Dassault qui possède des immeubles sur les Champs-Élysées et dans les beaux quartiers parisiens, des fonds d’investissements actifs en Suisse, mais aussi en Chine, en Inde…

Cette stratégie de diversification leur permet d’amortir les chocs, de compenser les pertes des mauvaises années dans l’automobile, et surtout de continuer à se verser des millions d’euros de dividendes, malgré la crise.

Pierre Ivorra


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