A Barquisimeto (Vénézuéla), c’étaient les nôtres, sans aucun doute possible.

jeudi 19 juillet 2012.
 

J’ai fait le voyage vers Barquisimeto en avion. C’est là qu’était convoqué le « rassemblement Bolivarien » du jour. La ville se trouve dans l’état de Lara. J’avais l’honneur d’être assis sur le siège en face de celui au nom de Chavez. Mais il resta vide car « le commandant », comme il disent, travaillait ses fiches dans son carré privé. J’ai trop pratiqué l’exercice pour ne pas en comprendre l’importance. Ce temps où l’on entre dans ce que l’on va dire et où il faut en quelque sorte commencer à l’incarner doit être fait avec sérieux et méthode. Car les émotions qui vont suivre submergent tout, ensuite. Elles risquent alors d’effacer la fragile trame que l’on a posée sur la surface de l’esprit. Le mouvement des mots qui vont devoir venir quand ce sera leur tour en dépend pourtant. Il faut donc bien gérer cela. Impossible de passer à côté de l’émotion que dégage un rassemblement. D’ailleurs, il ne faut pas y résister si l’on veut s’imprégner de l’ambiance et du message qu’il porte. Pour ma part j’ai été saisi d’émotions et emporté par elles chaque fois qu’il fallait traverser un bout de la salle de nos meetings. On cessa de le faire quand il devint évident que ce déplacement mettait en danger les gens qui participaient à l’accueil si chaleureux qu’ils me faisaient ! Mais j‘en fus très frustré. Ce que j’ai vécu sur place, à Barquisimeto, m’a confirmé cette intuition de la dialectique du rationnel et du sensible dans la production du message politique. Ce qui nous attendait à l’arrivée, la télé le nommait « l’ouragan Bolivarien ! » pour intituler les images qu’elle donnait à voir.

Un ouragan en effet ! Sur les trois kilomètres du trajet une foule compacte hurla sans discontinuer à mesure que les camions sur lesquels nous étions installés avançaient. Le rassemblement commença aux portes mêmes de l’aéroport, ce qui n’était pas prévu. Les véhicules du cortège ont donc fendu la foule au pas, entourés d’un impressionnant double cordon de militants qui protégeait autant le passage que les gens qui se précipitaient sur les voitures. Suffoqués par l’effort, ruisselants sous le soleil des Caraïbes, ils tinrent bon leur part de tâche ! Je voyais sur leurs jeunes visages la lumière que j’ai vue sur celui de mes camarades, filles et garçons qui ont fait cet exercice à Strasbourg, à Paris, et à combien d’autres endroits encore ! Puis on descendit des voitures et on monta sur le toit des bus qui avaient été postés face à un podium d’accueil, à cet instant totalement submergé. Commença alors le parcours. Ce fut comme un ailleurs de tout ce que j’ai connu. Jamais je n’ai vu telle ferveur politique se concentrer de telle façon dans les corps et les visages. A mi- chemin je m’aperçus que j’avais le visage en larmes. A côté de moi, Max Arvelaiz et Ignacio Ramonet, montraient un visage inconnu. Le saisissement, l’effroi sacré qui nous habitait est un moment qui n’a pas ses mots pour le décrire raisonnablement. La force de la passion politique qui s’exprimait à cet instant sculptait et remodelait tout ce qui passait entre ses mailles fines. Je comprends à présent que notre position était singulière : perchés sur ce camion nous avons été touchés en continu par quelque chose qui n’a duré que quelques minutes pour chacun de ceux qui s’y sont impliqués, à terre, autour de nos camions et à mesure qu’ils passaient. Ce qui était un paroxysme momentané pour eux fut un jet continu pour nous. Et il dura presque une heure me semble-t-il. Et voici ce qu’il faut retenir : c’était les nôtres, sans aucun doute possible.


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