Martine Billard, le baroud d’honneur d’une députée pas comme les autres

vendredi 8 juin 2012.
 

Au mur de sa permanence de la rue Notre-Dame-de-Nazareth, au cœur de Paris (3e arrondissement), la très discrète Martine Billard contemple la carte de la circonscription où elle se présente. Députée sortante de l’ancienne 1re circonscription, elle doit affronter une situation nouvelle.

Alors qu’elle représentait à l’Assemblée nationale les quatre premiers arrondissements de la capitale, le redécoupage de 2009 ne lui laisse pas d’autre possibilité que d’aller dans la 5e circonscription, qui associe "son" 3e arrondissement au très socialiste 10e.

Elue en 2002 et en 2007 sous l’étiquette des Verts, avec le soutien du Parti socialiste (PS), elle défend aujourd’hui les couleurs du Front de gauche - elle est issue du Parti de gauche, dont elle est coprésidente avec Jean-Luc Mélenchon.

MÉLENCHON EN SOUTIEN

Elle sait que la partie est loin d’être gagnée face à Seybah Dagoma (PS), adjointe au maire de Paris, Bertrand Delanoë. "C’est une femme de dossiers, qui n’a pas d’implantation locale dans la circonscription", affirme un proche de Mme Billard. Venue soutenir celle-ci, mercredi 30mai, Jean-Luc Mélenchon s’est indigné de "l’inélégance et de la brutalité" des socialistes, "qui ont l’intention de l’empêcher d’être réélue". "Je m’attaque à une montagne", a d’ailleurs fini par lâcher la députée sortante.

Rien ne destinait à la députation cette fille d’une résistante déportée en 1944 à Ravensbrück, devenue assistante sociale à son retour des camps et qui a élevé seule ses trois enfants à Paris. A 16 ans, Martine Billard commence à travailler pour payer ses études. A la même époque, elle découvre le militantisme avec Mai-68 avant de rejoindre une organisation d’extrême gauche, Révolution !

Mais ce n’est qu’en 1993, après s’être investie dans le milieu associatif, qu’elle rejoint les Verts. Tête de liste aux municipales de 1995 dans le 20e arrondissement, elle devient conseillère de Paris, tout en conservant son travail à temps partiel dans une entreprise de services informatiques. Un emploi dont elle sera licenciée en 2001, quelques mois avant d’entrer à l’Assemblée nationale.

CONTRE HADOPI

L’un de ses assistants parlementaires, Thomas Giry, la décrit comme "une bosseuse". Elle est aussi connue pour son assiduité. "Je ne cumule rien, je me consacre totalement à mon mandat", indique-t-elle.

Son meilleur souvenir ? "En termes d’intérêt du travail [de députée], ce fut, sans conteste, Hadopi", la loi contre le téléchargement illégal - elle en fut l’une des plus farouches adversaires. "Il y a eu une mobilisation énorme, se souvient-elle. Les internautes nous envoyaient des commentaires en direct." "C’était une bataille en osmose avec tous les citoyens qui la portaient", ajoute-t-elle.

Son pire souvenir ? Les lois sur les retraites et sur le travail du dimanche. Pour cette ancienne déléguée du personnel, ces deux textes vont à l’encontre des droits des travailleurs. "Il y a de moins en moins de députés qui ont été salariés et qui connaissent la réalité du monde du travail, regrette-t-elle. Le profil est de plus en plus le même : grandes écoles, énarques, professions libérales ou permanents politiques."

DES VERTS AU PARTI DE GAUCHE

Même ses concurrents trouvent difficilement à redire. "C’est une députée qui fait son boulot", indique sobrement Pierre Aidenbaum (PS), maire du 3e arrondissement, son suppléant depuis 2007. Désormais suppléant de Mme Dagoma, M. Aidenbaum préfère développer ce qui l’a "beaucoup gêné" : le changement de couleur politique de Mme Billard en cours de mandat.

En 2009, elle a en effet quitté les Verts pour rejoindre le Parti de gauche. "C’était l’aboutissement d’une insatisfaction par rapport à la ligne politique des Verts, notamment sur la question du travail", explique-t-elle. Son suppléant aurait trouvé "normal qu’elle démissionne et qu’elle se représente".

"TOUJOURS DANS L’OPPOSITION"

De son expérience à l’Assemblée nationale, Mme Billard retire une certaine défiance. "Pour les gens, les députés sont des privilégiés, c’est normal, souligne-t-elle. Mais, de fait, on sent la différence de classe. Certains ne vous diront jamais bonjour, à droite comme à gauche. Vous n’êtes pas de leur monde."

Elle semble s’en moquer, même si ces mots témoignent d’une volonté de tracer son chemin. "J’aimerais bien être réélue : j’ai toujours été dans l’opposition...", précise-t-elle.

Si ce n’est pas le cas, elle sait qu’à près de 60 ans, il lui sera difficile de retrouver un travail. "Quand vous êtes employé dans le privé, c’est quasiment impossible, d’autant plus quand vous avez l’étiquette Front de gauche", juge-t-elle. En attendant sa retraite, en tant que députée sortante, elle aura droit à l’allocation de retour à l’emploi des députés. Elle s’empresse de préciser qu’elle ne sera pas à plaindre. "J’ai commencé ma vie au chômage, je risque de la finir au chômage mais pas au même taux !", sourit-elle.

Raphaëlle Besse Desmoulières

article publié sur LeMonde.fr


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