Québec : Une loi digne d’un Etat totalitaire

jeudi 24 mai 2012.
 

1) Manifestations étudiantes au Québec : Adoption de la loi 78, indigne d’une démocratie

Tout a commencé par la volonté affichée du gouvernement québécois d’augmenter les frais d’inscription dans les universités et la volonté contraire du peuple de favoriser l’accès à l’enseignement supérieur. Après plusieurs mois de mobilisations et des péripéties à n’en plus finir, c’est une autre lutte qui s’invite après l’annonce du gouvernement de vouloir mettre en place, pour en finir avec ces mouvements, une loi spéciale mettant de toute évidence à mal les libertés fondamentales que sont la libre association et la libre expression.

Depuis 1990, les universités québécoises ont tantôt connu des périodes de gel des frais d’inscription et des périodes de fortes augmentations. A nouveau, la question du montant des frais d’inscription revient sur le tapis.

Une augmentation des frais d’inscription de 325 dollars par an pendant cinq ans !

Il est ainsi prévu une augmentation de 75% sur cinq ans des frais d’inscription dans les universités. Concrètement, cela représente une augmentation de 1.625 dollars sur les cinq ans, soit plus de 325 dollars par an.

La mesure a entraîné la colère et la mobilisation des étudiants, mais aussi du corps enseignant et d’une grande partie de la société civile. Selon les sondages, 80% de la population québécoises serait contre la réforme. Les associations étudiantes demandent le gel des frais d’inscription et la mise en place d’un moratoire pour que puisse se tenir un vrai débat sur les questions d’accès à l’éducation.

80% de la population se dit défavorable à cette réforme

Ainsi, depuis plus de trois mois, la population manifeste régulièrement. Le mouvement est symbolisé par un « carré rouge ». Le 22 mars a eu lieu l’une des manifestations les plus importantes en rassemblant plusieurs centaines de milliers de personnes, et ces dernières semaines, plus d’une vingtaine de manifestations nocturnes dans les rues du Québec sont organisées, rassemblant, à chaque fois, des milliers de personnes. Mais au delà du nombre, c’est surtout sur la durée que ce mouvement marque l’histoire : c’est la plus longue manifestation d’étudiants que n’ait jamais connu le Québec, mouvement qualifié d’ailleurs de « printemps érable ».

Après une série de négociations en vain dont une qui a duré plus de 22h consécutives, la ministre de l’Éducation nationale a démissionné de son poste, estimant qu’elle ne faisait plus partie de la solution. Dialogue rompu.

Le gouvernement choisit une loi matraque au lieu de la médiation

Cette semaine, alors que les manifestations se poursuivent et que le Barreau du Québec demande au gouvernement la mise en place d’une véritable médiation avec des experts indépendants, le gouvernement libéral a choisi de faire la sourde oreille et envisage d’adopter une loi spéciale, dite loi 78, intitulée « Loi permettant aux étudiants de recevoir l’enseignement dispensé par les établissements de niveau postsecondaire qu’ils fréquentent ».

Ce projet de loi cible clairement les associations étudiantes et les organisations syndicales. Il prévoit entre autres :

- Une série d’amendes partant de 1.000 dollars pour les contrevenants, 7.000 dollars pour les organisateurs, porte-parole, dirigeants, 25.000 dollars pour les associations et le tout doublé en cas de récidive !

- Le droit de manifester serait interdit dans les établissements et dans un périmètre de 50 mètres, et les organisateurs de manifestations seraient tenus huit heures avant de communiquer parcours, heure, durée, lieux et moyens de transports à un service de police qui serait en droit d’apporter des modifications à l’itinéraire !

- La suspension jusqu’à la mi-août des sessions interrompues et une fin programmée dans les six semaines qui suivent, soit avant le 30 septembre.

« Une loi qui porte atteinte aux droits constitutionnels et fondamentaux des citoyens »

Les réactions ne sont pas faites attendre. Les associations étudiantes ont ainsi vécu cette annonce comme « une déclaration de guerre au mouvement étudiant », l’opposition politique quant à elle estime ce projet « ignoble », dénonce « des pouvoirs abusifs » donnés à la ministre de l’Education nationale, avant de poursuivre : « les libertés d’associations et d’expressions sont littéralement bafouées ».

La loi 78 adoptée et entrée en vigueur hier soir

Le projet de loi, débattu depuis jeudi à l’Assemblée nationale, a finalement bel et bien été adopté hier soir, avec 68 voix pour et 48 contre. Si quelques modifications ont été apportées, la loi spéciale demeure toujours très drastique pour les étudiants. Entrée en vigueur dès hier soir, la 25ème manifestation nocturne a été déclarée illégale une heure après son commencement.

Une loi digne d’un Etat totalitaire

Face au malaise exprimé par la jeunesse étudiante québécoise et le désaccord d’une grande majorité de la population, le gouvernement Charest a choisi d’adopter une ligne très dure. La loi 78 que certains qualifient « digne d’un Etat totalitaire », faisant fi des droits fondamentaux des citoyens, a pu être adoptée par une haute instance dite démocratique.

« Carré de la honte » pour le gouvernement

Avec la colère qui anime depuis plusieurs mois les jeunes et moins jeunes du Québec, c’est aussi désormais de la tristesse qui anime depuis hier soir les opposants, estimant qu’il s’agit d’un « jour noir pour la démocratie », « d’un soir triste pour la jeunesse, l’éducation et la démocratie » avant de conclure que le gouvernement portera maintenant « le carré de la honte ».

L’AJFER


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