Tunisie : neuf mois après la révolution, le rappel à l’ordre islamo-conservateur

lundi 31 octobre 2011.
 

Les islamistes d’Ennahda arrivent largement en tête du scrutin de dimanche et remportent 90 des 217 sièges de l’Assemblée constituante.

L’Instance supérieure indépendante pour les élections a confirmé, jeudi soir, la nette victoire des islamistes aux élections à l’Assemblée constituante du 23 octobre, neuf mois après la chute du dictateur Ben Ali. Leur mouvement, Ennahda, dépasse la barre des 40% et remporte 90 des 217 sièges à pourvoir. Les islamistes, qui réalisent des scores soviétiques dans les régions de l’intérieur, où ils n’ont pas lésiné devant les méthodes clientélistes, arrivent aussi largement en tête dans les grands centre urbains de la côte, comme Sfax, Sousse, Monastir ou même Tunis.

Le Congrès pour la République de Moncef Marzouki, mouvement de gauche nationaliste prêt à participer à un gouvernement « d’union nationale » avec Ennahda, arrive loin derrière, avec 30 sièges. Suivent les sociaux-démocrates d’Ettakatol (Forum démocratique pour le travail et les libertés, un parti dirigé par le médecin Mustapha Ben Jaafar, avec 21 sièges.

La triste surprise de ce srcutin vient de la percée des listes « Al Aridha Echaabia » (Pétition populaire pour la liberté, la justice et le développement, parrainées par un millionnaire basé à Londres, Hachemi el Hamedi, qui a mené campagne via sa télévision satellitaire Al-Mustakilla. Ce personnage interlope issu de la mouvance islamiste, ex-disciple du Soudanais al Tourabi, est un ancien dirigeant d’Ennahda. Reconverti dans les affaires, il s’est rapproché, au tournant des années 2000, du régime de Ben Ali, jusqu’à militer, en 2004, pour un quatrième mandat du dictateur. D’où le ralliement, lors de ce scrutin, d’ex-cadres du RCD, le parti de Ben Ali. Hachchemi el Hamdi remporte 19 sièges, mais l’invalidation de certaines de ses listes, suite à des irrégularités, ont provoqué des troubles à Sidi Bouzid, dont il est originaire. Au point que cette ville, berceau de la révolution, a été placée sous couvre feu.

La mouvance progressiste, elle, paie chèrement le prix de ses division, et apparaît comme la grande perdante de ce premier scrutin « libre ». Le Parti démocrate progressiste (PDP) de Nejib Chebi, qui visait une seconde place, n’arrive qu’en cinquième position, avec 17 sièges. Quant au Pôle démocratique et moderniste, qui rassemblait féministes, laïques et militants de la société civile autour des ex-communistes d’Ettajdid, il ne remporte que 5 sièges, dont l’un sera occupé par la cinéaste et militante féministe Selma Beccar, élue à Ben Arrous. Le choix de la proportionnelle au plus fort reste comme mode de scrutin a enfin favorisé des petites listes indépendantes aux visées opaques, comme le Parti de l’initiative, Afek Tounes ou encore Badil Thawri, qui remportent respectivement 5, 4 et 3 sièges.

S’ils ne disposent pas, seuls, de la majorité absolue, les islamistes, en position de force, semblent pouvoir compter, dans cette assemblée, sur un solide axe islamo-conservateur. Ils ont toutefois tendu la main, pour la forme, aux partis laïques, plaidant pour un gouvernement d’union. Ennahda a déjà avancé la candidature de son numéro deux, Hamadi Jebali, au poste de Premier ministre.


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