Martine Aubry et les 40 élèves par classe

vendredi 16 septembre 2011.
 

Dans le Parisien du 24 août 2011, Martine explique "aux syndicats d’enseignants" qu’"on ne pourra pas tout faire". Qu’est ce que ce « tout faire » ? Quel syndicat le demande ? Je n’aime pas cette façon de laisser entendre que la défense frontale de l’Ecole serait le fait d’un maximalisme irresponsable. Mon impression défavorable est confirmée par cette autre assertion qui fait mine d’être du bon sens et qui n’en est pourtant guère. "Il faudra mettre plus de profs là où on en a vraiment besoin, accepter qu’il y ait plus d’élèves par classe là où les enfants vont bien, et moins d’élèves là où ils ne vont pas bien." Et elle ajoute cette remarque navrante : "A mon époque, on était quarante et on n’avait pas trop de difficultés." Faut-il d’abord rappeler à Martine Aubry que les difficultés scolaires ou sociales ne sont pas une maladie ni une tare personnelle comme le suggère pourtant sa distinction entre "élèves qui vont bien" et "élèves qui ne vont pas bien ". Peut-être faut-il seulement trouver dans cette expression mal choisie un écho du vocabulaire anglo-saxon des théories du "care" auquel Martine Aubry a dit plusieurs fois qu’elle se référerait. Si j’étais plus sévère j’y trouverai l’idée sous jacente que les maux sociaux sont des "phénomènes biographiques" comme le dit le blairiste Anthony Giddens. Et qu’ils doivent être traités par des "solutions individualisées". Ce qui est exactement la façon de dire les choses que propose régulièrement Martine Aubry. De mon côté je partage le diagnostic des organisations syndicales de l’éducation nationale.

La rentrée des classes 2011 sera piteuse (Jean-Luc Mélenchon)

C’est d’ailleurs le point de vue traditionnel de la gauche, me semble-t-il. Nous considérons au contraire que ces difficultés, en général, sont principalement le produit d’un ordre social qui compromet le progrès humain. Dès lors, leur solution ne réside donc que dans des garanties collectives conquises contre ce système. Quant à la remarque finale d’Aubry sur son expérience personnelle des 40 élèves par classe, elle m’oblige à rappeler quelques évidences sur l’évolution du système éducatif depuis 50 ans. Quand Martine Aubry est entrée au collège en 1961, c’était à Notre-Dame des oiseaux, dans le 16ème arrondissement de Paris ! On comprend que pour ceux qui s’y trouvaient « ça allait » ! Je ne lui en fais pas le reproche. Mais non, ça n’allait pas bien pour tout le monde. Dans ce système éducatif, il y avait 45 % des enfants qui arrêtaient après le certificat d’études et n’allaient même pas au collège en 6ème. Autour de moi, au collège d’Yvetot, dès la cinquième, bien des copains partaient en apprentissage. Et quand Martine Aubry est arrivée en classe de terminale, en 1967, et moi à la rentrée 1968, il n’y avait que 15 % d’une classe d’âge qui arrivait au bac ! Il y en a 71 % aujourd’hui. A l’époque, seuls 60 % des candidats obtenaient le bac ! A présent ils sont 86% à y parvenir, toutes filières confondues. Le vieil adage des nostalgiques, « moi de mon temps », n’a jamais mené nulle part, on le vérifie une fois de plus. Donc, toute comparaison avec cette époque est plus qu’hasardeuse.

Suggérer qu’on pourrait se satisfaire de 40 élèves par classe du moment qu’il s’agit de jeunes « qui vont bien » est une immense sottise ! Si cela vise les « gosses de riches » ce n’est pas davantage acceptable. Réfléchissons. Leurs parents auront vite fait de les emmener là où ils seraient mieux accueillis, ce qui est bien normal pour des parents. L’école publique n’a pas vocation à être « l’école des pauvres entre eux ». Ensuite je le répète, le caractère public laïque et métissé de l’école est un bienfait pour tous, quelle que soit la condition sociale des parents. Le contraire est réactionnaire. Je note d’ailleurs que quelqu’un avait déjà fait le même raisonnement qu’Aubry il y a quelques mois. Il s’agit du ministre Luc Chatel qui expliquait le 1er juin sur RTL qu’« il faut concentrer davantage de moyens là où il y a davantage de besoins. A Henri IV à Paris, on peut être 32 par classe sans problème ; par contre, dans un collège d’une zone difficile, il ne faut pas être plus de 22 ».


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