Front de gauche citoyen, rassembleur... ouvert : il n’y a pas, à ce jour, dans la réalité telle qu’elle est, de meilleur instrument pour aller de l’avant (Roger Martelli)

samedi 21 mai 2011.
 

Une situation nouvelle

Par Roger Martelli

Olivier Besancenot vient d’annoncer qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle de 2011. Cette décision personnelle ne sera pas discutée ici. Étant donné l’impact politique réel de celui qui la prend, elle crée une situation nouvelle ; elle doit être négociée du mieux possible dans la gauche d’alternative. Comment faire en sorte que les catégories populaires, déchirées par les effets du système et de sa crise, ne soient pas tentées par l’abstention ou par la pseudo-radicalité de la droite extrême ? Comment raccorder dès aujourd’hui la colère à l’espérance et, demain, battre la droite aux deux scrutins de 2012 ? Certains, par crainte d’un nouvel avril 2002, peuvent être tentés par le rassemblement de toute la gauche dès le premier tour ; d’autres peuvent se résigner à la parcellisation extrême d’une gauche, de fait, très divisée sur le fond.

Ni l’une ni l’autre de ces hypothèses ne sont des solutions pertinentes. Pour gagner les élections de 2012, la gauche devra mobiliser au maximum toutes ses composantes, dès le premier tour de la présidentielle. Elle ne le fera pas si ses couleurs sont portées par un candidat unique, ancré dans la logique qui « plombe » la gauche depuis 1982-1984, celle-là justement qui l’a plongée dans l’incertitude. Rassemblée bon gré mal gré autour d’un tel héritage, la gauche passerait le cap du premier tour, mais risquerait d’être battue au second. Et même si elle l’emportait (face à une Marine Le Pen par exemple), elle provoquerait ultérieurement de nouvelles et tragiques désespérances.

Quand on est franchement à gauche, on peut légitimement penser que la solution la plus porteuse est le rassemblement, au premier tour, de toutes celles et ceux, sans exclusive, qui veulent et que la gauche gagne et qu’elle réussisse en subvertissant les consensus gestionnaires depuis trop longtemps installés. Celles et ceux qui souhaitent qu’elle cherche des résultats immédiats et, pour cela, qu’elle s’engage dans le processus d’une rupture et d’une alternative. Une gauche à la fois contestataire et constructive… Aujourd’hui, force est de constater que c’est le Front de Gauche qui s’approche le plus de cette équation. Il n’est pas encore assez large, pas assez novateur dans son esprit, pas assez citoyen dans sa façon de faire et de vivre ? Peut-être. Mais si quelque chose est utile dans l’immédiat, c’est de contribuer à ce qu’il avance dans la bonne direction, en se transformant.

S’associer à cette démarche n’est, pour personne, un renoncement à son être. Plutôt que de se disperser sur des candidatures vouées à la marge, l’extrême gauche ne se renierait pas en s’inscrivant à sa manière dans l’évolution du Front. Plutôt que de chercher à tout prix à se compter, sur des individus et des projets incertains, les écologistes feraient mieux de cultiver l’idée que l’écologie politique a une pente fondatrice de rupture avec le système, davantage que d’accommodement avec lui. Être écologiste et participer à une aventure pleinement collective, à la gauche du PS, pour « booster » la gauche, ce n’est pas perdre son âme. Pas plus que pour un(e) communiste, un(e)républicain(e), un(e)altermondialiste, un(e)féministe, un(e)autogestionnaire et tant d’autres.

Le Front de Gauche a discuté publiquement d’un « programme partagé ». Chacun peut s’interroger sur telle ou telle formulation, mais pour l’essentiel la logique de ce que l’on peut lire rappelle beaucoup le corps de propositions qui, dans la foulée de la victoire référendaire européenne de 2005, avait réuni heureusement la gauche dite « antilibérale »… avant qu’elle ne bute sur sa candidature commune. L’essentiel est l’esprit qui transparaît de l’ensemble : à la gauche de la gauche, bien à gauche, dans l’esprit d’une gauche de rupture et d’alternative. Chacun met les mots qu’il souhaite ; le plus utile est que ce « machin » aille le plus avant possible, en prenant le plus d’épaisseur populaire et citoyenne possible, en s’ouvrant à la fois aux forces et aux individus. Toute autre solution, fût-elle tentante sur le papier, conduit soit à la parcellisation et à l’échec, soit au vote utile et à une déconvenue plus grave encore peut-être, comme l’a montré le cas italien.

Reste, bien sûr, à déboucher sur une candidature commune, dès le premier tour, à la présidentielle et aux législatives. Là encore, il faut savoir dégager les voies de la raison. À la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est installé dans une dynamique visible, active, appuyée sur les aspirations à une gauche digne de ce nom. Le reconnaître n’est pas se mettre au garde-à-vous devant un homme providentiel. Ce n’est, là encore, pour personne renoncer à être soi-même. Au demeurant, se préparer à le soutenir activement n’implique aucune mécanique de long terme. On peut le faire dans l’espoir qu’émerge une grande force politique à vocation majoritaire, à la gauche de la gauche ; on peut le faire en souhaitant le maintien du pluralisme partisan existant.

Le choix porte uniquement sur le ou la candidate le mieux à même, en convaincant au premier tour, de permettre à la gauche d’exister dans la dignité, de gagner et de réussir enfin durablement. Un candidat ainsi capable, en rassemblant, de rompre la présumée fatalité d’une gauche française et européenne dominée par une social-démocratie plus ou moins recentrée. En 2007, la faiblesse d’une gauche de gauche éparpillée a fait le jeu de la droite ; en 2012, son dynamisme sera à rebours la clé de la victoire, pour toute la gauche.

Un Front de gauche citoyen, rassembleur et lui-même rassemblé, ouvert à toutes les composantes de la gauche transformatrice : il n’y a pas, à ce jour, dans la réalité telle qu’elle est, de meilleur instrument pour aller de l’avant.

Roger Martelli


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