Révolution citoyenne et révolution sociale dans les pays arabes aujourd’hui

samedi 26 février 2011.
 

A présent donc, la propagation du virus de la démocratie se poursuit en Libye, au Yémen et même à Bahreïn. C’est jubilatoire. On attend Qatar, histoire de voir si Plantu va renvoyer son chèque comme un enseignant renvoie ses palmes académiques ! De façon tout à fait significative, les Etats-Unis d’Amérique se positionnent dans cette situation comme une poule devant un couteau. Ils ne savent que faire et tout le monde voit bien que ces grands amis de la liberté ne sont guère enchantés par cette situation. Elle met à nu tous les mensonges qui ont servis de prétexte aux guerres du golfe et à l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan. Comme je me suis déjà bien exprimé sur ce sujet j’en reste là sur ce point. Mais je ne lâche pas l’occasion de faire un rappel. Mesurons une fois de plus l’ampleur du système de l’indignation à géométrie variable du parlement européen et des prétendues hautes autorités morales de l’Union Européenne qui n’ont pas soufflé mot, il y a un mois, alors même que les évènements de Tunisie battaient leur plein, sur les éventuels problèmes de droits de l’homme qui se posent en Libye, alors même que tous ces gens votaient un accord de libre échange ! Et ne cessons jamais de rappeler que s’il y a trois prix Sakharov à Cuba qui est à 10 000 kilomètres, il n’y en a pas un dans ces pays limitrophes de l’Europe ! On sait donc que les membres du jury ne prenaient pas leurs vacances en famille à Cuba, pas vrai ! Fidel ne sait pas acheter les gens. Pire : il n’essaie même pas.

Je poursuis la réflexion à propos des révolutions tunisienne et égyptienne. Je traite du sujet par petites touches depuis plusieurs billets déjà, vous l’avez vu je crois bien. Pendant mon séjour à Strasbourg j’ai eu l’occasion de plusieurs discussions avec des camarades du groupe GUE qui réfléchissent et veulent en penser davantage, tout comme moi. Ce sont des discussions à bâtons rompus, où l’on ne met en jeu que des intuitions. Par exemple avec Patrick Le Hyarric, le directeur de l’Humanité. Lui s’intéresse à la dimension sociale de ce mouvement. Comme le quotidien et l’hebdomadaire ont beaucoup produit sur le sujet, la discussion est bien ancrée dans les faits. D’un argument à l’autre mon tableau se précise.

J’ai déjà montré ce que j’avais appris du caractère « citoyen » de ces révolutions. Je disais dans ma précédente note qu’il fallait voir aussi comment s’organisait l’articulation avec le mouvement social ouvrier. Avec Le Hyaric c’était le sujet de notre discussion. Lui voit une importance première à cet aspect du déroulement révolutionnaire. Je livre mes conclusions personnelles sur ce point. La question sociale déclenche la révolution citoyenne qui en est la forme élargie, le mode opératoire de masse en quelque sorte. Et la revendication de droits universels et de démocratie se présente comme la façon d’organiser le règlement des problèmes sociaux. D’où la bizarrerie, soit dit en passant, de la formule de Besancenot déclarant pour s’opposer à ce qu’il croit être ma « révolution par les urnes » que « la Tunisie a montré qu’on n’avait pas besoin des urnes pour faire la révolution ».

Peut-être Olivier peut-il se rendre compte que la révolution tunisienne ou égyptienne revendique des urnes ? Krivine devrait peut-être faire lire à Olivier un chapitre ou deux de « la révolution permanente » de Léon Trotski qui contient des choses tout à fait intéressante sur ce type de problème. Je reviens à notre schéma de lecture. Une fois que la révolution s’est renforcée par une victoire dans le domaine démocratique, elle fait retour sur ses tâches sociales initiales. Alors l’unanimité des débuts sur les objectifs démocratiques est mise en cause. C’est le moment des classes et de leur façon de se projeter dans l’avenir. S’il n’y a pas de parti, ni de porte parole identifié pour assumer cette deuxième phase de la révolution, la révolution elle-même peut être confisquée. Cela ne veut pas dire qu’elle sera « seulement démocratique » sans s’élargir à des tâches sociales plus amples. Non.

Les acquis de la phase démocratique elle-même peuvent être remis en cause pour contrer le front social qui cherche à se constituer sur ses propres objectifs. C’est pourquoi je ne crois pas que madame Alliot-Marie ait fait une erreur de langage en disant qu’elle voulait aider le gouvernement tunisien à se « reconduire », avant de se reprendre et de dire « à se reconstruire ». Pour elle c’est la même chose en effet. Comme pour les Etats-Unis. Ils se méfient de la révolution démocratique parce qu’ils se méfient de la révolution sociale pourrait on dire.

Débat avec Leila Shahid sur les mouvements au Maghreb et au Moyen Orient


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