10 articles pour dire NON !

dimanche 15 mai 2005.
 

Comme vous le savez, nous devrons prochainement nous prononcer par référendum sur la Constitution européenne, texte volumineux composé de 448 articles.

Or, vous l’avez sans doute remarqué, jamais les partisans du OUI ne font référence au contenu de ce texte, jamais ils ne citent un seul de ses articles, mises à part une ou deux jolies phrases un peu creuses pleines de bonnes intentions, tirées de l’introduction à la Constitution et qu’on nous ressort à l’envi. A ce travail de fond, pourtant le seul qui vaille, les défenseurs du OUI préfèrent la séduction, l’exhortation, voire l’intimidation.

Nous ne jouerons pas sur ce terrain. Nous faisons le pari de l’intelligence en vous proposant de découvrir quelques articles hautement significatifs de la tonalité générale de la Constitution.

Voici donc 10 articles pour dire NON, 10 articles tirés du Traité et que nous avons décidé de recopier intégralement avant de vous exposer nos éclairages.

Article I 41-7 ou comment placer l’Europe sous la tutelle américaine

« Les engagements dans le domaine de la politique de sécurité et de défense demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre »

Cet article donne une reconnaissance constitutionnelle à l’OTAN, pièce maîtresse de la politique extérieure des Etats-Unis. Voilà une bien étrange manière de s’affirmer face à l’Amérique et de défendre l’indépendance de l’Europe...c’est pourtant l’un des leitmotiv de la campagne du OUI...

Article II 70 ou comment se débarrasser de la laïcité à la française

« Toute personne a le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites »

Et voilà comment en quelques lignes nous nous débarrassons du modèle laïc français. Si chacun pourra, demain, manifester sa religion en public, comment la récente loi sur l’interdiction des signes religieux à l’école pourra-t-elle ne pas être déclarée illégale par la Cour de justice européenne ?

Article III 131 ou pourquoi le marché est plus important que l’ordre public et la sécurité collective

« Les Etats membres se consultent en vue de prendre en commun les dispositions nécessaires pour éviter que le fonctionnement du marché ne soit affecté par les mesures qu’un Etat membre peut être appelé à prendre en cas de troubles intérieurs graves affectant l’ordre public, en cas de guerre ou de tension internationale grave constituant une menace de guerre »

Oui, vous avez bien lu, si jamais un de nos pays est en guerre, le premier réflexe de ses dirigeants devra être de prendre toutes les mesures nécessaires... pour que le libre marché européen ne soit pas entravé ! on croit rêver mais cet article s’inscrit pleinement dans la philosophie de la Constitution, celle du marché sacralisé.

Article III 137 ou comment on prépare les délocalisations de demain

« Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre sur le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un Etat membre établis sur le territoire d’un Etat membre »

Cet article est la porte ouverte aux délocalisations au sein de l’Union européenne, ce qui se traduira mécaniquement par le transfert des activités des pays les plus riches vers les 10 nouveaux entrants de l’Est et les autres pays qui sont sur le point de rejoindre l’Union, comme la Roumanie, la Bulgarie puis la Turquie dans quelques années.

Article III 148 ou la course à la libéralisation

« Les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi cadre européenne en application de l’article III 147, paragraphe 1, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent. La Commission adresse aux Etats membres intéressés des recommandations à cet effet »

Autrement dit, il est demandé aux Etats membres d’avoir toujours une longueur d’avance dans la course à la libéralisation des services, sous l’œil attentif de la Commission européenne...

Article III 167 ou la fin de l’exception culturelle

« Sont compatibles avec le marché intérieur : les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans l’Union dans une mesure contraire à l’intérêt commun »

Il est une chose de tolérer les aides destinées à la culture, à condition qu’on accepte que celles-ci ne soient pas toujours nécessairement compatibles avec la concurrence pure et parfaite et le libre marché. Or cet article dit le contraire puisque les aides ne doivent en aucune manière remettre en cause ces principes. Dès lors, on ne voit pas comment une politique culturelle digne de ce nom pourrait se mettre en place et le doute plane sur l’avenir des protections existantes, notamment dans le domaine du cinéma.

Article III 246 ou l’abandon des infrastructures de transport et d’énergie au libre jeu du marché

« Dans le cadre d’un système de marchés ouverts et concurrentiels, l’action de l’Union vise à favoriser l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l’accès à ces réseaux »

Le cadre est d’emblée fixé, celui d’un marché ouvert où s’exerce une libre concurrence. La responsabilité du développement des grandes infrastructures de transport, de télécommunications et de l’énergie ne relève donc pas de la volonté publique mais est abandonnée aux lois du marché.

Article III 279 ou l’abandon de toute politique industrielle

« L’Union et les Etats membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l’industrie de l’Union soient assurées. A cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise à : a) accélérer l’adaptation de l’industrie aux changements structurels (...) La présente section ne constitue pas une base pour l’introduction, par l’Union, de quelque mesure que ce soit pouvant entraîner des distorsions de concurrence ou comportant des dispositions fiscales ou relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés »

Alors que toutes les grandes puissances du monde, aux premier rang desquelles le Japon et les Etats-Unis, renouent avec une politique industrielle ambitieuse, volontariste et tournée vers l’avenir, l’Europe s’interdit de suivre la même voie. En effet, cet article précise clairement, et de manière répétée, que la politique industrielle de l’Union et de ses Etats ne peut s’envisager séparément des principes libéraux et concurrentiels consubstantiels à cette Constitution. Dès lors, il est tout bonnement impossible de voir naître une réelle politique industrielle impliquant acteurs publics et privés en Europe, à l’instar de ce qui se passe ailleurs.

Article III 305 ou l’interdiction faite aux Etats de défendre leurs intérêts au niveau international

« Les Etats membres coordonnent leur action au sein des organisations internationales et lors des conférences internationales. Ils défendent dans ces enceintes les positions de l’Union. Le ministre des affaires étrangères de l’Union assure l’organisation de cette coordination. Au sein des organisations internationales et lors des conférences internationales auxquelles tous les Etats membres ne participent pas, ceux qui y participent défendent les positions de l’Union »

L’injonction faite aux Etats est très claire : ils ne devront en aucun cas défendre leurs propres intérêts et leur vision du monde, mais promouvoir la position de l’Union.

Lorsque l’on sait les divergences d’appréciation des grands problèmes du monde entre les puissances qui constituent l’Union européenne, et notamment la France et le Royaume-Uni, on voit bien quelle position de compromis, timide, molle, voire tout simplement calquée sur la vision américaine, les membres de l’Union dont la France devront défendre au sein des instances internationales et lors des conférences internationales.

Si la Constitution avait été adoptée à cette époque, la France aurait donc dû défendre la position anglo-américaine majoritaire dans l’Europe des 25 au sujet de la guerre en Irak...

Article IV 443 ou pourquoi on en prend pour 30 ans

Exceptionnellement, nous ne recopions pas l’article en question, du fait de son extrême longueur. Cet article expose la manière dont il faudra s’y prendre pour réviser ordinairement la Constitution si elle est adoptée.

Pour être bref, sachez que la demande de révision doit d’abord passer par le verrou du Conseil européen. La Convention convoquée ensuite doit se prononcer par consensus. La BCE doit être consultée. Enfin, le dernier mot revient aux gouvernements réunis en Conférence et qui doivent adopter à l’unanimité cette révision. A toutes ces étapes, il faut ajouter la ratification par les 25 puis 30 membres de l’Union. Le tout risque de prendre plusieurs années...

Vous le comprenez aisément, réviser la Constitution européenne relèvera du parcours du combattant. Nous risquons donc bien d’en prendre pour 30 ans au moins si ce texte est adopté par les Français

Vous avez donc pu découvrir 10 articles clé de cette Constitution, 10 articles pour dire NON. Nous les avons choisis par qu’ils illustrent bien la philosophie du texte dans tous les domaines : libéralisme à tout va, harmonisation au forceps des politiques extérieures, remise en cause de la laïcité, impossibilité de mener une politique industrielle tournée vers l’avenir...

Nous aurions pu vous présenter une foule d’autres articles, mais pour une question de place et de clarté, cela n’aurait pas eu grand sens.

Alors, ces 10 articles symptomatiques des dangers de la Constitution nous font dire que

Cette fois c’est NON !


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