Ce que propose Ségolène Royal contre les enseignants n’a pas de sens.

mardi 14 novembre 2006.
 

Le sujet est : est-ce que ce qu’elle dit correspond à ce qu’elle souhaite faire ? La réponse est positive. Notez que si elle n’assume pas, elle ne dément pas non plus. Et pour cause ! Elle ne le peut pas. Le titre du "Monde", publié il y a plus de deux mois, montre pourquoi. De plus je témoigne que cette proposition, elle l’a présentée également à la réunion de la commission du projet socialiste et qu’elle y fut repoussée sans autre examen dans la mesure où tout le monde autour de la table était consterné.

UNE ACCUSATION TRES GRAVE

Il faut d’abord informer correctement. Les enseignants sont liés par leur statut dans la fonction publique qui leur interdit d’exercer une autre activité rémunérée sauf autorisation de leur hiérarchie. Par conséquent l’accusation que porte Ségolène Royal est grave. Elle accuse les enseignants de frauder avec leur statut de fonctionnaires. En toute hypothèse les personnes concernées ne peuvent être qu’une poignée. Il suffirait d’une circulaire du ministre pour que la hiérarchie redevienne plus vigilante (si c’est bien le cas inverse, ce que je ne sais pas) et je peux garantir qu’en deux semaines le phénomène serait tout à fait moins que résiduel ! Ce ne peut donc pas être la base d’une réflexion sérieuse sur le sujet. Mais quel est le sujet ? La montée de la marchandisation du savoir ? Dans ce cas la bonne porte d’entrée ce n’est pas la répression des complices du système. C’est le système qu’il faut mettre en cause !

ON PEUT FAIRE TOUT AUTREMENT

Comment ? En interdisant d’abord la déduction des impôts des sommes dépensées auprès de ces officines puisque celles-ci bénéficient aujourd’hui d’un avantage de même nature que le chèque service pour les emplois à domicile. L’autre aspect est le statut des activités périscolaire de l’école publique et les missions nouvelles de service public qu’il faut envisager. Enfin il ne faut pas que le gouvernement de gauche mette lui-même en place un marché de l’éducation. C’est ce que nous ferons inévitablement si nous acceptons le libre choix de l’établissement d’accueil des enfants surtout renforcé par la mise en place d’équipe constituée par le chef d’établissement. Je pense que tout le monde comprend facilement que cette "autonomie de gestion du personnel" et ce "caractère propre des établissements" est la base de la mise en place du marché éducatif. C’est ce que réclament les entreprises privées d’enseignements qui chaque année tiennent leur congrès annuel mondial et bavent devant les 1400 milliards de dollars de dépenses que représente ce marché.

UNE IDEE SANS CONTENU SERIEUX

J’en viens à la présence augmentée des enseignants dans les établissements. On pourrait se contenter d’applaudir. Mais auparavant, il faudra inévitablement répondre à deux questions : " davantage présent ? pourquoi faire" et "présent où" ?

Premiere question. Le temps de travail des enseignants est actuellement forfaitisé. On compte deux heures de préparations (et corrections de copie...) par heure de cours face à face avec les élèves. Ce temps est-il excessif ? A-t-il été mal calculé dans le passé ? Faut-il le réévaluer le calcul actuel du temps de travail des enseignants ? Voila une base de "discussion" sérieuse, si Ségolène Royal veut ouvrir ce dossier. Mais dans ce cas il faudra justifier pourquoi le calcul actuel serait réputé faux. Sinon c’est purement et simplement reprendre les ragots de comptoir de bistrot sur les "enseignants qui ne foutent rien" et ainsi de suite. La clientèle électorale que ce genre de remarque calomnieuse de Ségolène Royal vise, c’est précisément ce genre de public, sans oublier celui de la droite et des ennemis de l’école publique qui aujourd’hui pavoisent.

Deuxième question. Davantage présents ? Pourquoi faire ? J’ai bien compris que la remarque de Ségolène Royal suppose que l’on remette en cause le forfait actuel. On considère donc qu’une partie du temps actuellement consacré à la préparation des cours ou à la correction des copies va être occupé à d’autres activités ? Lesquelles ? Du soutien scolaire ? Cela s’appelle "faire cours". On n’en sort pas. Car de nouveau il faut reprendre le calcul sur le temps de travail forfaitisé.... A moins qu’il s’agisse de contacts et rencontres avec les élèves. Bien sûr, cela aussi devra entrer dans le calcul du temps de travail. Retour à la case départ....

Troisième question. Davantage présents ? Mais où effectuer ce nouveau temps de présence ? En effet supposons que le nouveau temps de travail ait été calculé et s’applique, bref que tout soit réglé par enchantement. Reste une question non négligeable : où les enseignants vont-ils pouvoir faire ce nouveau travail ? Pas dans les salles de cours : elles sont toutes occupées, et parfois au delà du raisonnable comme chacun le sait. Pas dans la salle des professeurs, c’est totalement inadapté. Où ? Dans les pays comme l’Allemagne où les professeurs restent dans l’établissement et chaque professeur se voit attribué un bureau. Combien de temps et d’argent demandera la construction d’un bureau par professeur dans l’ensemble des collèges et lycées de France ?

DU BRUIT AVEC LA BOUCHE

Tout ceci montre que de nouveau, sur ce sujet comme auparavant sur la délinquance ou les incivilités ou encore sur les permis de séjours régionalisés pour les immigrés, Ségolène Royal fait du bruit avec sa bouche pour rameuter des clientèles électorales réactionnaires. Mais ce qu’elle propose n’est ni concret, ni faisable, ni réaliste. Et en plus ce n’est pas souhaitable. En effet, pour ma part je pense que dans les établissements c’est une chose la fonction de pédagogie dans la transmission des savoirs et une autre la fonction de vie scolaire au sens large. S’il est tout à fait indispensable que le chef d’établissement soit un véritable animateur d’équipe pédagogique, la spécialisation des métiers d’éducation est la garantie de leur réelle professionnalisation.Et de cela dépend que la mission de service public d’éducation soit éffectuée pau bénéfice de chaque jeune.


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