Gauche de la gauche : Le délicat processus de rassemblement électoral (régionales 2010)

mardi 27 octobre 2020.
 

Quand le NPA viscéralement indépendant du PS tente de faire front commun avec un PCF désireux de continuer à participer à la gestion des exécutifs régionaux, avec le Parti de gauche en médiateur inlassablement optimiste.

Ce week-end, le jeu de rôles du Front de gauche a connu, aux dires de ses protagonistes, une « étape décisive » pour son avenir. Pourtant, on se demande encore quelle pourra bien être la chute de l’histoire, tant les contours du cartel électoral semblent encore indécis.

Dimanche, le parti communiste a conclu place du Colonel-Fabien son conseil national avec le vote par 126 voix (22 contre, 9 abstentions) d’une « offre nationale » en vue des élections régionales. Celle-ci sera soumise ensuite à la discussion de la base dans les « conférences régionales » des 7 et 14 novembre prochains, puis au vote des militants la semaine suivante. Présentée par la direction, cette offre se veut « autonome » du PS au premier tour, dans la continuité du Front de gauche des dernières européennes, qui vit le PCF recueillir 6,5% aux côtés du Parti de gauche et de Gauche unitaire.

Marie-George Buffet, secrétaire nationale communiste, promet même « un élargissement bien au-delà des trois composantes actuelles, à des forces nouvelles et aux personnalités associatives et syndicales ». Quelles forces ? Après un temps de silence, la députée et maire du Blanc-Mesnil esquive : « Peut-être les Alternatifs, mais surtout de nombreuses personnalités. » Son n°2, Pierre Laurent, complète alors : « La gauche sociale est extrêmement diverse, nous souhaitons nous adresser à ceux qui font vivre la gauche, et qui ne sont pas forcément encartés. »

Car avec le NPA, le divorce semble déjà consommé, alors même que les discussions sur le mariage ne sont pas terminées et malgré deux réunions encore à l’agenda (ce qui pourrait être la dernière rencontre aura lieu ce mercredi au siège du PCF). Porte-parole communiste, Olivier Dartigolles ne se fait pas grande illusion : « Le désaccord de fond s’accentue, surtout à la lecture de leur dernier texte. Leur position est plus en plus dure, ils refusent le pouvoir et sont à côté de la plaque, ce qui n’est pas sans susciter des tiraillements chez eux, notamment chez les jeunes générations. »

Quel accord au second tour, avec ou sans MoDem ?

Pierre-François Grond, dirigeant du NPA, qui ne cache pas qu’« en ce moment, tout le monde est un peu tendu », constate lui aussi le fossé qui les sépare des communistes : « Depuis deux réunions, c’est très clair. Le PCF ne veut pas de nous, en posant comme condition au rassemblement d’être d’accord pour gérer les régions avec le PS. Le poids des élus semblent contraindre le PCF à ne pas changer d’attitude par rapport aux alliances de 2004, alors que le PS n’est plus le même qu’en 2004, et a encore plus glissé vers le centre. »

Le désaccord semble irrémédiable. Pour Buffet, les communistes lancent un appel « pour que puisse s’exprimer une majorité clairement à gauche » et se veulent comme « un levier pour déplacer le curseur » des majorités régionales. Dartigolles précise : « Ce que nous voulons, c’est que tout le monde rentre au bercail de la gauche pour ces régionales, ce n’est pas un débat sur les deux gauches. » Or c’est exactement ce débat que porte le parti d’Olivier Besancenot, proposant une fusion des listes entre deux tours, mais sans participation à l’exécutif.

Grond estime qu’« il ne s’agit pas d’une question de principe, mais d’une question de conditions politiques : quel rapport de forces et quelles possibilités d’infléchir le programme des autres ? Si le centre-gauche (Europe-Ecologie, MoDem et PS) fait 30% et nous 7%, on n’obtient que des strapontins alibis. Si c’est 20% contre 15%, ce n’est pas la même chose et l’on peut par exemple obtenir plus facilement la gratuité des transports en commun… ». Le comité national du NPA précisera sa position le 1er novembre, avant de consulter ses militants lors d’un vote qui devrait être organisé à la fin du mois.

Un point réunit pourtant communistes et anticapitalistes : leur hostilité au MoDem. Marie-George Buffet a annoncé dimanche que le PCF ne participerait pas à un accord de second tour avec un PS allié lui-même au parti centriste. Elle indique ainsi vouloir travailler « à fusionner toutes les forces de gauche, à l’exclusion du MoDem, qui n’est pas une force de gauche, car une telle alliance mènerait à la défaite ». Et de marteler, en référence à la grande alliance promue par le dirigeant communiste italien Enrico Berlinguer : « Le PCF ne sera pas dans le compromis historique. » Une allusion aux propos du néo-dissident Robert Hue (lire son interview à Mediapart), qui lancera début novembre un « mouvement unitaire » ayant pour but d’être présent sur les listes socialistes dès le premier tour.

Au NPA, on pointe ce rejet du MoDem comme une contradiction du meilleur ennemi communiste. « Vu combien le rapprochement PS-MoDem a l’air d’être aujourd’hui à l’œuvre, prendre cet engagement revient à entériner l’opposition à un accord de gestion avec le PS, estime Pierre-François Grond. Il n’y a alors aucune raison de ne pas faire liste commune avec nous. Ou alors, on ment et on finit par quand même être présents sur les mêmes listes au second tour. »

Deux blocs à la gauche de la gauche ?

Au final, on a une nouvelle fois l’impression d’assister à l’éternelle rengaine du « Qui rend responsable qui de l’union qui ne se fait pas » dans la gauche radicale. C’est au premier qui claquera la porte, même si Grond veut encore croire que « le PCF sent une pression unitaire de la base, un peu la même que nous avons ressentie l’an dernier au moment des européennes. Peut-être que les militants du PCF l’exprimeront lors de leur vote ».

Bien parti pour faire liste commune avec les Alternatifs, la Fédération et le Forum social des quartiers populaires, le NPA espère encore rallier le Parti de gauche dans son attelage, même si l’hypothèse paraît bien improbable. Plus que jamais, le parti de Jean-Luc Mélenchon se retrouve entre deux orientations, cherchant à jouer l’impossible trait d’union.

Le secrétaire national du PG aux relations unitaires, Eric Coquerel, ne veut pas retenir « les effets de tribunes ou les déclarations à la presse », estimant que « rien n’est plié ». « La nécessité du rassemblement pèsera bien à un moment donné », analyse-t-il, tout en se félicitant de l’autonomie par rapport au PS voulue par le PCF au premier tour.

Mais que faire alors en cas d’alliance de premier tour PCF/PS, une situation qui pourrait se produire dans un certain nombre de régions (entre une demi-douzaine et une dizaine, selon les interrogés) ? « On espère qu’il n’y en aura pas, dit Coquerel. Mais si tel est le cas, ce sera PC/PS contre Front de gauche, car la légitimité du Front de gauche, ce sont des listes autonomes du PS. On verra bien alors, mais il n’est pas à exclure que d’autres rassemblements locaux s’organisent, selon des périmètres dépendant des contextes régionaux. »

Lors de son conseil national de samedi, le PG a une ultime fois tenté de préserver la chèvre anticapitaliste et le choux communiste, en proposant « de ne pas s’enfermer dans un vis-à-vis avec le seul PS. Nous proposons de juger au cas par cas et en tenant compte aussi du déroulement de la campagne nationale et régionale ». Pas sûr que cela suffise à réunir la gauche de gauche.

ALLIES Stéphane

* Paru sur Mediapart, , le 25 octobre 2009.


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