Pour la retraite, la femme vaut la moitié de l’homme

samedi 17 octobre 2009.
 

Rançon des inégalités dans le travail, les femmes forment le gros bataillon des petites retraites. Mobilisation aujourd’hui à l’appel de cinq syndicats qui revendiquent : « Pas de pension inférieure au smic ! »

A entendre le ministre du Travail, Xavier Darcos, les futures retraitées pourraient dormir sur leurs deux oreilles : le dispositif accordant aux mères une majoration de durée d’assurance (MDA) de 8 trimestres par enfant, qui avait été remis en cause par des tribunaux au motif de discrimination envers les hommes, sera « sauvegardé ». Devant la vive émotion causée par la menace, et la réaction vigoureuse de deux syndicats, la CGT et la CFTC, et d’associations féministes, le gouvernement s’est en effet résolu à préserver, dans son intégralité, la MDA pour les enfants nés avant le Ier janvier 2010. Á compter de l’an prochain, cependant, la loi, comme prévu dans le projet du budget 2010 de la Sécurité sociale (PLFSS), changera : une bonification de 4 trimestres d’assurance sera attribuée aux mères, pour chacun de leurs enfants, « au titre de l’incidence sur leur vie professionnelle de la maternité ». Et une deuxième année de MDA ira « au bénéfice du père ou de la mère », au titre cette fois de l’éducation de l’enfant. Il reviendrait aux parents de s’entendre sur le choix du bénéficiaire. En cas de désaccord, la caisse d’assurance vieillesse désignerait « celui des parents qui établit avoir contribué à titre principal à l’éducation de l’enfant », stipule le PLFSS. Et à défaut de choix exprimé, la mère recevrait la MDA. Si cette réforme constitue bien un premier « recul » en pérennisant l’avantage pour les enfants déjà nés, elle « ne doit pas conduire à relâcher la pression », comme le souligne le leader de la CGT, Bernard Thibault (voir ci-contre). Les femmes ont, au contraire, trois raisons particulières au moins de prendre part à la journée de mobilisation organisée ce vendredi par cinq organisations syndicales de retraités.

le système de retraite vidé de ses élements de solidarité

En premier lieu, parce que le recul obtenu dans la bataille sur la majoration de durée d’assurance reste précaire. Le gouvernement veut procéder, en 2010, à une réforme « structurelle » de la retraite, et il y a tout lieu de redouter qu’à cette occasion, il ne poursuive le travail de sape entamé lors des réformes de 1993 et 2003, consistant à réduire tous les avantages dits « non contributifs » (ne correspondant pas à des droits acquis par l’activité, des cotisations), autrement dit à vider le système de retraite de ses éléments de solidarité.

En second lieu, parce que la réforme de la MDA reste, sur le fond, très contestable. Le partage de la bonification pour enfant en deux, une année pouvant donc désormais être attribuée au père au motif de l’éducation, ouvre une brèche dans un acquis social qui, rappelons-le, bénéficie actuellement à la quasi-totalité des retraitées et ne représente pas moins de 20 % du montant de leur pension. Rien ne justifie la moindre atteinte à un avantage fondé, en vérité, non sur la reconnaissance de l’éducation des enfants, comme cela a été généralement présenté, mais sur celle des inégalités profondes subies par les femmes dans leur carrière du fait qu’elles ont mis au monde des enfants. On connaît le tarif de la peine : salaires plus faibles (de 20% en moyenne), carrières plus courtes, emplois plus précaires, à temps partiel, etc, et au bout du compte, des pensions inférieures de 38 % à celles des hommes (de 48 % pour la seule pension de droit direct). Accorder la MDA aux pères n’a pas de sens, dans la mesure où, à la différence des mères, le fait d’avoir eu, ou non, des enfants, n’a pas d’impact sur le montant de leur pension, fait valoir la CGT.

L’affaire de la MDA aura eu le mérite de ramener sur le devant de la scène le scandale des inégalités devant la retraite. Rançon de leurs carrières plus courtes (20 trimestres en moyenne en moins), de leurs salaires plus faibles, les femmes constituent le gros bataillons des petites pensions : les trois quarts d’entre elles doivent se contenter d’une pension de base au minimum contributif (590 euros par mois). Et les réformes de 1993 et 2003, en durcissant les conditions d’accès à une retraite à taux plein (allongement de la durée de cotisation, calcul de la pension sur la base des 25 meilleures années de salaire, au lieu des 10 meilleures) les ont, pour les mêmes raisons, particulièrement pénalisées. Même si les inégalités doivent avant tout être combattues dans l’entreprise au travail « une loi devrait sanctionner les employeurs qui ne réduisent pas les inégalités de traitement », réclame la CGT , la situation des retraitées souligne le bien-fondé et l’urgence de la revendication, au coeur de l’action d’aujourd’hui, d’une revalorisation substantielle des pensions.

Yves Housson


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