L’assurance maladie aux Etats-Unis, un cauchemar (témoignage)

vendredi 17 juillet 2009.
 

Le 1er août prochain, l’assurance maladie qui couvre ma famille depuis environ dix-sept ans expire. J’ai donc entamé les démarches nécessaires pour garder la même organisation de soins, Kaiser Permanente, mais cette fois en tant que personne privée. Car jusqu’à présent, j’avais la chance de bénéficier d’un « group coverage », c’est-à-dire d’une couverture collective fournie par l’employeur de mon ex-mari. Tout ça est assez compliqué mais je vais tenter d’expliquer, le plus clairement possible et par la lorgnette de ma propre expérience, comment fonctionne le système de santé américain et à quel point et quelle vitesse il peut devenir effrayant.

Pendant des années donc, j’ai été membre de Kaiser Permanente, compagnie d’assurance/organisation de soins à but non lucratif, via l’entreprise pour laquelle travaillait mon mari. Perdre un jour mon assurance médicale ne faisait pas partie de mes préoccupations. En effet, il est illégal pour une compagnie d’assurance santé de rejeter un individu dont la « candidature » est soumise par un employeur, quels que soient son état de santé et ses antécédents médicaux. La raison pour laquelle des millions d’Américains choisissent un job plutôt qu’un autre est d’ailleurs malheureusement souvent liée au type d’assurance maladie offerte par l’entreprise, pas à l’intérêt intrinsèque de l’emploi.

En cas de divorce ou de licenciement, on peut garder la même assurance pour une durée variant entre 18 et 36 mois, via un régime de santé appelé Cobra, à condition toutefois de prendre en charge la totalité du coût mensuel, généralement plutôt élevé.

Bref, en août 2006, je me suis retrouvée dans la situation de souscrire à Cobra. J’ai eu la chance d’avoir un rab de trois ans de sécurité, enfin si l’on veut, vu le montant de la facture (une femme avec trois enfants égale 531 dollars/mois, soit 377 euros, auxquels il convient d’ajouter 15 dollars par visite médicale, 100 dollars pour un passage aux urgences, 10 dollars par médicament, etc.). Mais au moins, j’étais tranquille car tant que j’avais Cobra, Kaiser ne pouvait pas se débarrasser de nous. Alors qu’à partir du 1er août, je serai livrée à moi-même. C’est là que les choses se compliquent.

Le cauchemar commence lorsqu’on essaie de souscrire à une assurance maladie individuelle sans le soutien d’une entreprise ou d’un syndicat.

Piéger les candidats pour ne pas les assurer

Ça fait dix-sept ans environ que je suis assurée par Kaiser Permanente, pourtant, j’ai dû remplir un long questionnaire sur l’historique de mon état de santé, comme si Kaiser n’en connaissait pas déjà tous les détails. Au bout de quelques pages, je m’arrachais les cheveux et je fulminais. Les mêmes questions revenaient sous différentes formes.

L’astuce est connue : elles sont formulées ainsi pour vous induire en erreur et vous inciter à répondre une chose, puis son contraire avec les meilleures intentions. Si vous êtes un jour frappé par une grave maladie bien coûteuse, votre compagnie d’assurance peut reprendre votre dossier, l’examiner à la loupe et vous accuser d’avoir menti. Elle a alors la parfaite excuse pour vous expulser.

Les cas de ce genre sont nombreux. Vous avez oublié de déclarer une candidose ou une mauvaise grippe pendant votre adolescence ? A dégager. Vous buvez trop de vin, avez subi une intervention chirurgicale, avez un peu de diabète ou de cholestérol, oubliez. Si vous n’avez pas la chance d’avoir un employeur, vous risquez fort de ne plus jamais pouvoir être couvert. Je connais un homme dont le fils de 19 ans a récemment été opéré d’un truc bénin. Il vient d’être informé que son fils ne sera plus jamais assuré individuellement.

Passons maintenant aux primes. Scandaleuses ! Il y a quelques années, Kaiser était l’une des dernières HMO (Health Maintenance Organization) à offrir, en gros, une seule option pour tous les individus. Moyennant une mensualité fluctuant selon le nombre de membres de votre famille, vous aviez droit à une couverture santé très complète et satisfaisante. Ce n’est plus le cas. Kaiser offre désormais une dizaine d’options entre lesquelles il est extrêmement difficile de naviguer.

Après m’être décidée pour l’option à 616 dollars par mois, à première vue la plus intéressante pour ma famille, je me suis finalement rendu compte que pour ce tarif, j’avais une clause de franchise de 7000 dollars/an (c’est-à-dire que je devrais débourser cette somme chaque année avant de commencer à être couverte), et qu’après ça, les hospitalisations me coûteraient 500 dollars par jour, que les médicaments ne seraient pas couverts du tout et que je devrais payer 50 dollars par visite chez le médecin. Autant dire qu’à moins d’un événement catastrophique, les 616 dollars mensuels ne serviraient strictement à rien. Je vous passe les détails des autres plans. Il n’y en a pas un pour relever l’autre.

Aux Etats-Unis, les problèmes de santé ont contribué à 62,1% des banqueroutes individuelles

J’en suis arrivée à la conclusion qu’il serait peut-être plus économique de ne pas souscrire à une assurance maladie, sauf qu’il est toujours possible d’avoir un accident et de se retrouver complètement sur la paille. Mais là encore, être assuré ne garantit rien. D’après un article récent du American Journal of Medecine, en 2007, les problèmes de santé ont contribué à 62,1% des banqueroutes individuelles. 77,9% de ces victimes étaient au départ assurées ! Les assureurs ne couvrent en effet presque jamais la totalité des dépenses de soins. Et dans certains cas, devoir payer 10% du coût d’un traitement peut vous précipiter dans un abîme financier. De toutes les HMO que j’ai considérés, Kaiser Permanente est, de loin, la meilleure. Je n’ai jamais eu à m’en plaindre. C’est pour ça que je voulais la garder.

Il y a deux systèmes de santé aux Etats-Unis : les HMO et les PPO (Preferred Provider Organization). Avec les premières, vous payez moins, mais vous ne pouvez consulter que les professionnels de la santé affiliés à votre HMO. Le choix est donc réduit. Avec les secondes, il est plus étendu : vous consultez qui vous voulez, mais votre facture mensuelle est bien plus salée.

C’est ce système effarant qu’Obama veut réformer. Afin que tout le monde, sans exception, puisse bénéficier d’une assurance maladie. Actuellement, près de 48 millions d’Américains en sont dénués. Mais les Républicains crient au socialisme. Quelle horreur ! Si la réforme du système présentée par Obama était votée par le Congrès, nous courrions le risque d’être couverts par l’Etat, ce qui serait évidemment pire que de ne pas être couverts du tout, comme chacun sait.

Les Républicains argumentent également qu’avec un système de santé public, les Américains n’auraient plus la possibilité de choisir leurs médecins et leurs soins, comme s’ils l’avaient déjà ! De plus, la réforme prévoit la cohabitation des deux systèmes, public et privé. Mais comme le premier sera beaucoup moins coûteux que le second, ce dernier craint de perdre sa clientèle. Qu’il est en train de perdre de toutes manières. De moins en moins d’Américains peuvent se permettre d’acheter leur propre assurance maladie. D’autres font le calcul que ça ne sert à rien.

par Armelle Vincent


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