Financement des retraites : le rêve de Guillaume Sarkozy (par Pierre LARROUTUROU)

mercredi 8 juillet 2009.
 

Connaissez-vous Guillaume Sarkozy ? C’est un des frères de Nicolas. C’est aussi le DG de Médéric, un groupe d’assurance-santé, assurance-retraite… Il y a quelques années, Guillaume dirigeait une entreprise de textile. Mais il a cessé cette activité et s’est reconverti dans l’assurance santé. C’est plus rentable. D’autant que Guillaume a des projets pour développer son affaire et il connaît quelqu’un de haut placé, qui peut l’aider à réaliser ses projets.

Il y a trois ans, dans La Tribune, Guillaume Sarkozy expliquait qu’il fallait s’attendre « à des bouleversements majeurs dans le domaine de la santé. La réforme Douste-Blazy n’a pas eu le succès escompté en ce qui concerne les équilibres financiers. D’autres réformes seront nécessaires. Elles donneront aux assureurs complémentaires un rôle de plus en plus important. »

Sans trahir de secrets de famille (qu’est-ce que Nicolas a promis à Guillaume en coupant le gigot dominical ?), on voudrait en savoir plus : quels sont les “bouleversements majeurs” auxquels il faut s’attendre en matière de financement de la santé ? La “petite” franchise que Nicolas Sarkozy a créée en début de mandat n’est-elle qu’un premier pas vers de gros déremboursements ?

Pour développer un business très profitable pour certains, le gouvernement va-t-il diminuer les remboursements et le niveau des retraites, et inciter ceux qui le peuvent à se tourner vers des assurances privées ?

Certains Sarkozystes fervents vont m’accuser de faire à Nicolas et Guillaume un procès d’intention. Mais dans son édition du 4 juin 2008, Le Monde faisait état d’un document confidentiel qui permettait de bien comprendre les intentions de Guillaume Sarkozy :

« La Caisse des Dépôts, la CNP et le groupe de protection sociale mutualiste Médéric, qui est dirigé par Guillaume Sarkozy, frère du chef de l’Etat, veulent créer une filiale commune spécialisée dans le financement des retraites.

Les discussions autour de la Loi Fillon, prévues cet été, les incitent à aller vite. Un document de travail daté du 16 mai et estampillé “confidentiel”, relève que, en 2020, les non-cadres subiront une baisse de 5 % du taux de remplacement pour une carrière complète et les cadres subiront une baisse de 20 %.

Les grandes lignes de ce projet de partenariat sont posées : la création d’une “nouvelle entreprise d’assurance“, qui proposera “un bilan retraite et des services adaptés, en phase d’épargne (…) et au moment de la retraite“ aux salariés. L’objectif est d’atteindre un chiffre d’affaires de 7 milliards d’euros en 2019. Les futurs partenaires se fixent “des taux de rentabilité raisonnables sur le long terme.“

Le Monde du 4 juin 2008

Un grand nombre de médecins, de professionnels de santé et d’associations de malades disent aujourd’hui leur inquiétude. Car les propos de Guillaume Sarkozy ne sont pas les seuls à inquiéter : en septembre 2006, quand Les Echos demandaient à François Fillon si les problèmes de dépendance des personnes âgées ne devraient pas être mieux pris en charge par la Sécurité Sociale, François Fillon expliquait que “la bonne piste est de compléter le système actuel avec des dispositifs d’assurance privée“.

Et tout récemment encore, Nicolas Sarkozy rappelait sa volonté de réformer les retraites et sa volonté de “développer d’autres formes de protection“ :

« C’est une révolution discrète mais profonde du système de santé qu’a esquissée Nicolas Sarkozy, jeudi 4 juin. (…) M. Sarkozy a affirmé qu’à l’avenir “les régimes de base ne pourront pas tout financer”.

“Je souhaite que soient confiées de nouvelles responsabilités aux organismes complémentaires”, a expliqué le chef de l’Etat, qui confirme ainsi son intention de parvenir à un désengagement progressif de l’assurance-maladie obligatoire (…).

“La solidarité nationale continuera de remplir sa mission, a prédit le chef de l’Etat. Mais à ses côtés, d’autres formes de protection sont appelées à se développer.”

Le Monde du 4 juin 2009

Aux Etats-Unis, le modèle de Nicolas Sarkozy, les dépenses de santé sont deux fois plus importantes qu’en France (en proportion du PIB) mais l’essentiel de ces dépenses ne sont pas remboursées par l’Etat. C’est aux individus de s’assurer. Du coup, malgré des dépenses de santé deux fois plus importantes que les nôtres, l’espérance de vie est plus faible aux Etats-Unis qu’en France car des millions d’Américains n’ont pas de quoi se faire soigner et meurent prématurément.

Le système est très profitable pour les dirigeants et les actionnaires des sociétés d’assurance mais « 47 millions d’Américains n’ont aucune protection sociale et les problèmes de santé sont la première cause de faillite personnelle » expliquait le correspondant à New York du journal Les Echos le 6 novembre 2006. Quand ils ont un gros problème de santé, tous ceux qui n’ont pas de couverture sociale doivent vendre le peu qu’ils ont et s’endetter plus que de raison… Est-ce vers ce modèle que veut nous amener Nicolas Sarkozy ? Tant pis pour ceux qui n’auront pas les moyens de s’assurer !

Une question de dignité

Pour moi, ce point est fondamental. Il ne s’agit pas seulement d’économie dans le sens classique du terme. Avec les questions de santé, de retraite et de dépendance, on touche à la dignité humaine dans ce qu’elle a de plus concret : mon père est mort il y a quelques années après avoir vécu un mois dans une unité de soins palliatifs où tout a été fait pour éviter qu’il ne souffre. Il y a été admis sans qu’on lui pose aucune question sur son niveau de revenu.

Si Nicolas Sarkozy et ses alliés mettent en place un système de retraite et un système de santé à l’américaine, seuls les plus riches pourront avoir une fin de vie digne. Les autres, ceux et celles qui auront déjà galéré toute leur vie avec de faibles revenus, seront relégués dans des mouroirs ou des hôpitaux de seconde classe.

En matière de retraites et de santé, quels sont vraiment les projets de Guillaume et de Nicolas Sarkozy ? On a vu hier que, si l’on s’attaquait vraiment au chômage et si l’on rééquilibrait le partage salaires/bénéfices, on pourrait dégager de nouvelles marges de manœuvre pour financer la protection sociale. On aimerait que le Parlement organise un débat transparent sur cette question fondamentale.

Pierre LARROUTUROU est économiste.


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