Le Gabon, victime de quarante ans de pillages

lundi 29 juin 2009.
 

Avec une superficie inférieure à 268 000 kilomètres carrés et une population d’environ 1,4 million d’habitants, le Gabon figure parmi les petits pays du continent. En revanche il est doté de richesses naturelles exceptionnelles, à commencer par le pétrole, dont les recettes représentent à elles seules près de 60 % du budget de l’État, mais aussi de bois précieux, sa ressource traditionnelle, de manganèse, de fer, d’uranium, sans oublier les diamants. Toutes richesses que Paris et les sociétés « françafricaines » s’étaient accoutumés à considérer comme une chasse gardée de fait, sous réserve des inévitables pourcentages à concéder, dans la plus grande opacité, au président et à ses proches.

Dans la dernière période, ceux-ci ont joué de la concurrence internationale pour faire monter les tarifs, ouvrant la porte au consortium chinois CMEC-Sinosteel pour ce qui concerne le fer (site de Belinga, l’un des derniers grands bassins mondiaux inexploités, situé dans la province de l’Ogoouwé Ivindo), au brésilien CVRD pour le manganèse (opérations d’explorations à Okondja et à Franceville, avec la perspective de faire du pays le premier producteur mondial en ce domaine).

Le caractère prédateur du système

Cette richesse rend d’autant plus flagrante l’extrême pénurie du pays en infrastructures - route, école, santé (l’espérance de vie plafonne à cinquante-quatre ans). 70 % des Gabonais survivent en dessous du seuil de pauvreté. Cela alors que le rapport officiel du PIB par habitant dépasse notablement la barre des 5 000 dollars, soit un taux très supérieur à ceux enregistrés par la grande majorité des pays du continent (à titre de comparaison, le Congo-Brazzaville voisin, lui-même producteur de pétrole, se situe aux alentours de 950 dollars).

Cet indicateur place le Gabon dans la moyenne des nations de la planète (84e place sur 177). Mais il dégringole au 124e rang si l’on se réfère à l’indice de développement humain (IDH) tel que défini par le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement, année 2006). Une telle distorsion, révélatrice du niveau d’exploitation d’un peuple, est certes classique dans le monde capitaliste, mais son ampleur exceptionnelle (une différence de l’ordre de quarante places entre le PIB par habitant et l’IDH) souligne avec crudité le caractère prédateur du système Françafrique-Bongo mis en place au lendemain de l’indépendance de 1960. Dans ce domaine au moins, le défunt président affairiste a indiscutablement battu un record, le seul qui devrait rester attaché à sa mémoire. Avec peut-être sa fortune personnelle si celle-ci parvient à être chiffrée un jour. Nicolas Sarkozy avait, durant sa campagne, proclamé sa volonté de « rupture » avec la politique des réseaux françafricains. Cela ne l’empêchait pas de rencontrer Omar Bongo à chacun de ses passages à Paris (il aurait été reçu au moins sept fois dans le luxueux hôtel particulier du 16e arrondissement de ce dernier entre janvier 2004 et mars 2007). Ni de lui réserver la première étape de sa première tournée africaine une fois élu à la présidence. Il déclarait alors : « En Afrique, le statut d’ancien, cela compte. Ne pas aller à Libreville, c’était humilier Bongo (…). S’agissant du Gabon, je ne pense pas que ce soit le pays qui ait le plus à rougir du point de vue de la démocratie interne. »

Répression contre plusieurs associations

Vers la même période, une vingtaine d’associations critiquant l’usage bien particulier fait par Bongo de la manne pétrolière étaient interdites (janvier 2008). En juin 2008, Marc Ona, coordonnateur gabonais de l’ONG internationale Publish What You Pay (Publiez ce que vous payez), était accusé d’atteinte à la sûreté de l’État et interdit de sortie du territoire. Il est vrai que son association a l’outrecuidance de militer pour la transparence des entreprises et des États exploitant les ressources minières et pétrolières… Décidément, la culture africaine d’Henri Guaino et autres conseillers personnels de Sarkozy souffre de maintes éclipses !

Jean Chatain


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