Les pasdarans, un État dans l’État

lundi 29 juin 2009.
 

Ce corps d’élite, qui n’est pas à l’abri des contradictions traversant la société, est un acteur politique et surtout économique et financier de poids.

« Si les gardiens de la révolution (les pasdarans) n’existaient pas, le pays n’aurait jamais existé », déclarait son fondateur, l’ayatollah Khomeyni. Loin de certains clichés les présentant comme une simple organisation paramilitaire, cette institution, colonne vertébrale du régime chiite, dépendante du guide suprême, Ali Khamenei, rappelle, toutes choses égales par ailleurs, l’armée turque. À l’instar de cette dernière, les pasdarans sont un acteur politique incontournable et, surtout, un acteur économique de poids.

Remarquable par sa stabilité, le corps des pasdarans n’a connu que trois chefs : de 1981 à 1997, il a été dirigé par Mohsen Rezaï, le candidat malheureux à la récente élection présidentielle, de 1997 à 2007 par Rahim Safavi, et depuis septembre 2007, par Mohamed Ali Jafari. Ayant préséance sur l’armée régulière, ce corps d’élite (180 000 hommes) comprenant des unités terrestres, navales et aériennes, et des unités de commandos spécialisés, « les passionnés du martyr », est présent dans les onze régions du pays. Il dispose également d’un centre de recherches stratégiques et d’un service de renseignements. Ce bras armé du régime islamique a son mot à dire sur la marche du pays : les postes clés du gouvernement - intérieur, défense, énergie, étranger, commerce -, ainsi que les principaux postes diplomatiques sont détenus par des hommes issus des - pasdarans.

Sur le plan économique et financier, les pasdarans coiffent des dizaines d’entreprises agissant dans tous les domaines. Ce sont eux qui ont été chargés de la reconstruction d’un pays ravagé par la guerre contre l’Irak (de 1980 à 1988). En l’espace de quelques années, ils sont passés de la maîtrise d’oeuvre - construction et réparations d’ouvrages détruits durant la guerre - à la conception et à la réalisation. Il en est ainsi de l’industrie militaire dont, entre autres, la fabrication de missiles de longue portée, des hydrocarbures, la construction des ports, la téléphonie mobile, les banques, l’agroalimentaire et, depuis quelques années, l’énergie nucléaire. Ils recrutent les meilleurs diplômés de l’université iranienne, leur offrent les meilleurs salaires, accordent des bourses à ceux désirant étudier à l’étranger. Mieux, dans les contrats de partenariat signés avec des firmes étrangères figure toujours une clause de formation et de transfert de technologie. En bref, les pasdarans sont un complexe militaro-industriel et financier, un État dans l’État. C’est la troisième puissance économique iranienne réalisant un chiffre d’affaires de plusieurs milliards de dollars par an.

Qu’en on juge. En 2004, les projets économiques confiés aux pasdarans s’élevaient à plus de 12 milliards de dollars. En 2006, le montant des contrats signés dans le domaine - pétrolier s’élevait à plus de six milliards de dollars. Et, depuis qu’Ahmadinejad, lui-même issu du corps des pasdarans, est chef de l’État, cette institution militaro-économique a remporté d’importants marchés : réalisation du gazoduc d’Assouyeh reliant l’Iran au Pakistan (2,2 milliards de dollars), mise en valeur du champ gazier de Pars (2,5 milliards de dollars). Et cela sans compter plus de 200 projets industriels en cours, les 320 sociétés commerciales et les 250 sociétés de crédit contrôlées par ce corps d’élite.

Dans le bras de fer qui oppose actuellement Ahmadinejad à Moussavi, les pasdarans ne sont pas tout à fait à l’abri des clivages traversant la société iranienne : l’un des leurs, Mohsen Rezaï, n’est-il pas un opposant farouche à l’actuel chef de l’État ?

Hassane Zerrouky


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