DE RETOUR DE BRUXELLES

jeudi 25 juin 2009.
 

Cette fois ci me voici presque député d’active, avant même la date de prise de fonction officielle le 14 juillet prochain. J’écris de retour de Bruxelles. Après deux jours sur place, dans la soucoupe volante de l’Union Européenne.

SI DESERT ET SI PLEIN DE MONDE

Je déambule donc à présent dans l’univers aseptisé du parlement à Bruxelles, d’un bureau à l’autre, tous identiques, d’un locuteur de volapuk à l’autre, tous charmants et aimables, cela va de soi, plus étrangers que le sera jamais aucun étranger pour la raison incommunicable et glaçante qu’ils sont radicalement de nulle part. Heureusement que les pavés de la place devant le parlement, sont disjoints et même arrachés, heureusement qu’il y a ces ridicules et disgracieux conteneurs pour déchets bien triés, soigneusement alignés au pied de la statue centrale, bref toutes ces choses qui signalent les incohérences si typiquement humaines. Sinon j’aurais peur tellement cette architecture grimaçante de froideur en verre et acier a été visiblement pensée pour contenir des insectes indifférents plutôt que des êtres vivants.

Coup de blues ! Paris me manque déjà, la splendeur de la lumière dans la bibliothèque du Sénat, le carrefour de l’Odéon où boire un petit jus avant de remonter la rue Condé, dire bonjour au garçon de café de la brasserie, au kioskier, et ainsi de suite les jours où il fait beau et où je musardais en allant vers le palais du Luxembourg. Ici, pendant que je vais et viens, mon portable « clinque » sa pluie ordinaire de sms. Ce sont souvent les amis du grand sud ouest. Ils prolongent cette ambiance de connivence qui nous a unis pendant tous ces mois. Et, à mesure me sautent à l’esprit leurs paysages et leurs sourires. Ces moments étranges me ramènent à quelque chose que je connais bien, la petite nausée des changements d’horizon et des transplantations. Bien sûr, pour moi, si l’on excepte le rapatriement d’Afrique du Nord, ce fut toujours plutôt tranquille et je n’ai pas l’intention de gémir sur mon sort, surtout en ce moment. Mais j’en ai ressenti assez pour en avoir acquis quelque chose qui m’a toujours fait regarder les immigrés avec tendresse et compassion tandis que tant d’autres les regardent avec peur !

VU DE LOIN

Pendant que j’écris ces lignes, à côté de moi, Elie Hoarau, député réunionnais du « Front de gauche-alliance des outre mer » feuillette sa liasse de formulaires à remplir, tout en écoutant les interventions, affublé comme moi du casque des traductions. En matière de dépaysement je crois bien que j’ai mon maître, non ? Elie pratique un humour tranquille. Il décrit sa circonscription et cela suffit à couler les bla bla sur la proximité des élus avec leurs électeurs que permettrait le dépeçage en circonscriptions « locales » pour l’élection des députés de France au parlement européen. Sa circonscription couvre la planète, douze fuseaux horaires et inclut des milliers de territoires insulaires dont il reconnait ne pas connaitre le nombre exact. Ce qui unit tout cela ce n’est pas autre chose que la communauté de situation.

Tout à l’heure, parlant sur un autre plan, Sabine Lösing, de Die Linke, nous a fait un petit rappel de principe : « ce n’est pas en renforçant nos identités nationale que nous avancerons mais en renforçant l’identité de classe parce que c’est elle qui rapproche les êtres par delà toute les autres particularités ». Je n’entre pas ici dans l’analyse critique de cette formulation. Je la mentionne pour signaler qu’ici je vois des gens qui cherchent à approcher et à vivre l’universalité de la condition humaine comme base de l’action politique. Bref, le carrefour de l’Odéon ne va pas s’envoler pendant que je suis ici. Et tout est bien si je suis utile. Dans les couloirs José Bové vient vers moi. On se claque la bise. Content de ça José !

LA MUSIQUE AIGRE

La séance du groupe des députés de la GUE a consisté à entendre les analyses des camarades à propos des résultats de l’élection dans leur pays. On est vite stupéfait. Partout la même musique, au mot près souvent. Je résume. Il n’a pas été possible d’avoir un débat sur les contenus des programmes dans la mesure où les partis de droite et socialiste ont verrouillé la discussion sur le traité de Lisbonne. Partout les classes populaires ont déserté les isoloirs et ce paradoxe déprime et culpabilise toute l’autre gauche. Partout le parti social démocrate a reculé au-delà de toutes les prévisions. Partout la droite caracole sur un champ de ruines.

Le plus grave à nos yeux vient maintenant. Contrairement à ce que beaucoup croyaient, la décomposition de la social démocratie ne renforce que très marginalement l’autre gauche. Le gros des électeurs se tourne vers les libéraux et les verts. De cela tous ceux que j’ai entendus tirent comme leçon que l’autre gauche n’a aucune chance tant qu’elle ne formule pas une alternative gouvernementale crédible. Je ne sais pas si c’est un effet lié à la qualité de parlementaire, mais beaucoup des orateurs ont formulé des critiques vives contre la rhétorique électorale purement protestataire et les dénonciations abstraites du libéralisme. On me dira que je n’ai retenu que ce que je voulais entendre. C’est possible. Mais je pense que c’est bien l’essentiel de ce qui s’est dit de commun à tous. Je ne vais rien noter à présent des particularités évoquées au fil des nationalités. Sauf une. Le contre exemple italien.

Divisions de l’autre gauche, en Italie aussi

Malheureux italiens ! Un désastre suit l’autre. C’est à pleurer ! La gauche traditionnelle on s’en souvient s’est auto dissoute sous l’impulsion du Parti Communiste devenu Social Démocrate puis Démocrate tout court dans la signification centriste que nous connaissons en France. Déconfite et déboussolée par ce contexte calamiteux, l’autre gauche a pourtant trouvé le moyen de se diviser d’une façon fatale en deux listes s’affrontant à couteaux tirés. Chacune fait trois pour cent et des poussières. Mais il faut quatre pour cent pour avoir des élus. Ainsi au lieu des quatre députés qu’elle aurait du avoir, l’autre gauche n’en a aucun. Ce qui revient à dire que la gauche, en général, n’a plus aucun élu au Parlement européen puisque les élus du « Parti Démocrate » refusent cette étiquette. Terrible bilan ! Qu’il nous serve de leçon.


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