Européennes : le Front de gauche, seul signe d’espoir (article de L’Humanité)

vendredi 12 juin 2009.
 

Élections européennes. L’UMP arrive en tête du scrutin, loin devant le PS, qui s’effondre. Les listes Europe Écologie réalisent une percée inédite. Le Front de gauche devance le NPA. Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité, est élu député européen.

Qu’importe, pour la droite, que les électeurs aient massivement boudé les urnes (autour de 60 % d’abstention). Le mot d’ordre a commencé à circuler tôt, hier, en début de soirée, dans les rangs UMP : adopter un ton triomphaliste et se réjouir bruyamment du résultat de la majorité présidentielle. Le parti sarkozyste, en tête, était crédité, en milieu de soirée, selon plusieurs sondages sortis des urnes, d’un résultat autour de 28 % (contre 16,64 % en 2004). Loin devant un PS donné autour de 17 %, suivi des listes Europe Écologie, qui réalisent une percée, entre 15 % et 16 %. Le Front de gauche, à la même heure, était donné entre 6,3 % et 6,8 %, devant le NPA (autour de 5 %). Le FN se situait aux alentours de 6 %, devant les souverainistes de Libertas (autour de 5 %). Quant au Modem, il recueille un peu plus de 8 %, très en dessous du score de l’UDF en 2004 (11,96 %). La percée des partis d’extrême droite observable partout en Europe n’a pas eu lieu en France, où l’UMP continue de capter une large part de l’électorat frontiste. La droite au pouvoir espère tirer argument de cette première place pour justifier la poursuite, voire l’accélération de ses politiques ultralibérales.

Le PS s’effondre

Cette lecture en trompe-l’œil - une majorité d’électeurs s’est prononcée pour des listes hostiles à Nicolas Sarkozy - est encouragée par le cinglant revers essuyé par le Parti socialiste en dépit de ses insistants appels au « vote utile ». Alors qu’il avait enregistré le score exceptionnel de 28,9 % des voix en 2004, le PS en perdrait la moitié. Il semblerait que ce spectaculaire recul soit sensible jusque dans des bastions socialistes traditionnels, comme dans le Nord. Dans les quartiers populaires, le PS enregistre des résultats catastrophiques. En Île-de-France, Harlem Désir s’effondre complètement, et ne recueille que 14 % des suffrages, loin derrière les écologistes (19,5 %), alors que l’UMP passe au-dessus de la barre des 30 %. Le député PS Pierre Moscovici a qualifié ce résultat de « séisme » et de « sévère avertissement » pour son parti. « Notre Parti socialiste a souffert de ses batailles internes et de ses divisions », a expliqué Martine Aubry.

Percée verte

Indéniablement, l’un des enseignements de cette élection est la nette percée réalisée par les listes Europe Écologie. Alors que les Verts n’avaient obtenu, en 2004, que 7,41 % des suffrages, ils talonneraient, cette fois, à la troisième place, le Parti socialiste, signe que la préoccupation écologique s’est imposée comme une priorité dans une importante frange de l’électorat. Une urgence écologique qui a relégué à l’arrière-plan, aux yeux de nombreux citoyens, les options idéologiques d’un Daniel Cohn-Bendit prompt, lors du mandat écoulé, à appuyer certaines directives de libéralisation. En enrôlant José Bové dans son rassemblement hétéroclite, l’ex-soixante-huitard est parvenu à faire oublier la campagne acharnée qu’il mena en 2005 en faveur du « oui » à une constitution européenne. Une campagne lors de laquelle il n’hésita pas à faire estrade commune avec François Bayrou, qu’il devance aujourd’hui très largement. Le Béarnais, lui, échoue à s’imposer en opposant numéro un à Nicolas Sarkozy au terme d’une campagne aux accents populistes.

Le Front de gauche récolte les fruits de l’unité

À gauche, les premières tendances semblaient confirmer la montée du Front de gauche observée en fin de campagne. Avec un résultat autour de 6,5 %, cette coalition du PCF, du Parti de gauche et de la Gauche unitaire, composée d’ex-militants du NPA, ferait mieux que les listes emmenées, en 2004, par le PCF (5,88 %). Ce front obtiendrait 3 à 5 députés européens. L’élection de Patrick Le Hyaric, directeur de l’Humanité, et celle du communiste Élie Hoarau, tête de liste Alliance des outre-mer, étaient confirmées hier à 22 heures. Le Front de gauche, boudé par les médias, récolte ainsi les fruits d’une campagne de terrain axée sur les alternatives à l’Europe libérale incarnée par le traité de Lisbonne. La « prime à l’unité » lui revient finalement, alors que le NPA d’Olivier Besancenot, qui a refusé de rejoindre ce front unitaire, échoue à s’imposer en leader de la gauche alternative.

« La démarche des listes du Front de gauche démontre qu’il y a une place pour une gauche déterminée qui, dans le prolongement du mouvement social, œuvre à rendre meilleure la vie de nos concitoyens », a commenté, hier soir, le Parti communiste. Quoi qu’il en soit, le principal enseignement de ce scrutin reste le niveau terriblement élevé de l’abstention. Avec seulement 43 % de participation dans toute l’Union, les Européens ont ostensiblement tourné le dos à une Europe qui se bâtit sans eux et, trop souvent, contre eux.

Rosa Moussaoui


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