Répression du gouvernement péruvien contre les mouvements indigènes (article Parti de Gauche)

vendredi 12 juin 2009.
 

Des dizaines de morts, une centaine de blessés et un nombre indéterminé de disparus est le bilan de l’opération militaire visant à expulser le peuple indien Awajun Wampis des positions qu’il occupait à Bagua, dans la zone de Corral Quemao et de Curva del Diablo (Pérou, Département de l’Amazonie). Parmi les victimes du massacre se trouve Santiago Manuin Valera, Président du Comité de lutte de la province de Condorcanqui, qui a été grièvement blessé par huit balles, à l’issue d’une intervention policière qui a fait usage de « balles de guerre », comme l’ont dénoncé la propre population et les autorités de Bagua.

Les communautés natives de l’Amazonie péruvienne, rassemblées dans l’association AIDESEP (Association interethnique pour le Développement de la Forêt Péruvienne) sont en grève générale depuis le 9 avril 2009, en réponse aux décrets législatifs 994, 997, 1020, 1060, 1064, 1081, 1089, 1083 et 1090, émis par le gouvernement du président Alan Garcia, dans le cadre des traités de libre échange avec les États-Unis et la Chine, et en vue du futur accord bilatéral d’association avec l’Europe.

Au moyen de ces décrets législatifs, établis par le gouvernement en se servant de manière abusive et inconstitutionelle des facultés qui lui furent accordées pour instaurer le Traite de Libre Echange (TLC) avec les Etats-Unis, l’État péruvien prétend donner entière liberté aux grandes multinationales pour œuvrer dans les réserves communautaires et les aires protégées. Il ignore le fait que les droits défendus par les peuples indiens sont des droits reconnus par des Pactes internationaux et des Conventions à caractère contraignant et exigible que le Pérou a ratifiés et s’est engagé à honorer, et qui engagent sa responsabilité devant la communauté internationale.

Ces décrets législatifs mettent en péril les droits des communautés natives, ainsi que la biodiversité de l’Amazonie, qui représente plus de 60% de la superficie du Pérou. Le gouvernement péruvien a divisé le 70% de cette superficie en trois lots, qu’il a attribué à des entreprises multinationales pour la prospection ou l’exploitation des énergies fossiles ou des minerais, dont les effets sur l’environnement et la santé des populations seront néfastes. Ces lots se trouvent en grande partie dans des zones classées comme réserves naturelles, ou dans des territoires habités par les peuples originaires. Par ailleurs, ces décrets vont permettre la mise en vente des terres de l’Amazonie aux multinationales de l’agrocarburant, de l’eau, de la cellulose et des cultures transgéniques, et elles ouvrent les portes à la biopiraterie. Il y a actuellement 4 millions d’hectares de forêt qui sont en vente.

Les mesures législatives établies par le gouvernement, et que le Parlement refuse jusqu’à ce jour de revoir et d’abroger, portent atteinte à la valeur et la dignité des peuples indigènes du Pérou. Elles nient leur droit à pratiquer leur identité (comprise au sens de l’usage de leur langue, leur culture et leurs croyances religieuses), ainsi que leurs propres modèles de développement, de croissance et de changement.

Nous condamnons ces faits et demandons au gouvernement péruvien de :

1. Mettre fin aux agressions pratiquées de manière systématique depuis plusieurs semaines à l’encontre de l’AIDESEP et ses dirigeants, et d’ouvrir un espace pour un dialogue authentique et respectueux.

2. Abroger immédiatement l’ensemble des neuf décrets législatifs qui portent atteinte à la vie des communautés originaires, à la biodiversité de l’Amazonie péruvienne, et au climat de la planète.

3. Respecter les droits des peuples indigènes, conformément aux engagements qui découlent de la signature par le Pérou de la Convention 169 de l’OIT, relatif aux droits des peuples autochtones, ainsi que de la Convention sur la Biodiversité biologique.

4. Garantir le plein respect des droits des communautés à leurs terres traditionnelles, à leurs territoires et à leurs ressources, ainsi que leur droit de produire un accord libre et éclairé à propos de l’utilisation de ces ressources.

5. Mettre un terme à l’état d’urgence ainsi qu’à la repression contre le mouvement d’opposition à ces décrets-lois, et annuler les poursuites pénales contre les dirigeants et membres de l’AIDESEP : Alberto Pizango Chota (président), Saúl Puerta Peña, Marcial Mudarra Taki, Servando Puerta Peña, Daniel Marsano Campos et Teresita Antaza López.

6. Mettre en place une commission d’enquête internationale afin de mener une enquête exhaustive visant à mettre en lumière les faits, qui ne doivent pas rester dans l’impunité : les responsables de ce massacre doivent être sanctionnés.

Une action de solidarité a été organisée jeudi 11 juin au matin à Paris.


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