Bain de sang dans l’Amazonie péruvienne (2 articles)

samedi 6 juin 2009.
 

1 Des hélicoptères super armés contre des flèches

Au moins cinquante personnes, majoritairement indigènes, ont été tuées dans l’ouest du pays alors qu’elles protestaient contre le bradage de leurs terres.

Aux manifestations et barrages avec les symboliques flèches et lances indiennes, le gouvernement péruvien a répondu par des rafales de tirs et des bombes lacrymogènes depuis des hélicoptères. Vendredi,

la petite localité de Baguas, dans le nord oriental de l’Amazonie, a été le théâtre d’une sanglante répression policière contre des rassemblements pacifiques d’Indiens. Au moins cinquante personnes auraient trouvé la mort mais le décompte des victimes pourrait être encore plus important. La seule donnée officielle faisait état de vingt-deux policiers tués, selon un communiqué gouvernemental qui n’a reconnu que neuf assassinats côté Indiens. Le quotidien, la Primera avançait quant à lui le nombre de 57 « disparus » et des corps jetés dans les rivières. Face à l’escalade de violence, des manifestants s’en sont pris à des bâtiments officiels ainsi qu’au siège du parti APRISTE (Alliance populaire révolutionnaire américaine), du président de l’ultradroite, Alan Garcia.

Le gouvernement a depuis placé cinq départements en état d’urgence. « Nous nous étions déplacés pacifiquement depuis quarante-cinq jours et nous ne nous attendions pas à cette réaction et encore moins à cette attaque aérienne et terrestre, a rappelé Alberto Pizango, président de l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP). Le gouvernement a utilisé des armes de guerre comme si nous étions des délinquants, nous dénonçons ce fait comme un génocide. »

Depuis le 9 avril, près de 60 ethnies de l’Amazonie réclament l’abrogation de plusieurs décrets relatifs à des lois sur la faune et la flore, et les ressources hydrauliques de cette région, ouvrant droit à l’exploitation par des multinationales étrangères de ressources sur des terres qu’elles revendiquent comme les leurs. Sans concertation, le Congrès a reporté, jeudi, le débat sur le controversé décret 1090, méprisant ainsi plus d’un mois de mobilisation.

« Que peut faire un gouvernement sinon agir avec énergie pour mettre de l’ordre », s’est contenté de rétorquer Alan Garcia dont l’implication, par le passé, dans des exactions, fait l’objet de sévères accusations.

Les principales confédérations nationales, appuyées par des formations politiques, ont décidé de se constituer en « front de défense de la vie et de la souveraineté nationale ». Ce « frente » a prévenu qu’il appellerait à une grève nationale si le gouvernement refuse de revenir sur les dispositions législatives incriminées, repabtisées depuis de « décrets de la mort ».

Cathy Ceïbe

Source : http://www.humanite.fr/

2) Indignation et mobilisation des populations amazoniennes

Shapion Nomingo dirigeant amérindien a révélé que plus de150 habitants sont détenus dans la caserne militaire “El Milagro” de Bagua (Amazonas) et que vingt autres ont été conduits à la ville de Chiclayo et a déclaré que le gouvernement est entièrement responsable de ce qui pourrait arriver à propos de leur vie. Dans une conférence de presse donnée dans le local de l’AIDESEP (Association Interethnique de Développement de la Forêt Péruvienne), Nomingo a informé que les forces de l’ordre maintiennent les prisonniers à genou et menacent de les tuer. “Nous rendons responsable le gouvernement pour les éventuels crimes de lèse humanité” a-t-il déclaré.

Hommage et veillées aux morts

A Tarapoto, dans le département voisin de San Martín, a été organisée une soirée de solidarité et d’hommage à ceux qui sont morts sous les balles de la police lors de l’opération de déblocage le matin du vendredi 5 juin. La population s’est rassemblée sur la plaza de Armas à partir 19h jusqu’à minuit. Banderoles et bougies ont exprimé la protestation devant les actes commis par le gouvernement et son refus de revenir sur les décrets, jugés pourtant inconstitutionnels, qui visent à spolier la terre et les ressources naturelles de la zone amazonienne.

« Deux manières de voir le monde »

La directrice du Centre d’Amazonien d’Anthropologie et d’Application Pratique (CAAP), Ada Chuecas, a dénoncé la manière dont l’Etat continue de maintenir les populations originaires dans la discrimination et que c’est cette attitude qui le rend aveugle devant les demandes de ces habitants. Ada Chuecas a rappelé que au siècle dernier, les amazoniens ont été l’objet de massacres et de tortures à cause de la vision occidentale et citadine du développement en se référant à la “fièvre du caoutchouc” qui s’est produite aux début du XXème siècle, quand des aventuriers et des hommes d’affaires ont détruit les communautés de la forêt pour exploiter la caoutchouc qui se trouvait sur leurs territoires. Pour la représentante du CAAP, le conflit entre la Forêt et les gouvernements ont lieu "parce qu’il y a deux manières de voir le monde, de voir le développement et la manière dans laquelle la vie des peuples amazoniens est comprise par les gouvernants."

Faire taire les témoins ?

Les radios locales et les informations qu’elles diffusent sont apparemment les cibles du gouvernement et de sa police. Déjà, le 5 juin, radio La Voz de Bagua a vu son signal coupé. C’est maintenant Radio Oriente de Yurimaguas qui doit faire face à des menaces policières de fermeture. La militarisation de la zone : déploiement de l’armée, couvre-feu, multiplication des patrouilles mixtes police-armée… rendent de plus en plus problématiques l’information sur ce qu’il se passe et notamment le recoupement concernant les disparus (morts, prisonniers…).

La rhétorique du gouvernement

Face à la montée des protestations et dénonciations, le gouvernement péruvien fait monter les enchères. Pour lui, les policiers ont été agressés, les morts sont surtout de ce côté là, et l’action des populations amazoniennes depuis plusieurs semaines. « C’est une agression minutieusement préparée contre le Pérou, une conspiration qui a interrompu la production et le transport du pétrole et l’acheminement du gaz vers les villes de la côte et pour laquelle il a été dit qu’il s’agissait d’une insurrection et d’un soulèvement ces dernières semaines », déclare un communiqué de la présidence. La lutte des amérindiens serait une manipulation de politiciens utilisant « des formules extrémistes » pour satisfaire leurs « appétits électoraux ». Le gouvernement a toujours voulu dialoguer avec les représentants des amazoniens mais ceux-ci n’ont jamais pu démontrer en quoi les décrets qu’ils refusent porteraient atteinte aux populations de la région. Le communiqué se conclut ainsi : « Je suis sûr que la population de l’ensemble du Pérou qui dans son immense majorité sait que le pays doit poursuivre sa voie vers le développement, l’emploi et l’investissement, soutiendra les actions contre l’agression subversive et le terrorisme »

Par ailleurs le gouvernement a décrété un jour de deuil national pour les policiers tués au cours des opérations ce dimanche 7 juin.

L’action policière continue

D’après radio La Voz et répercuté par le site de la CNR (coordination des radios), les policiers auraient emmené des blessés soignés dans deux hôpitaux sans qu’il soit possible de savoir où.

Journée de mobilisation le 11 juin

Après une première manifestation vendredi soir dans les rues de Lima, de Arequipa, et d’autres villes, les différents secteurs sociaux, associatifs, politiques se mobilisent. 
Comme l’avait déjà annoncé l’ AIDESEP et son porte-parole Alberto Pizango (en fuite et recherché par la police), un ensemble d’organisations sociales et politiques dont la CGTP ont annoncé que le 11 juin serait une journée de mobilisation générale dans le pays pour exiger l’abrogation des décrets pris par le gouvernement.

De leur côté, des associations de la société civiles se mobilisent également et demande au gouvernement de cesser ses actions dans la zone en conflit. Elles rappellent que le gouvernement est responsable car ce sont les députés apristes (parti gouvernemental) qui ont repoussé une nouvelle fois l’examen de la demande d’abrogation du décret contesté et dont la constitutionalité a été reconnue par Commission constitutionnelle du congrès.

Enfin, les appels au Pérou et en dehors se multiplient contre l’action du gouvernement péruvien

Source : http://nantes.indymedia.org/article...


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