Vers un salaire minimum européen (argumentaire unitaire national du Front de Gauche)

lundi 11 mai 2009.
 

1/ Pourquoi ce dumping social et fiscal

L’espace de l’Union est désormais celui des 27. Cet espace économique et social de libre circulation et de libre établissement, mais aussi de non harmonisation fiscale, sociale et des « droits et intérêts des salariés ». C’est celui du dumping social et fiscal.

Les textes institutionnels interdisent explicitement l’harmonisation des législations financières, des « dispositions fiscales et relatives à la libre circulation des personnes et à celles relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés », et des politiques d’emploi et salariales.

Ces dispositions ne sont certes pas nouvelles, elles datent, pour l’essentiel, du traité de Rome. Mais elles s’appliquaient alors à des situations économiques, sociales et fiscales qui étaient -et demeurent encore- relativement similaires et homogènes entre les six pays fondateurs.

Avec l’élargissement de l’Union aux pays de l’ex Europe de l’Est, ce « marché commun » s’applique désormais à des situations qui sont profondément différentes et très hétérogènes. Dans un tel contexte d’inégalités, l’atout se transforme en un risque majeur de dumping fiscal, social et salarial pour tous.

Il y a à cela deux raisons majeures.

La première tient à l’hétérogénéité nouvelle des situations des pays membres.

La seconde raison tient au fait que la thèse du rattrapage rapide des niveaux de vie entre pays membres grâce à la concurrence est contredite par les faits : alors qu’Espagne, Grèce et Portugal sont dans l’Union depuis 25 ans, leurs coûts salariaux -et leurs salaires- demeurent pratiquement à la même distance de ceux des anciens membres qu’au moment de leur entrée .Le rattrapage sera donc long et douloureux

L’élargissement était nécessaire, il aurait dû être préparé et organisé dans la durée ; il n’est pas envisageable qu’il puisse se faire sans autre règle du jeu que la libre concurrence. Pour préserver les intérêts des salariés, de tous les salariés européens, nous avons impérativement besoin d’une Europe sociale et d’une harmonisation par le haut, et en particulier d’un agenda d’harmonisation progressive des salaires.

Le rapport des salaires est de 1 à 2 ou 3 entre les anciens et les récents, il est de 1 à 6 voire 10 avec les nouveaux arrivés. Et les taux d’IS vont dans le même sens.

Compte tenu des écarts de richesse et de productivité entre pays de l’Union européenne, il n’est absolument pas possible de demander un salaire minimum d’un montant égal pour tous les pays européens... à moins d’aboutir à un montant très inférieur au Smic français.

En effet, à l’heure actuelle, le salaire minimum légal (le Smic en France), quand il existe, n’est supérieur à 60 % du salaire moyen dans aucun pays de l’Union européenne.

Certains pays ne sont pas très loin : aux alentours de 50% en France, au Luxembourg et à Malte ; d’autres en revanche sont très éloignés : 30 - 35% en Roumanie, Lituanie et Lettonie ; ou 35 - 40 % en Pologne, Hongrie, Tchéquie et Royaume-Uni.

La norme du 60% du salaire moyen se traduirait donc pas une hausse du salaire minimum dans tous les pays européens.

Organiser politiquement la convergence des salaires est une nécessité absolue.

2/ La revendication du front de Gauche : Pour un salaire minimum européen égal au minimum à 60% du salaire moyen de chaque pays

Seuls 20 des 27 pays de l’Union ont un salaire minimum légal national.

Sept pays n’en ont pas : Allemagne, Autriche, Chypre, Danemark, Finlande, Italie, Suède. Dans ces pays, existent en revanche des dispositifs conventionnels négociés par branche d’activité.

En Autriche, par exemple, le salaire minimum négocié dans l’industrie est traditionnellement élevé (les écarts de salaire y sont plus faibles qu’en France). Dans certaines branches de l’industrie, il s’élève à plus de 80% du salaire moyen de la branche. Il en va de même en Suède.

Par précaution, il est donc sage de demander « un salaire minimum européen égal au minimum à 60% du salaire moyen de chaque pays ».

Cela contribuerait à la fois :

- à augmenter les bas salaires dans chaque pays ;

- à réduire les inégalités à l’intérieur de chaque pays ;

- à réduire quelque peu les pressions en faveur des délocalisations à l’intérieur de l’Union, puisque les pays de l’Europe centrale et orientale (PECO) comptent plutôt parmi ceux qui sont les plus éloignés de la norme.

3/ Par référence au salaire moyen et non au salaire médian

Le salaire médian (celui qui sépare la population en deux : 50 % touchent plus et 50 % touchent mois) est, par construction, toujours inférieur au salaire moyen.

La revendication d’un Smic européen à 60 % n’a de sens qui si on fait référence au salaire moyen et surtout pas au salaire médian.

Et cela pour deux raisons au moins : (i) dans le calcul du salaire moyen, les hauts salaires sont pris en compte (ils tirent le salaire moyen à la hausse), ce qui n’est pas le cas avec le salaire médian. Dit autrement, une hausse des hauts salaires augmente le salaire moyen (et donc le Smic si on le réfère à celui-ci) alors qu’il n’augmente pas le salaire médian ; (ii) très concrètement le salaire net moyen en France est aujourd’hui de l’ordre de 2000 euros (cf. ci-dessous), ce qui donne, avec le critère 60%, un Smic à 1200 nets, alors que le salaire médian net est de l’ordre de 1600 euro, ce qui donne, avec le même critère, un Smic à 960 euros nets... soit moins que ce qu’il est actuellement en France (1037,53 € le 1er juillet 2008) !

Or, les revendications du PS sont sur le salaire médian et non sur le salaire moyen

Le Manifesto se contente de la formule suivante : proposition n°16. "Nous proposons un Accord européen sur les salaires, garantissant un salaire égal à travail égal et prévoyant l’établissement d’un salaire minimum décent dans tous les États membres, soit par la loi, soit par la négociation collective".

Le PS a essayé de concrétiser le contenu du Manifesto et cela donne en effet le salaire minimum à 60% du salaire médian ! Cf résolution du conseil national du PS du 28 février (adoptée à la quasi unanimité !) "Des salaires minimaux dans tous les États membres, qui pour nous devraient atteindre 60% du salaire médian de chacun des pays, étape vers un salaire minimum européen"

Le PS propose donc de baisser considérablement le coût du travail en France !!!

4/ Un Smic à 60% du salaire moyen cela donne en France un Smic mensuel à 1200 euros nets ; mais il faut être précis sur ce dont on parle

Le salaire net moyen en France est de l’ordre de 2000 euros[1] pour les salariés à temps complet et si du moins on prend en compte l’ensemble des primes (dont celles liées à l’intéressement et à la participation).

Sur cette base, le critère du Smic à 60% du salaire moyen donne un Smic net mensuel (pour un temps plein) de 1200 nets et 1600 euros bruts. C’est mieux que son niveau actuel (1037,53 € depuis le 1er juillet 2008). Cela représente une hausse de l’ordre de 150 euros nets, soit +15%, ce qui est à la fois non négligeable et loin d’être exorbitant.

Voir aussi l’article : Un salaire minimum européen à 60 % du salaire moyen ? Plutôt une bonne idée...


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message