Gaza : les témoignages accablants des soldats israéliens

samedi 21 mars 2009.
Source : Libération
 

Ce jeudi 12 mars, le quotidien Haaretz a publié des extraits des compte-rendus faits par les militaires de l’Etat hébreu après le conflit dans le territoire palestinien. Ils font notamment état de tirs injustifiés ayant provoqué la mort de civils.

Les nombreux témoignages palestiniens sur les exactions israéliennes lors de la récente opération militaire à Gaza, sont, pour la première fois, relayés par ceux de militaires israéliens. Les récits de ces soldats, ayant participé à l’Opération Plomb durci contre le Hamas en janvier dernier, font notamment état de tirs injustifiés ayant provoqué la mort de civils palestiniens, en raison du laxisme des règles d’engagement.

Ces témoignages, issus de discussions organisées en février par l’académie militaire dans laquelle avaient été formés les soldats, ont été publiés dans la lettre d’information de l’académie. Le quotidien israélien Haaretz en a publié des extraits ce jeudi et les publiera vendredi dans leur intégralité dans son supplément du week-end.

« Mon officier a envoyé des hommes sur le toit pour la tuer » Parmi les témoignages, figure le cas d’une mère de famille, tuée avec ses deux enfants, parce qu’elle s’était trompée de chemin en suivant les ordres des soldats. « Le tireur d’élite a vu une femme et des enfants s’approcher de lui et entrer dans la zone dans laquelle on lui avait dit que personne ne devait pénétrer. Il a tiré et les a tués », relate un chef de brigade. « D’après les discussions que j’ai eues avec mes hommes, […] le sentiment général prévalait que la vie des Palestiniens était beaucoup moins importante que la vie de nos soldats », ajoute-t-il.

Un autre témoignage fait état d’une vieille femme Palestinienne tuée alors qu’elle traversait une rue non loin d’un immeuble tenu par des soldats israéliens. « Je ne sais pas si elle était ou non suspecte, je ne connais pas son histoire. Ce que je sais, c’est que mon officier a envoyé des hommes sur le toit pour la tuer », relate un soldat.

Le directeur de l’académie militaire, Dany Zamir, a expliqué qu’en organisant les discussions sur la conduite de l’offensive israélienne, il ne s’attendait pas à de tels témoignages. « Nous pensions que les soldats allaient nous parler de leurs expériences personnelles pendant la guerre et des leçons qu’ils en avaient tirées, nous ne nous attendions absolument pas à ce que nous avons entendu. Cela a été un choc », a-t-il dit. Après avoir entendu les témoignages, Zamir en a immédiatement rendu compte au chef d’Etat-Major Gabi Ashkenazi qui a ordonné le lancement d’une enquête.

L’article a provoqué un début de polémique en Israël « Les soldats ne mentent pas pour la bonne raison qu’ils n’ont aucune raison de le faire », commente Amos Harel, le journaliste d’Haaretz à l’origine de la publication des témoignages. « Il y a une continuité des témoignages provenant de différents secteurs qui fait émerger une image troublante et déprimante. L’armée rendrait service à tout le monde, et à elle-même en premier lieu, si elle prenait au sérieux les accusations de ces soldats et menait une enquête en profondeur […] Il est possible qu’il y ait quelques exagérations ou erreurs dans ces témoignages mais ils constituent la preuve, de première main, de ce que la plupart des Israéliens préfèrent ne pas voir. Ils décrivent la manière dont l’armée a mené sa guerre contre des terroristes armés, avec une population de 1,5 million de civils coincés au milieu », estime le spécialiste militaire du quotidien de gauche.

Son article a provoqué de nombreuses réactions et un début de polémique en Israël. Le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a défendu l’éthique et les actions de l’armée lors de l’offensive contre le Hamas, qui a fait 1.300 morts et 5.000 blessés palestiniens, selon un bilan des services médicaux palestiniens. « L’armée israélienne est la plus morale du monde, et je sais de quoi je parle car je sais ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak », a-t-il dit à la radio publique israélienne. « Bien sûr, il peut y avoir des exceptions et tout ce qui a pu être dit va être vérifié », a assuré Ehud Barak.

De leurs côtés les représentants arabe-israéliens à la Knesset, le parlement israélien, Ahmed Tibi et Mohammad Barrakeh ont déclaré que les témoignages des soldats étaient la « preuve qu’Israël avait commis des crimes de guerre à Gaza ».

De notre correspondante à Jérusalem, DELPHINE MATTHIEUSSENT


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