6 mai 1758 : naissance de l’avocat Robespierre

dimanche 7 mai 2023.
 

- Robespierre ou De Robespierre
- Importance des conditions de sa naissance sur son avenir
- Issu d’une lignée d’avocats au conseil d’Artois
- Pour soulager ces malheureux qu’il est si facile d’écraser

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Robespierre ou De Robespierre

Contrairement à une idée fréquemment répétée, les Robespierre n’ont aucun lien avec la noblesse  ; ils sont du tiers état, bien qu’ils portent la particule. Le père du conventionnel signe Derobespierre, en un mot, et la mère de ce dernier, de Robespierre. Quant au futur révolutionnaire, il signe d’abord comme son père puis, vers ses 20 ans, isole la particule de son nom  ; en 1795, l’abbé Proyart a moqué ce choix, en omettant de préciser qu’il correspond à l’usage des maîtres de Louis-le-Grand, et ravive l’une des traditions familiales de l’élève. Dans les lettres du député, cette fois, la particule disparaît non après l’abolition des privilèges, le 4 août 1789, mais à la suite de la suppression de la noblesse héréditaire, en juin suivant  ; le choix, symbolique avant tout, est alors commun à nombre de roturiers ou de nobles.

Importance des conditions de sa naissance sur son avenir

Ordinairement, la date de naissance d’un homme public n’est qu’un point de repère, un motif d’anniversaire et de commémoration  ; dans le cas de Robespierre, elle est plus que cela. Combien de fois, particulièrement depuis les années 1960, n’a-t-on pas souligné ce que l’homme devait à ses origines  ? L’avocat, l’homme de 1789 ou le conventionnel de l’an II s’expliqueraient en partie par les blessures de l’enfance… L’interprétation mérite discussion.

Revenons à ce 6 mai 1758, dans l’église Sainte-Marie-Madeleine d’Arras, où maître «  Derobespierre  » fait baptiser son premier fils, né le même jour «  sur les deux heures du matin  »  ; avec son épouse, ils le prénomment Maximilien Marie Isidore, et lui donnent pour parrain son grand-père paternel, Maximilien Derobespierre, avocat, et pour marraine sa grand-mère maternelle, épouse Carraut.

Sans les noces précipitées de ses parents, en décembre précédent, le garçon serait né «  enfant naturel  » ou «  bâtard  », pour reprendre les mots du XVIIIe siècle. Nombre d’historiens assurent que Robespierre en aurait ressenti un traumatisme, accentué par la mort précoce de sa mère, puis le départ du père vers l’étranger. Certains ont également expliqué par cette histoire personnelle la sensibilité de l’avocat au sort des bâtards, qu’il dénonce dans un imprimé sur les peines infamantes (1785), puis dans un discours à l’académie d’Arras (1786). Mais faut-il être conçu hors mariage pour s’inquiéter du sort des enfants abandonnés et des filles-mères  ? Si cette sensibilité provient d’une blessure originelle, comment ne pas s’étonner que le député, quelques années plus tard, n’ait pas contribué aux débats sur la question à l’Assemblée constituante et à la Convention  ?

Issu d’une lignée d’avocats au conseil d’Artois

Faute de sources sur la psychologie du futur «  Incorruptible  » ou, plutôt, face aux témoignages contraires de l’abbé Proyart et de Charlotte Robespierre, sa sœur, ne faut-il pas se contenter des faits  ? Comment trancher entre l’avis de l’abbé, ancien sous-principal du collège Louis-le-Grand, qui juge l’enfant Robespierre «  tyrannique  » avec son frère et ses sœurs, détesté de ses condisciples d’étude et dépourvu de toute moralité, et celui de la sœur de Robespierre qui le présente comme doux, aimé de ses camarades et d’une probité parfaite  ?

Par son grand-père paternel et son père, par ses ancêtres de Carvin aussi, le jeune Robespierre est apparenté aux professions juridiques. En 1758, d’une certaine manière, son père et son grand-père paternel, tous deux avocats au conseil d’Artois, la principale juridiction de la province, l’introduisent dans la grande famille judiciaire. Il suivra des études qui le mèneront au barreau, tout comme son jeune frère Augustin.

Pour soulager ces malheureux qu’il est si facile d’écraser

À Paris, l’étudiant a la passion du droit  ; avant l’obtention de sa licence, il emporte la «  première place dans l’examen public  » de fin d’année. Il a également la passion de la justice, qu’il déclame aux juges dans sa défense écrite pour les époux Page, accusés d’usure  : «  Je suis un homme qui vous révère, qui… oui, j’oserai hasarder cette expression, qui vous chérit comme les anges tutélaires de l’humanité opprimée  ; et qui, si vous le voulez, consacrera sa vie et ses forces à seconder votre zèle pour le soulagement des malheureux, de ces malheureux qu’il est si facile d’écraser, mais qu’il est si difficile de secourir  » (1786). S’il convient de rappeler que l’avocat défendit aussi des ecclésiastiques, de riches paysans ou des seigneurs, il ne faut pas minimiser cet idéal professionnel, partagé par tant d’avocats philanthropes. Robespierre est l’un d’eux. Son héritage familial est plus à rechercher vers le droit et la justice que dans d’hypothétiques blessures narcissiques.

Reste l’anniversaire d’une naissance, voilà 260 années… La date du 6 mai 1758 n’est certes pas oubliée. C’est le 6 mai 1958, à la Sorbonne, qu’a été symboliquement ouverte une «  année Robespierre  » marquée par une exposition et quelques publications  ; un demi-siècle plus tard jour pour jour, l’anniversaire était célébré à l’hôtel de ville d’Arras, puis fut suivi d’un spectacle et d’un cycle de conférences. L’année 2018 sera plus discrète en manifestations, tant les célébrations publiques aiment les chiffres ronds  : les cinquantaines et les centaines… À Paris, au musée du Barreau, l’artiste Laurent Marissal évoquera cependant le risque de l’oubli par l’inauguration d’une «  vitrine fantôme  » en hommage à Robespierre (19 mai). Chez les artistes, les historiens, les hommes publics et nombre de citoyens, le personnage demeure plus que jamais au cœur des mémoires de la Révolution.

Historien et auteur de Robespierre (Fayard, coll. «  Pluriel  » 2016) et de Camille et Lucile Desmoulins  : un rêve de République (Fayard, coll. «  Biographies historiques  », 2018).

Hervé Leuwers


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