De 1917 à 1967, l’expropriation des Palestiniens pour laisser la place au sionisme

mardi 16 mai 2023.
 

Texte intégral de l’exposé du 20 novembre 1967 (extrait)

L’État d’Israël célébrera dans 6 mois son 20ème anniversaire. Le mouvement sioniste, qui a voulu et organisé le retour des Juifs en Palestine, semble avoir triomphé. Sur un point pourtant rien n’a changé. La perspective qu’il offre aux Juifs, ceux d’Israël comme ceux du monde, reste la même : sous prétexte de mettre fin ou d’éviter l’oppression de leur propre peuple, accepter et participer à celle du peuple arabe.

C’est que le sionisme est incapable de sortir les Juifs d’Israël du piège où il les a fourrés. Pris dans l’engrenage, chacune de ses victoires même ne sert qu’à les y enfoncer davantage, à creuser un peu plus le fossé qui les sépare des peuples arabes voisins, et à accroître la haine et le désir de revanche de ceux-ci.

Cela semble un paradoxe - et beaucoup l’ont souligné avant nous - qu’un mouvement né en réaction contre le racisme et l’oppression n’ait d’autre fin que servir lui-même d’instrument d’oppression raciste.

C’est que le monde dans lequel le sionisme est né et s’est développé, est le monde impérialiste. C’est un monde, suivant la formule de Victor Serge, sans évasion possible. Les Juifs, qui rêvèrent de cette évasion, n’ont pas tardé à en faire la preuve. En pensant aménager le système et composer avec lui, ils n’ont pas eu d’autre choix finalement, que le servir.

Le sionisme voulait - sincèrement n’en doutons pas - libérer le peuple juif. Il est le produit de la vague d’ antisémitisme qui frappa les communautés juives russes dans les vingt dernières années du XIXe siècle. L’affaire Dreyfus, en France, montrait que les nations dites civilisées n’étaient pas épargnées non plus. L’histoire du XXe siècle, avec l’hitlérisme, devait confirmer tragiquement cette prévision.

Le sionisme fut donc une tentative pour fuir ces persécutions qui s’amorçaient et commençaient. En butte à l’hostilité des bourgeoisies et petites-bourgeoisies nationales, incapable pour des raisons de classe de trouver un allié dans les classes ouvrières européennes - souvent elles-mêmes rongées en partie par l’antisémitisme - une partie de la petite-bourgeoisie juive ne vit d’autre solution que l’émigration pour aller créer hors d’Europe, là où on pourrait regrouper les Juifs, une nation et un État à elle.

Le drame pour elle, c’est que le territoire qu’elle décida d’annexer pour servir de base à ce futur État n’était pas vide d’habitants. La Palestine, qui fut choisie pour des raison de traditions historiques, ou plus exactement religieuses, était en effet déjà peuplée. De toute façon, nous ne sommes plus à l’époque paléolithique, et quelle que soit la région choisie - en admettant qu’il pût y en avoir une autre que celle qui le fut - elle l’aurait été aussi peu ou prou.

Dès le départ donc, faire de ce pays, en tout ou en partie, un État juif, signifiait forcément, soit chasser la population autochtone pour la remplacer par des Juifs, soit établir l’hégémonie des seconds sur les premiers et transformer tous les non-Juifs en citoyens de seconde catégorie. C’est à ces deux résultats que la création d’Israël a effectivement abouti.

A la veille de la Première guerre mondiale, la Palestine compte 80 000 Juifs. En 1922, ils sont entre 100 et 150 000, mais ne forment que 11% de la population palestinienne. Ce pourcentage va cependant croître régulièrement jusqu’à la Seconde guerre mondiale. 33% en 1943, les Juifs sont alors plus de 500 000, mais la population totale compte, elle, près de 1 700 000 habitants Arabes musulmans ou chrétiens, Druzes et Caucasiens.

Le résultat de cette immigration - car cet accroissement de la population juive est dû uniquement à l’immigration - est généralement présenté par les sionistes - et par bien d’autres - comme un apport de la civilisation et de la technique à un Moyen-Orient barbare. On nous vante telle ou telle réalisation agricole ou industrielle, dont certaines sont sans doute incontestables, bien que la propagande israélienne ait tendance à forcer un peu les choses. Suivant l’image d’Épinal, les Juifs seraient arrivés nantis de la civilisation, de la culture, de la technique et de la science européenne, et ils auraient fait d’un désert une oasis. Et l’on sous-entend, quand on ne dit pas explicitement, qu’il ne tenait qu’aux Arabes de prendre modèle et d’en faire autant.

En réalité, comment s’est traduit pour la population arabe l’afflux des nouveaux venus ?

Pour les paysans - qui constituaient comme dans tout pays sous-développé - la grande masse de la population, il s’est traduit par l’expulsion du lopin de terre qu’ils travaillaient, ou par la menace, d’expulsion. Non pas que les immigrants juifs, du moins durant les 30 ans qui séparent la fin de la Première guerre mondiale de l’indépendance d’Israël, aient recouru à la violence. Les terres où s’installaient les colons juifs étaient au contraire légalement achetées à leur propriétaire légitime.

Mais pour les paysans qui les cultivaient, cela revenait à peu près au même. En effet, ces paysans n’étaient pas, pour la plupart, propriétaires mais tenanciers d’une terre appartenant à de grands féodaux. C’est à ceux-ci, qui, souvent, vivaient hors de Palestine, au Caire ou à Beyrouth, que l’Agence Juive achetait la terre. De 1918 à 1935 - 92% des terres vendues aux Juifs l’ont été par l’aristocratie féodale et la terre, une fois achetée par les sionistes, les fellahs qui la travaillaient et qui n’en étaient légalement que les fermiers, devaient céder la place.

Pour eux donc l’arrivée des immigrants ne signifiait qu’une chose : la nécessité de quitter une terre que, comme tout paysan, et à juste raison, ils considéraient comme leur du fait que c’était eux qui la travaillaient. Les Juifs pouvaient bien installer en leur place une ferme moderne. Comment les paysans arabes, qui n’avaient au départ ni les capacités techniques, ni surtout les moyens financiers, et qu’on privait de plus de la terre, auraient-ils pu profiter en quoi que ce soit de ce modèle de civilisation !

Et les fameux kibboutsim - ces fermes communautaires présentées longtemps comme des îlots de socialisme dans cette région, car la propagande sioniste a toujours eu une attention spéciale envers l’opinion socialiste européenne, sont nés du même processus. Quelle que soit l’égalité qui régnait entre les membres, quel que soit l’idéalisme de ceux-ci, l’existence du kibboutz, directement ou indirectement, était due à la dépossession de pays arabes. Cet « îlot de socialisme » était établi sur leur dos, et pour eux c’était simplement une des formes d’organisation d’un oppresseur qu’ils subissaient. La nature des relations entre les membres du kibboutz n’était que secondaire auprès de celles qu’ils entretenaient ainsi avec la société palestinienne. Cela seul, indépendamment du fait que l’histoire a prouvé que le kibboutz perdait au fil des ans de plus en plus son caractère égalitaire, aurait suffi pour rappeler que, encore moins que dans un seul pays, le socialisme ne se bâtit pas dans une seule ferme.

Mais si pour les paysans l’arrivée d’immigrants juifs aboutit à l’expulsion et à l’obligation d’aller grossir la masse misérable du prolétariat ou du lumpen-prolétariat, pour la classe ouvrière arabe elle signifia de même concurrence pour l’emploi et menace de chômage. En effet dans les années 1920 à 1930, lors de l’arrivée des premières vagues importantes d’immigrants, les sionistes lancèrent une campagne pour empêcher les employeurs juifs d’utiliser des travailleurs arabes. « Réserver le travail aux Juifs » fut leur mot d’ordre et des pressions multiples allant jusqu’à l’emploi de la terreur, furent faites à la fois sur les employeurs juifs et, surtout, les travailleurs arabes.

Le principal instrument de cette campagne fut la Histadrout, théoriquement la centrale syndicale des travailleurs juifs, en fait un simple instrument du sionisme. Et quand certains socialistes juifs protestèrent au nom de l’internationalisme ou de la solidarité de classe contre une telle politique, les sionistes eurent de nouveau recours à un de leurs sophismes habituels : « Le devoir d’un syndicat, prétendaient-ils, est de se battre contre l’embauche des inorganisés. Or les travailleurs arabes ne sont pas syndiqués ». Ils oubliaient d’ajouter que la Histadrout qui se voulait un syndicat purement juif, ne faisait rien pour qu’ils le soient, bien au contraire.

Dans la même ligne, la Histadrout fit jouer le rôle de jaunes aux travailleurs juifs. Ainsi, par exemple, lorsque grèves et manifestations eurent lieu en Syrie et au Liban de la part des travailleurs de la compagnie des camions Steel Bras, on vit le syndicat sioniste négocier un accord pour l’implantation de la Compagnie en Palestine.

Le tout fut couronné par une campagne de boycott des produits arabes, agricoles ou industriels, avec le slogan « achetez juif », à laquelle participèrent toutes les organisations sionistes, y compris, bien entendu, la Histadrout. Cela ne gêna guère les grandes sociétés étrangères dont les produits ne pouvaient pas être remplacés par des productions juives, inexistantes, ou qui trouvèrent très facilement un biais. Ainsi, « l’Anglo-American Tobacco Company » bâtit tout simplement deux entreprises séparées. L’une installée à Tel Aviv, vendait uniquement aux Juifs avec le slogan « achetez juif », une autre fournissait le marché arabe. Les hommes de paille arabes mis à sa tête par la Compagnie faisaient aussi de la propagande contre la vente de terre aux Juifs. Mais le but de cette campagne était de concurrencer l’artisanat arabe par les entreprises capitalistes étrangères.

Le résultat, c’est que l’immigration juive, avec juste raison, fut considérée par l’ensemble de la population arabe comme ayant pour but son asphyxie économique complète. En 1939, par exemple, il n’y avait effectivement que 6,5% en valeur du capital investi dans l’industrie palestinienne qui appartenait à des Palestiniens non juifs contre 40% aux Juifs. Il est vrai que le reste, 53,2%, était officiellement des capitaux britanniques. Cela pourtant ne gênait ni les sionistes ni la Histadrout.

On voit donc ce que vaut l’argument des sionistes. Ni plus ni moins que celui de tous les colonisateurs, celui en France des partisans de l’Algérie française, qui nous expliquaient que c’étaient les colons français qui avaient mis en valeur la Mitidja ou construit l’Algérie moderne. Certes, la population juive était à un niveau de civilisation culturelle, technique, scientifique supérieur à celui de la population arabe. Et cela aurait peut-être pu, dans d’autres circonstances, constituer un apport pour tout le Moyen-Orient. Aux mains des sionistes, il n’a servi qu’à accroître l’oppression des peuples de la région.

L’indépendance d’Israël allait mettre le point final à une tendance constante depuis 30 ans.

Le 29 novembre 1947, l’Assemblée Générale de l’ONU proposait un plan de partage de la Palestine en deux États juif et arabe. Ce plan, qui morcelait le pays en fonction de l’implantation supposée de la population juive ou arabe était, dans le contexte, une parfaite utopie.

Quelques jours plus tard, en décembre de la même année, le sommet des chefs arabes, réuni au Caire sous la présidence occulte de la Grande-Bretagne, décidait d’organiser la lutte pour empêcher sa réalisation. En janvier 1948, la guerre civile commençait en Palestine avec les incursions terroristes de volontaires recrutés par la Ligue Arabe. Profitant alors de la guerre civile, puis de la guerre tout court qui suivit, les sionistes vont chasser presque complètement d’une bonne partie de la Palestine toute la population arabe.

Les Israéliens prétendent maintenant que les Arabes palestiniens se sont enfuis sans raison, qu’ils sont tombés dans le piège que leur tendaient les leaders arabes, qui leur auraient demandé de quitter momentanément le pays et promis un retour rapide après la victoire future des armées arabes.

Il est vrai sans doute que les leaders arabes, tous à l’époque des représentants de régimes féodaux corrompus, liés directement à l’impérialisme britannique, Farouk en Égypte, Ibn Séoud en Arabie, Abdallah en Jordanie, ont proclamé leur volonté d’expulser complètement ou d’exterminer les Juifs. Il est très possible que, par stupidité et myopie politique, ou inspirés par les agents de l’impérialisme britannique qui visaient, eux, plus loin et plus haut que les potentats locaux, ceux-ci aient largement incité les Palestiniens à fuir.

Ces faits sont cependant controversés par des historiens, semble-t-il sérieux. Les Israéliens, par exemple, ont prétendu que les radios arabes avaient lancé des appels à l’évacuation de la Palestine. Un écrivain britannique, Childers, qui s’est penché spécialement sur cette question, a pourtant déclaré que jamais personne n’a été capable de lui montrer le moindre document ni la moindre preuve. Childers, qui dit avoir fouillé les archives de la BBC, la radio anglaise, qui capta à l’époque toutes les émissions en provenance du Moyen-Orient, affirme que, même là, il n’a pu trouver trace de ces ordres. On a retrouvé par contre des ordres inverses, lancés par certaines radios arabes, dont Radio-Damas, demandant aux Palestiniens de ne pas quitter leur terre.

Ce qui est certain, surtout, c’est que les sionistes - qui officiellement demandaient aussi aux Arabes de rester - multipliaient les pressions et les violences pour les obliger, dans la réalité, à partir.

Le fait le plus célèbre en la matière fut le massacre en avril 1948 de 254 hommes, femmes et enfants arabes du village de Deir Yassin, par les troupes de l’Irgoun, organisation sioniste de droite. Et si, au début, il semble que ces pressions et ces violences furent surtout le fait des organisations extrémistes juives, l’Irgoun ou le Stern, bientôt la Hagannah elle-même, milice officielle de l’Agence Juive, et noyau de la future armée israélienne, se mit aussi de la partie.

En faisant circuler par exemple, les photos de suppliciés arabes de Deir Yassin, et en promettant le même sort à d’autres, en menaçant les villages arabes. de destruction, en donnant un temps limité à la population pour les abandonner avant de les occuper, comme le 12 juillet 1948, la Haganah somma les habitants des villes de Ramleh et de Lydda de déguerpir dans la demi-heure qui suivait, partout un employant la violence, ou en menaçant de l’employer, on expulsa des centaines de milliers d’Arabes palestiniens de leur ville ou de leur village.

Le prétexte et la justification de telles actions furent les actes de violence exercés par les troupes arabes contre la population juive. Ils ne manquèrent pas non plus, comme par exemple, toujours en avril 1948, quatre jours après l’affaire de Deir Yassin, l’attaque d’un convoi sanitaire juif à Jérusalem, au cours de laquelle 76 médecins, et infirmières furent tués.

Mais le fond de la question, c’est que toute la politique sioniste préparait depuis 30 ans cette lutte à outrance contre la population arabe et l’éviction de celle-ci du pays ou d’une partie du pays. Quand l’occasion leur fut donnée de réaliser cet objectif, c’est sans aucun doute délibérément que les dirigeants sionistes envisagèrent et exécutèrent l’opération. Ainsi même la lutte des Juifs contre l’impérialisme anglais pour leur indépendance ne leur concilia pas l’amitié des populations arabes. Ils avaient pourtant le même ennemi. Mais cette lutte, de par la volonté des dirigeants sionistes, fut dirigée autant contre ces populations que contre l’impérialisme lui-même. Les sionistes d’ailleurs ne commercèrent le combat contre l’occupant anglais que lorsque la Grande-Bretagne, pour des raisons d’opportunité, essayant de se concilier la faveur des Arabes, mit des restrictions à l’immigration juive.

Cela aurait sans doute pu être différent. Mais il aurait fallu pour cela que les Juifs lient leur lutte à celle des Arabes, dans le pays desquels ils étaient venus vivre. Qu’ils se préoccupent de la susciter, s’il était vrai, comme le prétendent les sionistes, que les Arabes les laissèrent seuls se battre contre l’impérialisme anglais. Ce qui est faux d’ailleurs, car le nationalisme arabe existait depuis longtemps, simplement dévoyé dans un sens anti-juif par les bons soins de l’impérialisme anglais, des féodaux à sa dévotion et des sionistes eux-mêmes.

Certains sionistes s’y essayèrent d’ailleurs, notamment des éléments du groupe Stern, qui, pendant la Seconde guerre mondiale, alors que le sionisme officiel se rangeait derrière l’Angleterre, s’est attaqué à celle-ci, puisque puissance impérialiste dominant la Palestine. Ils n’allèrent pas très loin , demeurant avant tout sionistes. Mais le fait qu’ils aient réussi malgré tout à intégrer dans leurs rangs quelques Palestiniens arabes est tout de même la preuve qu’une autre politique était possible.

Mais l’indépendance d’Israël n’aboutit qu’à creuser encore davantage le fossé qui séparait Juifs et Arabes, à dresser définitivement les deux communautés l’une contre l’autre. L’impérialisme pouvait alors, comme il l’avait fait jusque-là, continuer à jouer sur cet antagonisme pour son plus grand avantage. Il ne s’en est certes pas privé.

Parce qu’il s’est développé au XXe siècle, au moment où les grandes puissances s’étaient partagé le monde entier, parce qu’il allait obligatoirement se heurter aux populations arabes indigènes, le sionisme a été condamné à se faire à son corps défendant quelquefois, consciemment le plus souvent, l’instrument de l’impérialisme. Car depuis la fin de la Première guerre mondiale, au moment où Grande-Bretagne et France se partagent les dépouilles de l’Empire turc, allié de l’Allemagne et entraîné dans la défaite de celle-ci, le peuple juif n’a cessé de servir soit de gendarme, soit de bouc émissaire, soit la plupart du temps des deux, à la révolte des peuples du Moyen-Orient.

Dès le début d’ailleurs, parce qu’ils savaient bien que sans lui le sionisme resterait pure utopie, ses fondateurs, et en premier lieu Théodore Herzl, ont recherché l’appui d’une ou plusieurs grandes puissances impérialistes.

L’organisation sioniste est fondée en 1897. A cette date le monde entier est sous la coupe de la Grande-Bretagne et de la France, et, dans une moindre mesure, de l’Allemagne et de la Russie. Il n’est donc pas question d’une colonisation juive quelque part dans ce monde sans la permission, sinon l’aide, de l’une de ces puissances.

C’est à quémander celle-ci que les dirigeants sionistes vont pendant vingt ans s’employer. Ils s’adressent successivement à l’empereur d’Allemagne, protecteur attitré du sultan turc, lui-même suzerain de la Palestine, au sultan lui-même, à la République française et à l’Empire britannique. Ils s’adressent même au gouvernement russe dont les membres étaient eux-mêmes les inspirateurs des pogromes dont étaient victimes les Juifs. Cela leur valut du comte de Witte, ministre notoirement antisémite et réactionnaire de Sa Majesté le Tsar, mais plaisantin à ses heures, et à qui Herzl avait demandé d’encourager l’émigration juive une réponse fameuse : « Mais on donne aux Juifs, déclarait Son Excellence, des encouragements à l’émigration, par exemple, des coups de pied ! »

Ce n’est qu’en 1917 que les efforts de Herzl reçurent leur récompense. Jusque-là aucune des puissances impérialistes n’avait trouvé l’occasion ni le lieu d’employer le sionisme, et les coups de pied reçus par les Juifs, chez elles ou ailleurs, étaient bien le cadet de leurs soucis.

Mais on était alors en pleine guerre. La Grande-Bretagne saisit l’occasion de mobiliser à son profit les Juifs européens. Ils sont justement particulièrement nombreux en Europe centrale, contrôlée par l’Allemagne, son ennemie, et aussi en Russie, une alliée qui donne dos signes très nets d’essoufflement. D’ailleurs cinq jours après la Déclaration Balfour, les Bolchéviks prendront le pouvoir à Pétrograd.

D’autre part, la Grande-Bretagne vise déjà à s’emparer des territoires du Moyen-Orient encore sous domination turque. En 1916, un traité en bonne et due forme, mais secret bien entendu, avec la France, a prévu exactement comment les deux alliées se les partageront. Le sort de la Palestine était le seul qui n’avait pas été nettement précisé par cet accord.

En se faisant le protecteur officiel de la future communauté juive, l’Angleterre se donne ainsi une raison de soumettre ce territoire à son administration. Accessoirement aussi elle mobilise les Juifs contre l’empire ottoman à qui elle fait la guerre. Ainsi une bri-gade sioniste participera aux côtés des troupes du général Allenby à la campagne de Palestine contre les troupes turques.

C’est ainsi que le 2 novembre 1917, Lord Balfour déclare solennellement que le gouvernement britannique « regarde avec faveur l’établissement d’un foyer national pour le peuple juif en Palestine ». Cela n’avait pas empêché la Grande-Bretagne de promettre aussi la Palestine au chef arabe Hussein, chérif de la Mecque. Les Anglais comptaient sur lui pour déclencher la révolte arabe contre les Turcs.

Dès 1915 les agents anglais, dont le célèbre Lawrence, lui proposèrent la création d’un vaste royaume arabe qui aurait englobé la Palestine. Comme certains l’ont écrit, ce n’était plus la terre promise mais la terre deux fois promise. C’était, on allait le voir, l’un des plus sûrs moyens de n’avoir à la donner à personne. C’est en effet à la Grande-Bretagne que la Société des Nations en 1922 confie le mandat d’administrer la Palestine. Elle l’ajoute à l’Arabie et l’Irak ; la France, elle, s’est réservé la Syrie et le Liban.

Pendant 25 ans dès lors la Grande-Bretagne va régner sans partage sur la Palestine. Alors que dans les pays voisins, Irak, Arabie, Jordanie, Égypte, l’impérialisme britannique avait dû mettre en place un semblant de gouvernement national, généralement une monarchie toujours liée à l’Angleterre, la Palestine, elle, n’a droit qu’à l’administration britannique. Mais quand il fut question, à certains moments, de mettre en place un Parlement, ou du moins un vague organe représentatif élu, les sionistes, qui craignaient que les Juifs y soient minoritaires, s’y opposèrent. La Grande-Bretagne, n’insista pas, évidemment, outre mesure. C’est là un exemple éloquent de la politique britannique : jouer les Juifs contre les Arabes, ou bien les Arabes contre les Juifs, pour maintenir en fait sa seule domination. Cette politique fut facilitée par la politique sioniste.

Elle le fut aussi par celle des chefs arabes. Ceux-ci en effet sont tous, à l’époque, manipulés ouvertement ou en sous-main, par l’impérialisme britannique. Ce sont d’ailleurs des représentants des féodaux tels le Grand Mufti de Jérusalem, ou encore le « commandant de l’armée arabe de Libération de la Palestine », El Kawoudji. Le quartier général de celui-ci est officiellement à Amman, capitale de la Jordanie, royaume artificiel créé par la Grande-Bretagne pour son protégé Abdallah, grand-père de l’actuel roi Hussein dont la seule force est la « Légion Arabe », commandée par le célèbre Glubb Pacha, véritable souverain du pays. Que ce soit là que les leaders arabes palestiniens trouvent aide et protection montre bien leurs liens avec l’impérialisme anglais. Aussi alors que les émeutes et les signes de révolte sont nombreux chez les Arabes palestiniens, c’est toujours dans un sens anti-juif que leurs chefs vont les diriger. La grande révolte de 1936 à 1939 est ainsi transformée en « guerre sainte » contre l’occupant sioniste - mais pas l’occupant anglais - par le Mufti et El Kawoudji.

Ainsi s’applique la politique du « diviser pour régner ». La Grande-Bretagne permet l’immigration sioniste et en même temps tolère ou aide ceux qui dressent les Arabes contre elle. Les deux communautés s’affrontent dans des conflits sanglants. La Grande-Bretagne charge alors ses troupes de rétablir l’ordre, démontrant ainsi la nécessité pour la paix de sa présence dans le pays.

C’était là, évidemment, un jeu difficile à mener. La Deuxième guerre mondiale le complique. Les succès initiaux de l’Allemagne amenèrent les Arabes à se tourner vers celle-ci, qui semblait un concurrent de plus en plus redoutable de la Grande-Bretagne. Un certain nombre de dirigeants, y compris d’anciens vassaux de l’Angleterre, misent alors sur son ennemie. Ainsi le roi d’Égypte, Farouk, qui vendra les plans de défense britannique de l’Égypte à Rommel, ou le Grand Mufti de Jérusalem qui terminera la guerre à Berlin, d’où il continuait à prêcher la guerre sainte contre les Juifs. Pour éviter que les masses arabes, et même les dirigeants qu’elle leur a donnés, ne basculent dans le camp ennemi, la Grande-Bretagne doit donner des gages. Elle va alors le faire aux dépens de la communauté juive, excellent exemple à méditer aujourd’hui pour les Israéliens et les sionistes.

Dès 1930, déjà, à la suite d’émeutes arabes contre l’immigration juive et la Déclaration Balfour, Londres décide, dans un premier « livre blanc », de mettre certaines restrictions à l’immigration juive.

En 1939, à la veille de la guerre, un nouveau « livre blanc » est publié. L’immigration juive est désormais arrêtée. Seules, durant les cinq années suivantes, 75 000 nouvelles entrées sont autorisées. Passé ce délai, l’autorisation des Arabes - dont on s’était pourtant bien peu préoccupée jusque-là - sera nécessaire pour toute immigration supplémentaire. Dans un délai de dix ans, un État palestinien sera formé. Les droits de la minorité juive sont reconnus, mais il n’est pas question d’un État juif séparé. En 1940, pour compléter ces dispositions, l’acquisition de nouvelles terres est interdite aux Juifs sur une partie du pays.

C’est pourtant le moment où les persécutions des Juifs en Europe, avec les victoires du régime hitlérien, redoublent. Pour les sionistes, la liberté d’immigration et la création d’un État juif sont donc plus nécessaires que jamais. Mais les intérêts généraux de l’impérialisme britannique passent évidemment pour celui-ci, avant ceux des Juifs, même si ces derniers en ont été de fidèles serviteurs jusque-là.

Aussi, si pendant la guerre, à l’exception des gens du groupe Stern, les leaders sionistes considèrent que leur premier devoir est de participer à la lutte contre l’Allemagne, après 1945, ils vont commencer la lutte contre l’Angleterre. Hélas, ce sera aussi contre les Arabes.

A la même époque, la Grande-Bretagne crée la Ligue Arabe, qui rassemble tous les chefs d’État sous son influence. L’un des buts essentiels de la Ligue est la libération de la Palestine occupée par les Juifs. Elle vise aussi, en parole, à la libération des pays arabes encore sous domination française. Mais à aucun moment il n’est question de la lutte contre la Grande-Bretagne. C’est pourtant elle qui exerce toujours son autorité sur la Palestine... et aussi sur l’ensemble des pays que regroupe la Ligue. Éloquent symbole d’ailleurs, le général Clayton, un des agents britanniques qui depuis 1945 dirigeait au Caire la politique arabe de l’empire, participe à la séance inaugurale.

Mais la guerre entamée le 15 mai 1948, le mandat britannique ayant pris fin et la naissance de l’État d’Israël ayant été proclamée, et terminée en février 1949, fut, on le sait, défavorable à la Ligue. En face des sionistes, racistes et chauvins certes, mais qui ont su mobiliser le peuple juif tout entier, les armées arabes sont des armées de mercenaires. Mises sur pied et quelquefois commandées par les agents britanniques, telle la légion Arabe de Glubb Pacha, elles ont été conçues pour la répression des émeutes populaires, mais ne sont guère de taille à lutter contre l’armée israélienne. Les souverains arabes, et derrière eux la Grande-Bretagne, qui ont entrepris cette guerre sainte pour mystifier leurs peuples, n’ont certes aucune envie ni aucune velléité de s’appuyer sur eux.

D’ailleurs, derrière l’unité de façade faite contre Israël, ils sont souvent aussi préoccupés de mener la lutte les uns contre les autres. Ainsi pendant que la Légion Arabe jordanienne combat pour la possession de Jérusalem, les armées du roi Séoud s’emparent d’Akaba. Le prétexte en était de protéger ce port contre les Juifs, alors qu’il était toujours sous le contrôle jordanien.

Ce fut donc une défaite pour la Ligue Arabe, instrument de l’impérialisme. Paradoxalement, ce ne fut pourtant pas une défaite de l’impérialisme lui-même. D’abord parce que derrière Israël il y avait aussi un autre impérialisme, les USA. Ensuite la situation créée permettait même à la Grande-Bretagne de continuer à tirer son épingle du jeu.

D’un côté l’humiliation de la défaite, la soif de revanche, la haine d’un État qui expulsait de chez eux un million d’Arabes et les condamnait à vivre à ses frontières dans la misère des camps de réfugiés, permettraient à tout moment de relancer la croisade anti-juive et de détourner ainsi la lutte anti-impérialiste des peuples arabes. D’un autre côté, la peur, le sentiment d’une menace permanente de la part d’un entourage hostile, poussaient les Israéliens à accepter que leur gouvernement se lie aux impérialistes, capables à leurs yeux de les protéger et de protéger le statu quo,

C’est ainsi que depuis 15 ans les impérialistes américains, anglais ou français - au gré des occasions et du contexte politique - font jouer à Israël le rôle de gendarme du Moyen-Orient.

Lorsque le trône de Hussein est mis en danger par une révolte populaire, c’est Israël à qui l’on confie la tâche de menacer les Jordaniens d’une intervention armée. Lorsque la monarchie irakienne est renversée en juillet 1958, c’est à Israël que l’aviation britannique demande le droit de passage pour voler au secours du régime. Lorsqu’enfin l’Égypte ou la Syrie tentent de desserrer l’étreinte impérialiste, c’est l’armée israélienne qu’on fait donner comme en 1956 ou au printemps dernier. Car si juin 1967 a été une réédition d’octobre 1956, ce n’est pas seulement par la même manoeuvre des troupes israéliennes dans le Sinaï.

Le régime nassérien s’efforçait alors, par une politique dite neutraliste, de prendre un peu de champ vis-à-vis de l’impérialisme en jouant les Russes contre les Américains et les Anglais. Pour couper court à cette politique et afin de prouver que l’aide russe n’était pas capable de remplacer l’aide américaine, les USA décidèrent de refuser l’aide financière promise pour la construction du barrage d’Assouan.

Nasser répliqua en nationalisant le canal de Suez, aux mains d’une compagnie anglo-française. Dans le même temps le gouvernement français du « socialiste » Guy Mollet, impuissant à juguler la rébellion algérienne, concevait l’idée à tout point géniale de porter un coup sévère à l’Égypte considérée comme inspiratrice et protectrice du FLN.

C’est ainsi que put se nouer une alliance israélo-anglo-française.

Dans les mois qui précédèrent, c’est à l’est que les Israéliens se croyaient ou se prétendaient menacés. L’Irak soutenu d’ailleurs par la Grande Bretagne parlait en effet d’annexer la Jordanie, dont le régime monarchique paraissait chancelant.

Mais ce qui intéressait les gouvernements anglais et français, c’était Suez.

Ainsi ce n’est pas le Jourdain, mais la frontière égyptienne que franchiront les troupes du général Dayan, dans la nuit du 29 octobre 1956. Dès le lendemain, les deux compères impérialistes anglais et français lancèrent un ultimatum aux belligérants leur enjoignant de se retirer... à 16 kilomètres de part et d’autre du canal de Suez. Cela était sensé permettre l’installation d’une force franco-britannique le long de celui-ci, à Port-Saïd, Ismaïla et Suez, afin de « protéger la liberté de navigation ». Les Israéliens acceptèrent aussitôt ; on leur demandait de se retirer sur un point... que leurs troupes n’avaient pas encore atteint. Les Égyptiens refusèrent. Les parachutistes français et anglais fondirent alors sur le canal pour protéger la paix.

Certes, ce plan magnifique se termina plutôt piteusement pour les gouvernements français et anglais. Les États-Unis étant intervenus pour mettre fin à ce faux pas, les parachutistes durent plier bagages. Mais Israël avait fait la preuve qu’il était tout prêt à servir là où il le fallait, et quand il le fallait, les desseins impérialistes. C’est l’exploit qu’il devait de nouveau réaliser ce printemps 1967.

Aux yeux du monde, ou en tous cas de l’écrasante majorité des Français, ce fut là une guerre pour le droit à l’existence d’Israël. C’est qu’en effet la crise prit toute son ampleur au moment où Nasser, demandant aux troupes de l’ONU, installées depuis 1956, de se retirer, décida le blocus du golfe d’Akaba pour les navires israéliens. La propagande israélienne et américaine, qui tenait le prétexte cherché, tendit à accréditer l’idée que c’était là le noeud de la question. Et c’est leurs thèses qui ont été reprises ici par la grande presse et la radio. Il faut y ajouter aussi que les erreurs, la démagogie et le chauvinisme des États arabes y ont largement contribué.

Mais au-delà des slogans et des proclamations, qu’elle fut l’origine exacte de cette crise ?

Depuis l’automne 1966 les dirigeants israéliens proclamaient leur volonté d’abattre le régime syrien. Le 13 septembre, c’est le général Rabin lui-même, chef d’État-major israélien, qui déclare dans l’organe officiel des forces armées que l’armée israélienne « vise le régime de Damas ». Dans los jours qui suivent, cette menace est renouvelée plusieurs fois. Le prétexte, c’est que Damas encouragerait les raids de commandos terroristes palestiniens en Israël. C’est celui qui a déjà servi en 1956 contre l’Égypte. C’est surtout celui qui permet depuis 15 ans de tenir mobilisée la population israélienne.

Car ces raids existent depuis la création d’Israël. Ils sont le fait des membres des organisations nationalistes palestiniennes, dont la principale est depuis 1964, l’Organisation de Libération de la Palestine, présidée par le trop célèbre Choukeiri. La situation à laquelle les Israéliens ont réduit un million et demi de réfugiés, jetés hors de leur pays, suffit largement à les expliquer.

Ils sont, certes, aidés, encouragés ou tolérés par les États arabes qui ont dû accepter les réfugiés sur leur territoire, bien que souvent ils ne le fassent que par démagogie. Mais ces États ne seraient pas plus capables de les arrêter s’ils le voulaient que la Tunisie, le Maroc ou l’Égypte, qui accueillaient les combattants du FLN algérien sur leur territoire, n’étaient maîtres de l’activité de ceux-ci.

Mais dans le ces des menaces proférées puis mises à exécution par Israël contre la Syrie, cela apparaît d’autant plus comme prétexte que les deux tiers des terroristes palestiniens en Israël provenaient depuis 1966 non de la Syrie mais du Liban et de la Jordanie. Il ne fut pourtant pas question d’abattre les régimes de Beyrouth et d’Amman dans les déclarations du général Rabin.

Mais le Liban et la Jordanie sont liés aux USA. Depuis février 1966 par contre, la Syrie s’en éloigne. L’aile extrémiste du parti Baas, parti nationaliste arabe, y a pris le pouvoir. Damas se rapproche ouvertement de Pékin et de Moscou. Les Syriens menacent même certaines positions impérialistes. C’est en quelque sorte une réédition de la politique nassérienne de 1956.

Ainsi en même temps qu’Israël, les USA marquent de plus en plus leur hostilité. Leur ambassadeur lance même un avertissement très net. S’adressant à une assemblée d’hommes d’affaires, il déclare : « Ne vous lamentez pas. D’ici peu, il y aura de grands changements en Syrie. La liberté d’entreprise et la démocratie triompheront. »

En attendant, c’est une crise ouverte qui éclate au début de l’année. A la suite d’un conflit avec l’Irak Petroleum Company, à qui l’État syrien demande de régler des dettes anciennes et d’augmenter ses redevances, les Syriens décident de fermer les pipe-lines qui traversent leur pays. Pour conclure un accord, l’IPC est obligée en février 1967 de faire certaines concessions. Surtout, la menace d’une nationalisation a été proférée et reste suspendue.

C’est alors que de nouveaux incidents de frontières se produisent entre Israël et la Syrie. Les Israéliens, qui connaissent des difficultés intérieures (on parle de 100 000 chômeurs, ce qui est énorme pour un pays de moins de 3 millions d’habitants), prétendent mettre en culture une zone démilitarisée dont la souveraineté leur est contestée par les Syriens. Le 7 avril, un raid de l’aviation israélienne est entrepris sur la Syrie. Au-dessus des faubourgs de Damas, 6 Mig syriens sont abattus. Le général Rabin déclare qu’ il « espère que la leçon sera comprise ». On peut remarquer par ailleurs que la presse occidentale fut loin de pousser les cris que l’on peut imaginer si c’était l’inverse qui se fût produit et si c’était l’aviation syrienne qui eût abattu 6 Mirage israéliens au-dessus de Tel-Aviv. De toute évidence on préparait en haut lieu l’opinion israélienne à la guerre. Ainsi le 12 mai, le général Rabin, encore une fois, déclarait publiquement que tant que les révolutionnaires de Damas n’auraient pas été renversés, aucun gouvernement ne pourrait se sentir en sécurité au Moyen-Orient. Dès le lendemain, le bruit court au Caire que les Israéliens massent des troupes à la frontière syrienne.

Bien entendu si maintenant nous connaissons bien les tractations et les plans communs, lors de la crise de Suez des états-majors et des Gouvernements d’Israël, de France et de Grande-Bretagne, ceux de Washington et de Tel-Aviv, cette année, demeurent encore du domaine de la diplomatie secrète. Le voyage de Moshé Dayan au Vietnam, comme correspondant de guerre, est pourtant un symbole de liaisons bien certaines, mêmes si elles ne peuvent pas être établies formellement. Quelles étaient les prévisions initiales du gouvernement israélien, et des diplomates américains ? Avaient-ils escompté la réaction de Nasser, le retrait des casques bleus du Sinaï, l’occupation de Charm El Cheikh par l’armée égyptienne et le blocus du golfe d’Akaba ? En fait, cette réaction était inévitable, ne serait-ce que parce que Nasser ne pouvait perdre la face et laisser seule la Syrie aux prises avec Israël.

C’était en tous cas le coup de pouce nécessaire pour faire définitivement accepter la guerre à tout le peuple d’Israël. Le blocus d’Akaba présenté comme une menace d’asphyxie économique pour le pays, alors que 2% seulement du commerce extérieur d’Israël transitait par là et que, depuis deux ans, aucun bateau israélien important n’avait franchi le fameux détroit de Tiran, était bien le prétexte rêvé par Eshkol et Moshé Dayan. Les déclarations incendiaires, démesurées et démagogiques des dirigeants arabes, auraient fait l’appoint, s’il avait été nécessaire, telle celle de Nasser le 26 mai devant l’Union Internationale des Travailleurs Arabes : « Si Israël commet un acte d’agression contre la Syrie et l’Égypte, la lutte contre ce pays sera une lutte totale ... et notre objectif fondamental sera la destruction de l’État d’Israël ».

Les troupes de Rabin pouvaient passer à l’attaque au petit matin du 5 juin. L’opinion d’Israël même, et une grande partie de l’opinion mondiale, était persuadée que c’était là un cas de légitime défense.

Les péripéties de cette guerre de cinq jours sont connues. Remarquons simplement que la victoire éclair de l’armée israélienne fut bien une nouvelle preuve, a posteriori, de qui, des deux adversaires, avait réellement préparé cette guerre. Les États arabes n’avaient, c’est évident, projeté la destruction d’Israël qu’en paroles. Il est vrai que sur ce point ils n’en sont pas plus excusables pour cela. Depuis Talleyrand, on sait qu’en politique, une erreur c’est plus qu’un crime.

Plus importantes à examiner, sont les conséquences de cette victoire israélienne.

Certains ici ce soir, se posent peut-être la question de savoir si dans les prochains mois la guerre va reprendre ou si une négociation est possible. Nous ne prétendons pas connaître l’avenir. Nous ne lisons pas dans le marc de café.

Tout ce que l’on peut raisonnablement prévoir, c’est qu’Israël ne reviendra en arrière que forcé, et que seuls les USA sont capables de le faire reculer. Et de toute façon, il tentera de garder le maximum de territoires conquis, sur lesquels il imposera une politique de sionisation. Il a d’ailleurs commencé à Jérusalem.

Pour les populations arabes du Moyen-Orient - ou du moins pour une partie d’entre elles - c’est une misère et une oppression accrues.

Mais pour les Israéliens, malgré les apparences trompeuses de leur triomphe, les problèmes, au lieu de se résoudre, se sont multipliés. Au problème du million et demi de réfugiés s’est ajouté celui de l’occupation de territoires à population entièrement arabe. S’il est vrai que la résistance des Palestiniens était, avant le 5 juin, une menace sinon pour l’État d’Israël, du moins pour la sécurité des Israéliens, cette menace n’a pas disparu mais c’est accrue. Et, si l’armée israélienne se maintient dans les territoires occupés, elle ne fera que croître encore. Déjà d’ailleurs, à la suite de nouveaux sabotages ou attentats, militaires et politiciens israéliens ont menacé à nouveau la Syrie et la Jordanie. Belle preuve qu’ils n’ont rien réglé, bien au contraire.

Et le renforcement de l’extrême droite et des militaires dans le pays, avec la nécessité croissante de renforcer l’oppression sur les Arabes, risque de rendre encore bien plus catastrophiques dans l’avenir les conséquences de cette soi-disant victoire, même si aujourd’hui cela ne se traduit que par des pressions plus ridicules qu’odieuses pour accroître la natalité de la population juive et empêcher l’utilisation de la pilule par les Israéliennes. Le seul bénéficiaire, en définitive, c’est bien dans la logique de l’histoire, en est l’impérialisme.

Car il s’est bien vite avéré que malgré les ruptures diplomatiques fracassantes avec Londres et Washington, de la RAU, de l’Irak, de la Syrie, de l’Algérie, du Yémen et du Soudan, malgré l’embargo, qui s’est révélé rapidement dérisoire et bien mal appliqué, des produits pétroliers en direction des États-Unis et de la Grande-Bretagne, « aucun pays arabe, comme l’écrivait Eric Rouleau dans le « Monde Diplomatique » du mois d’août, n’a porté atteinte aux intérêts économiques américains dans la région. Les 2 600 millions de dollars investis dans l’industrie pétrolière au Moyen-Orient sont intacts. Tout comme les bases militaires anglaises ou américaines » !

Les régimes arabes les plus touchés sont ceux qui diplomatiquement étaient les plus liés à l’URSS. Le régime nassérien d’abord a failli crouler et a dû accepter de sacrifier son allié Sallal au Yémen. Les régimes syrien et algérien ensuite, dont l’isolement dans le monde arabe est apparu à la conférence de Khartoum et chez qui l’on parle ouvertement de complots ou de putschs.

Par contre, ceux qui étaient les plus liés à l’impérialisme sortent consolidés de l’aventure. L’Arabie saoudite par exemple, mais aussi la monarchie jordanienne. La presse a présenté la Jordanie comme la grande vaincue de la guerre. Le pays lui-même l’était, certes, car ses territoires les plus riches sont passés sous contrôle israélien. Mais le régime chancelant de Hussein y a gagné à coup sûr une vigueur et une solidité qu’il n’aurait pas espérées. Hussein, bien que défait dans cette guerre, comme la Syrie et l’Égypte, est devenu aujourd’hui un porte-parole écouté de l’ensemble des États arabes, alors qu’il était officiellement, avant la crise de mai, désigné par certains d’entre eux comme l’ennemi à abattre et que son trône paraissait en effet bien menacé.

C’est là le symbole du changement du rapport de forces intervenu au Moyen-Orient. La défaite arabe, malgré l’aide matérielle et diplomatique russe, malgré les avertissements soviétiques selon lesquels « tout pays agresseur se heurterait à la résistance de l’URSS et des pays arabes réunis », a montré le poids respectif des deux camps. Les États, y compris l’État nassérien, qui se tournent, sinon directement vers les USA, du moins vers leurs hommes en pays arabes, montrent qu’ils ont compris la leçon. En ce sens, le conflit de juin s’inscrit dans la ligne des coups d’État d’Indonésie au de Grèce, ou encore de la guerre que mènent, directement cette fois, les USA au Vietnam. Il fait partie de la grande offensive lancée depuis quelque temps par l’impérialisme américain pour mettre un terme au neutralisme à l’échelle mondiale et imposer partout des régimes qui lui soient entièrement soumis. Ce n’est pas là encore la guerre contre l’URSS. Ce pourrait en être le prélude.

En tous cas, les raisons profondes de cette guerre, les camps en présence et les conséquences de la victoire ou de la défaite de l’un ou l’autre, font que les révolutionnaires, lors de la dernière crise, ne pouvaient qu’être solidaires du camp arabe et souhaiter, ou travailler s’il se pouvait, à la défaite d’Israël.

Car la victoire d’Israël devait être - et a effectivement été - une victoire de l’impérialisme. C’est-à-dire une victoire de ceux qui exploitent - d’une manière ou d’une autre - les peuples, tous les peuples, du Moyen-Orient et du monde entier, une victoire des vrais responsables de la misère des nations arabes, et aussi des persécutions dirigées contre les Juifs du monde entier.

Dans cette guerre, donc, les révolutionnaires, contrairement à la position adoptée par certains groupes se réclamant du trotskysme, dont l’OCI, ne pouvaient être neutres, ni renvoyer les deux camps dos à dos. Partout et toujours aujourd’hui, ils sont dans le camp opposé à l’impérialisme quels que soient ceux qui le composent, et quel que soit le régime politique qui les représente, sa nature sociale.

Cela ne veut pas dire d’ailleurs qu’ils doivent accepter, soutenir ou faire leur, toute la politique des gouvernements arabes, y compris toute leur politique vis-à-vis d’Israël.

Pour les nationalistes arabes, la lutte doit aboutir à la destruction d’Israël. Puisque les Juifs se sont établis en Palestine aux dépens dès Arabes, - ce qui est incontestable - puisque l’État d’Israël mène depuis sa création une politique au service de l’impérialisme et au détriment des peuples du Moyen-Orient - ce qui est aussi incontestable. Il faut, disent-ils, au nom de la lutte des peuples arabes et de la lutte anti-impérialiste, éliminer cet État israélien. Il est même difficile souvent, de savoir, à travers leurs déclarations, s’il s’agit de la destruction de l’État israélien ou des Israéliens eux-mêmes.

Ainsi, par exemple, Choukeiri, leader de l’Organisation de Libération de la Palestine, et ancien diplomate au service du roi Séoud, c’est-à-dire des Anglais et des Américains, s’est taillé une solide réputation par sa démagogie et son racisme anti-juif.

C’est lui qui s’écriait un peu avant le conflit de juin : « Il n’y aura pas de survivants juifs dans la guerre sainte de Libération de la Palestine. » Il est vrai qu’il a nuancé ses menaces après la défaite. « Quand je dis, a-t-il précisé, qu’il faut jeter les Juifs à la mer, je ne veux pas dire qu’il s’agit de les noyer, mais de leur faire reprendre le bateau pour les renvoyer d’où ils viennent. »

Ni le sionisme, ni l’impérialisme ne pouvaient rêver meilleure propagande pour eux-mêmes. Ce sont eux d’ailleurs qui se sont chargés, en les exagérant sans doute, de faire à chacune des déclarations des leaders arabes, la plus large publicité possible.

La politique des dirigeants arabes est doublement fausse.

D’abord, parce que le but qu’ils prétendent se donner, la destruction de l’État d’Israël, même s’il était atteint, ne règlerait rien. Ensuite parce que par leur chauvinisme, ils n’ont fait que rendre la lutte anti-impérialiste dans cette partie du monde encore plus difficile.

Le peuple juif de Palestine - quelle que soit l’histoire de son implantation dans cette région - forme maintenant une nation. Que cette nation en opprime d’autres, d’une manière ou d’une autre, est certainement intolérable et toute lutte contre cette oppression est justifiée.

Mais la négation du droit de la nation israélienne à l’indépendance n’aboutirait, mise en application, qu’à créer dans cette région, une nouvelle oppression. Celle des Arabes par les Juifs serait remplacée par celle des Juifs par les Arabes et, peut-être, un million de réfugiés israéliens remplacerait le million de réfugiés palestiniens. Que gagneraient au change les peuples du Moyen-Orient ? L’antagonisme Juifs-Arabes n’en continuerait pas moins, toujours exploitable, comme il l’a été jusqu’ici, par l’impérialisme pour ses fins propres.

Et puis, pour l’instant, le seul résultat réel de cette politique, c’est d’avoir contribué à faire, derrière le gouvernement d’Israël, l’unanimité des Israéliens, à les persuader, alors qu’ils ne faisaient qu’exécuter les desseins des impérialistes, qu’ils combattaient pour le droit à l’existence de leur nation, sinon même pour leur survie personnelle ; les victoires israéliennes sont certes dues au super-armement livré par l’impérialisme - et notamment par l’impérialisme français - mais la valeur militaire de l’armée israélienne vient avant tout de la conviction qu’a actuellement chacun des Israéliens de lutter pour lui-même et pour sa nation. Cette conviction, ce sont les cris hystériques des Choukeiri et des autres qui ont aidé les sionistes à l’implanter.

De la sorte les nationalistes arabes se privent d’une des meilleures armes qu’ils pourraient avoir dans la lutte anti-impérialiste : la possibilité de s’adresser au peuple israélien, aux ouvriers et aux paysans juifs, de les dissocier de leurs dirigeants sionistes. Mais pour cela il faudrait qu’ils s’attachent à montrer où sont les véritables intérêts de ceux-ci et non à nier leurs droits nationaux.

Certes le peuple israélien tout entier - y compris la classe ouvrière - a suivi jusqu’ici aveuglément les dirigeants sionistes. Mais pas plus que les dirigeants israéliens n’ont le droit d’invoquer certaines attitudes racistes de leurs adversaires pour justifier leur politique, parce qu’ils n’ont jamais tenu compte des intérêts des peuples arabes, et n’ont jamais essayé de s’adresser à eux, pas plus les gouvernements arabes n’ont le droit d’invoquer l’attitude actuelle du peuple juif pour le rejeter en bloc, puisque eux non plus n’ont jamais tenté de le mettre de leur côté.

Mais les dirigeants nationalistes arabes sont incapables d’une autre politique. Car malgré leurs prétentions progressistes ou socialistes, ils ne sont que les représentants de la bourgeoisie nationale quand ce n’est pas ceux des féodaux.

Les intérêts de cette bourgeoisie peuvent s’opposer à ceux de l’impérialisme, et ses représentants politiques lutter, en conséquence, contre ce dernier. Mais ils sont au moins autant opposés aux intérêts des masses populaires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cette bourgeoisie est incapable de mettre en place un État démocratique, mais doit faire appel à des dictatures, les plus souvent militaires, pour la représenter. Comment ces régimes, qui vivent dans la peur constante de leur propre peuple, pourraient-ils donc concevoir une politique capable de s’adresser au peuple israélien et de se le concilier ?

Cette incapacité fondamentale nous est démontrée par l’attitude de l’État irakien envers le peuple kurde, qui, au nord de l’Irak, lutte pour son autonomie depuis des années, les armes à la main.

A Bagdad se sont succédé depuis dix ans bien des hommes et des tendances : le gouvernement irakien fut tour à tour, après le renversement de la monarchie en 1958, anti-nassérien avec le général Kassem, pro-nassérien avec son successeur, puis pro-baasiste, puis à nouveau pro-nassérien avec le général Aref. Tous se sont réclamés de la lutte anti-impérialiste, aucun n’a accordé leur autonomie aux Kurdes. Ils ont tous au contraire organisé la répression, et les velléités de négocier avec les autonomistes, manifestées quelquefois par une nouvelle équipe arrivant au pouvoir, ne se sont jamais traduites réellement dans les faits.

Et pourtant les Kurdes ne jouent pas le rôle des Israéliens. Ils ne sont pas les gendarmes de l’impérialisme auprès du peuple irakien et ils n’ont pas dépossédé celui-ci d’une terre qui lui appartenait. Mais il est évident qu’on ne peut pas instaurer un régime de terreur et massacrer les communistes à Bagdad, même au nom du socialisme arabe, comme le firent les Baasistes, et permettre, à Mossoul, aux Kurdes de décider librement de leur sort. C’est pour la même raison que Le Caire ou Damas sont incapables d’une politique correcte envers le peuple d’Israël. Celle qu’ils ont menée jusqu’ici a bien pu leur attirer les pires déboires, ils préfèrent encore cela plutôt que celle qui risquerait d’ouvrir la voie aux revendications des masses syriennes ou égyptiennes elles-mêmes.

Ainsi, paradoxalement, les seuls régimes arabes prêts à envisager de reconnaître le droit d’Israël à l’existence, ce sont ceux qui sont les plus liés à l’impérialisme, ceux de Bourguiba ou encore de Hussein. C’est que pour eux il ne s’agirait que de reconnaître le statu quo qui s’est instauré au Moyen-Orient, statu quo favorable à l’impérialisme, et du même coup, croient-ils, à leur régime. Avec cette reconnaissance-là, ni les intérêts des peuples arabes, ni ceux du peuple israélien n’ont rien à voir.

Car la seule solution, du moins la seule solution qui ne soit pas une catastrophe pour tout ou partie des peuples de cette région, est celle des révolutionnaires socialistes.

Certes, leur but, une « Fédération socialiste du Moyen-Orient » paraît actuellement du pur domaine de l’utopie.

Ce serait pourtant la seule solution qui permettrait à la fois l’expulsion de l’impérialisme de cette région du globe, le libre développement de toutes les nations qui y vivent, et leur coexistence, sans oppression de l’une par l’autre.

Cette solution, nous l’avons vu, ce ne sont pas les diverses et faibles bourgeoisies arabes, et encore moins la bourgeoisie israélienne, qui pourraient la faire leur. Elles ont eu, et les unes et les autres, l’occasion, si elles l’avaient voulu, de développer une telle politique. Elles ne l’ont jamais fait.

Elle ne peut venir que des classes ouvrières arabe, et juive. Certes, aujourd’hui, ces classes ouvrières ne manifestent pas une existence autonome. Leur voix est étouffée, comme celle des classes ouvrières égyptienne, syrienne ou irakienne, ou ce qui est sans doute pire, elles sont gangrenées par le chauvinisme et le racisme de leur propre bourgeoisie, comme la classe ouvrière israélienne.

Pourtant, bien que certainement très peu nombreux, les révolutionnaires socialistes existent aussi dans cette partie du monde. Nous n’en voulons pour preuve que l’existence de l’Organisation Socialiste Israélienne, qui regroupe en Israël des militants juifs et arabes, et celle du Front Démocratique Palestinien, organisation palestinienne arabe, qui, le 3 juin dernier, au plus fort de la crise et deux jours avant l’ouverture des hostilités, publiaient une déclaration commune, définissant une politique internationaliste de combat contre l’impérialisme d’abord, mais aussi contre le chauvinisme quel qu’il soit.

Certes cette voix n’a pas pesé lourd dans le déroulement des événements récents. Mais qu’elle se soit fait entendre est un gage. C’est dans la direction indiquée par ces camarades que réside la solution révolutionnaire. Et c’est dans cette direction que se construiront là-bas de véritables partis ouvriers révolutionnaires, qui sauront, eux, nous n’en doutons pas, trouver l’appui des masses de leur propre État comme de celles des États voisins. Alors effectivement l’emprise de l’impérialisme pourra être balayée du Moyen-Orient, et par la même occasion celle des classes et des régimes bourgeois ou féodaux, juifs ou arabes, par lesquels, directement ou indirectement, l’impérialisme maintient son emprise sur tous les peuples de cette région.

Encore une fois, ni les nationalistes arabes, ni encore moins les sionistes, n’ont de véritables solutions pour le Moyen-Orient.

Non seulement les premiers sont incapables d’obtenir le but qu’ils s’assignent, implicitement ou explicitement, la destruction d’Israël, mais, bien plus, ce but est un leurre pour les peuples arabes. Car même si l’État d’Israël disparaissait, même si les Juifs, jusqu’au dernier, quittaient le sol de la Palestine, expulsés ou massacrés, l’impérialisme, lui, serait toujours présent dans le monde en général, et au Moyen-Orient en particulier. Et ce sont sans doute ceux-là mêmes qui préconisent le plus fort la destruction d’Israël qui y feraient alors respecter ses intérêts. Pour la plupart, ils le font déjà.

Quant aux sionistes, vingt ans après la création de l’État d’Israël, il est plus évident que jamais qu’ils n’ont ni n’apportent aucune solution ni aux Juifs ni au Moyen-Orient.

Israël n’a pas permis et ne pouvait permettre le regroupement des Juifs, mais seulement d’une faible partie d’entre eux. Sa création n’a en rien résolu, comme elle se le proposait, le problème juif à travers le monde. Elle n’a pas mis fin à l’antisémitisme. Elle serait bien incapable d’empêcher les Juifs d’être victimes d’une nouvelle tragédie semblable à celle du nazisme, si l’impérialisme au bord de l’abîme fait appel demain une nouvelle fois au fascisme.

Et le sort de ceux que le sionisme a réussi à entraîner en Palestine, n’est pas plus enviable. Car s’ils ont quitté l’Europe, ils ne sont pas sortis du ghetto.

La seule perspective qu’ils ont, c’est de vivre en état de guerre perpétuelle contre les peuples voisins arabes dont ils se sont faits les ennemis, sous la menace constante d’une catastrophe, catastrophe qui ne manquerait pas de survenir si, pour des raisons d’opportunité et d’intérêts, les grandes puissances dont dépend économiquement et militairement Israël, le lâchaient et se retournaient contre lui.

Car si le sort d’Israël est lié à la bonne volonté de l’impérialisme, les intérêts de celui-ci peuvent exiger le sacrifice de celui-là demain. A ce moment-là, les services rendus ne pèseront pas lourds, soyons-en sûrs.

Le Moyen-Orient, comme le monde entier, mais d’une manière encore plus évidente, n’a, lui aussi, que le choix entre socialisme ou barbarie.

Source : http://www.lutte-ouvriere.org/docum...


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