Appel de Strasbourg. Etat de la mobilisation au 7 février 2009 dans les facultés (3 articles)

lundi 9 février 2009.
 

1) Etat de la mobilisation étudiante au 7 février 2009

Cet état de la mobilisation se concentre sur la mobilisation étudiante (il ne fait pas état des assemblées générales spécifiques au personnel).

Manifestations du jeudi 5 février (chiffres des organisateurs en gras, chiffres de la police entre parenthèses)

Paris : 15 000 (3 600), Lyon : 8 000 (2 600), Toulouse : 6 000 (3 800), Marseille : 5 000 (1 500), Rennes : 4 000 (3 000), Bordeaux (3 800), Strasbourg : 2 000 (1 600), Nantes : 2 000 (1 200), Montpellier : 5 000 (850), Lille : 1 500 (700), Grenoble : 1 600 (1 300), Clermont Ferrand : 1 500, Rouen : 1 500, Poitiers : 1 000 (800), Tours : 1 000 (700), Dijon : 1 000 (550), Le Mans : 1 000, Orléans : 800 (800), Metz : 700 (300), Angers : 600, Le Havre : 500 (300), Nice : 400 (300), Brest : 350 (200)

Aix Marseille : Lundi 2 février, AG de 1 200 personnes (dont 1 000 étudiants) à Aix et AG. Principe de grève voté. Prochaine AG mercredi 4 février. Vote de l’abrogation de la LRU. AG de 150 étudiants à Marseille Saint Charles. Mardi 3 février, l’IUT d’Aix vote la grève.

Amiens : Mercredi 28 janvier, AG de 500 personnes vote la grève pour le 29 janvier

Angers : Mercredi 28 janvier, AG de 700 étudiants. Lundi 2 février, AG de 700 étudiants de sciences humaine vote la grève et l’abrogation de la LRU. Mercredi 4 février, AG de 1 000 étudiants vote la grève (sans blocage)

Avignon : Mardi 27 janvier, l’AG des membres de la communauté universitaire de l’UAPV (Avignon et Pays du Vaucluse) s’est prononcée pour la grève illimitée à partir du 2 février.

Besançon : L’AG de l’université de Franche-Comté (environ 400 personnes enseignants, étudiants, chercheurs, personnel biatos) a voté la grève reconductible à partir du 2 février.

IEP Bordeaux : AG de 400 étudiants début février. Prochaine AG le 9 février

Bordeaux III : Mardi 27 janvier, AG de 1200 étudiants. Le 2 février, AG de 1 500 étudiants vote la grève.

Caen : Mercredi 29 janvier, AG de 300 étudiants et personnels. Lundi 2 février, AG des étudiants de géographie vote la grève et l’abrogation de la LRU

Dijon : Mardi 3 février, AG étudiante vote la grève, puis AG commune avec les personnels (environ 1 000 personnes). Jeudi 5 février, AG commune d’environ 600 personnes.

Grenoble III : Lundi 19 janvier, occupation partielle de l’université. Mardi 20 janvier, AG de 400 étudiants. Mercredi 28 janvier, AG de 400 étudiants vote la grève à partir du 2 février et l’abrogation de la LRU. Mardi 3 février, AG de 1 000 étudiants. Appel à une coordination nationale étudiante. Jeudi 5 février, AG commune de plus de 1 200 personnes.

IEP Lille : Mardi 3 février, AG de 150 étudiants a voté la grève. Prochaine AG mercredi 11 février.

Le Mans : Mercredi 4 février, AG de 600 étudiants vote la grève les 5 et 10 février.

Lyon II : Lundi 2 février, AG de 900 étudiants sur le campus de Bron a voté la grève, l’occupation jour et nuit de la fac, et l’abrogation de la LRU. Mercredi 4 février, AG de 800 étudiants à Bron et de 800 sur un autre site de Lyon II.

Montpellier III : Mardi 3 février, AG commune de plus de 1 000 personnes vote la grève.

Nantes : Mercredi 4 février, AG de 1 000 étudiants et personnels vote l’abrogation de la LRU. Vote de la suspension des cours et de la transformation de l’université en « université populaire ».

Orléans : Mardi 27 janvier, AG de 300 personnes (principalement étudiants)

Pau : Avant les vacances de Noël, AG de 1 000 étudiants et blocage d’une journée. Mercredi 4 février, AG de 1 000 étudiants et personnels. Jeudi 5 février, environ 300 étudiants se rassemblent devant le congrès universitaire.

Poitiers : Mardi 3 février, AG de 1 000 étudiants et personnels. Occupation d’un amphi. Prochaine AG jeudi 5 février.

Reims : Mardi 3 février, AG étudiante vote une grève de soutien aux enseignants chercheurs

Rennes II : Mercredi 28 janvier, AG de 600 étudiants vote le principe de grève. Lundi 2 février, AG de 1 500 étudiants vote la grève (sans blocage), ainsi que l’abrogation de la LRU. Mercredi 4 février, AG de 2 500-3 000 étudiants. Propose une coordination nationale étudiante les 14 et 15 février.

Rouen : Mardi 3 février, AG de 1 000 étudiants vote la grève.

Saint Etienne : Mardi 3 février, AG étudiante vote la grève

Toulouse 1 Arsenal : Jeudi 29 janvier, AG de 160 étudiants. Mercredi 4 février, AG de 300 étudiants vote la grève.

Toulouse 2 Le Mirail : Mardi 27 janvier, AG de 1 000 étudiants vote l’abrogation de la LRU. Lundi 2 février, réunion d’information étudiants / personnels (1 200 personnes). Mardi 3 février, AG de 1 500 étudiants vote le principe de grève.

Toulouse 3 Paul Sabatier : Jeudi 22 janvier, AG de 40 étudiants. Jeudi 29 janvier, AG de 80 étudiants. Mardi 3 février, AG de 400-500 étudiants. Mercredi 4 février, AG commune de 700 à 800 personnes.

Tours : Lundi 2 février, AG de 1 000 étudiants vote la grève et l’occupation de la fac

Paris 4 Sorbonne : Lundi 2 février, AG de 130 étudiants et personnels vote la grève.

Paris 5 : Mardi 27 janvier, AG de 650 étudiants et personnels vote la grève illimitée à partir du 2 février.

Paris 6 : Lundi 2 février, AG commune de 400 étudiants et personnels vote la grève (sans blocage). Aucun cours dans l’UFR de Physique et informatique (peu en mathématiques)

Paris 11 Orsay : Lundi 2 février, AG de 400 étudiants et personnels. Grève d’une semaine reconductible. Mercredi 4 février, AG commune de 700 personnes. http://www.orsayenlutte.info/

Paris 12 : Mardi 27 janvier, une AG de 200 étudiants et personnels a voté la grève à partir du 2 février.

Paris 13 : L’AG de l’IUT de Villetaneuse appelle à la grève et la suspension du second semestre.

1) Appel de Strasbourg

Au moment où les trois universités de Strasbourg, de leur propre initiative, se rassemblent pour former le plus grand établissement universitaire de France, nous, chercheurs, enseignants-chercheurs et personnels de la nouvelle Université de Strasbourg et des organismes de recherche, lançons un appel solennel au gouvernement et aux ministères dont nous dépendons pour qu’ils mettent fin à leur entreprise aveugle de destruction de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Scientifiques, nous ne sommes en aucun cas hostiles à une réforme concertée. Au lieu de cela notre gouvernement prend prétexte d’une prétendue urgence pour faire l’économie de la réflexion et du débat. Il persiste à nier notre expertise et nos propositions - celles faites, par exemple, lors des Etats généraux de la recherche en 2004 ont été largement ignorées. Il ne respecte pas la collégialité des décisions en usage dans notre communauté depuis fort longtemps.

Nous tenons à rappeler que le développement des connaissances et la transmission des savoirs sont les missions fondamentales de l’Université : elles ne sauraient être soumises à des considérations uniquement utilitaires, ni être mises en cause au nom de l’harmonisation européenne et d’un modèle entrepreneurial inadapté aux exigences universitaires.

La réforme LMD (Licence-Master-Doctorat) a conduit à une refonte complète des cursus dont le bilan n’a pas été tiré. La loi relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) instaure une présidentialisation excessive du pouvoir dans les universités. Des organismes de recherche comme le CNRS ou l’INSERM sont démantelés.

Les IUT - dont personne ne contestait l’efficacité - sont menacés. Certaines bourses attribuées au mérite sont supprimées sans aucune explication. Les nouveaux contrats doctoraux ne masquent pas la misère des moyens.

Et voici que le ministère de l’Enseignement supérieur rend public un projet de décret qui modifie d’une manière fondamentale le statut des enseignants-chercheurs en privant ceux-ci de leur indépendance intellectuelle. Voici que les ministres de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur exigent un bouleversement de la formation et du recrutement des enseignants du secondaire dans un texte bâclé, confus et autoritaire, instituant des masters « métiers de l’enseignement » dans des délais irréalistes et dans des conditions qui affaibliront sensiblement la qualité de la formation des futurs professeurs, tout en rendant celle-ci plus longue et plus coûteuse pour les étudiants : l’année de stage rémunérée est supprimée. Voici enfin que les valeurs républicaines et laïques sont remises en cause par la reconnaissance internationale, à l’initiative de notre ministère des Affaires étrangères, des diplômes délivrés par les instituts catholiques.

Les moyens promis ne suivent pas et les réductions de postes se confirment. L’objectif commun à toutes ces réformes menées dans la précipitation et sans concertation est de permettre des économies à court terme, sans souci du capital ainsi bradé. Elles conduisent aussi à une réduction du temps consacré à la recherche. Cette réalité est aggravée par une avalanche de procédures d’évaluation dont les excès, largement dénoncés, mobilisent des moyens considérables et nous détournent de nos missions fondamentales : la recherche et l’enseignement.

Il est grand temps que le gouvernement nous entende : nous lui demandons instamment de suspendre sans délai l’ensemble de ces réformes pour ouvrir enfin un grand débat national sur l’Enseignement et la Recherche dont les principaux acteurs ne soient pas exclus, y compris les jeunes chercheurs et les étudiants dont l’inquiétude est aujourd’hui aussi profonde que la nôtre. Nous lançons un APPEL à toutes les universités françaises et à toutes les institutions de recherche afin qu’elles unissent leurs voix pour une coordination nationale des actions à même de défendre les valeurs républicaines de liberté et de laïcité du monde de l’éducation, de la science et de la recherche.

2) Les enseignants-chercheurs ont réussi leur journée du 5 février

Source : http://www.liberation.fr

La tension est montée d’un cran ce jeudi entre le monde universitaire et la ministre de l’Enseignement supérieur. Les enseignants-chercheurs, épaulés par les étudiants, ont fortement manifesté dans plusieurs villes de France, n’hésitant pas au passage à chahuter la ministre.

En visite à la nouvelle Université unique de Strasbourg jeudi matin, Valérie Pécresse a été accueillie à coups de « Pécresse démission ! » et autres « Pécresse, fac off ».

Décidée à « rassurer », la ministre a annoncé qu’elle recevrait le 11 février l’ensemble de la communauté universitaire afin de travailler sur une « charte de bonne conduite » visant à donner des garanties sur la façon dont les présidents d’universités exerceront leurs nouveaux pouvoirs vis-à-vis des enseignants.

Les enseignants.... Et les étudiants

Au quatrième jour de la mobilisation des professeurs d’universités, les étudiants, jusqu’à présent à l’écart du mouvement, ont participé en force aux manifestations dans plusieurs grandes villes de France. Le Snesup, le premier syndicat du supérieur, s’est félicité de cette mobilisation « d’une ampleur exceptionnelle ».

A Paris, ils étaient entre 3 600 et 15 000 manifestants dans la rue, venus de différentes universités parisiennes et franciliennes. La manif’ aurait dû se terminer à deux pas du ministère de Valérie Pécresse. Mais, comme le raconte notre journaliste Sylvestre Huet sur son blog, « les manifestants ont continué, dans un désordre joyeux. Après avoir enfoncé le barrage policier, ils ont longé la Sorbonne, se sont répandus sur le boul’mich puis sur le boulevard Saint Germain, coupant la circulation... »

A Rennes, la mobilisation a été également importante (entre 3000 et 4000 personnes). Enseignants et chercheurs étaient épaulés par des étudiants, largement majoritaires dans le cortège. Dans la foule compacte, une pancarte teintée d’amertume : “Casser l’université, yes he can”. Une autre, évoquant un célèbre site internet, plus ironique : “Meetic : il n’y a pas que là que l’on fait de la recherche” !. (Lire le reportage sur LibéRennes)

A Lille, c’était une manif’ paisible, raconte notre correspondante sur LibéLille. Peu de slogans hurlés, un mégaphone qui ne sert pas beaucoup. Et pourtant. Les chercheurs étaient nombreux à protester (700, dit la police, 1 500,selon les manifestants).

A Toulouse, même constat : le cortège de manifestants était étrangement silencieux, loin de l’ambiance festive habituelle des cortèges... Alors qu’ils étaient près de 4.000 selon la police, 6.000 selon les organisateurs. Dans la manif’, les visages étaient graves, sinon tendus, témoigne notre correspondant sur LibéToulouse.

A Orléans, étudiants et profs s’étaient donnés rendez-vous de bonne heure jeudi matin, comme le montre cette vidéo tournée par notre correspondant.

A Lyon, les enseignants de l’Institut d’études politiques ont choisi d’expliquer leur mouvement à leurs élus. Après avoir voté la reconduite de leur grève pour jeudi et vendredi, ils ont rédigé une lettre , qu’il vont remettre aux maires, conseillers et parlementaires de l’agglomération.

De nouvelles formes de protestation

Depuis lundi, le mouvement ne cesse de prendre de l’ampleur. Et gagne même des facultés réputées peu enclines à la contestation comme Lyon III, ou l’Institut d’études politiques d’Aix, en grève pour la première fois depuis sa création en 1956.

Fait notable, à Toulouse, le président de l’université scientifique de Paul Sabatier a même accordé une demi-journée banalisée à l’ensemble du personnel. Une manière d’inciter les enseignants à manifester !

Autre particularité, le mouvement ne touche pas seulement les bancs de la fac : plusieurs IUT (instituts universitaires de technologie) comme des IUFM (instituts universitaires de formation des maîtres) entrent aussi en résistance.

A côté des formes de protestations classiques (manif dans les rues et tracts distribués dans les amphis), les chercheurs pratiquent aussi la rétention des notes et même le lancer de chaussures, expérimenté mardi dans le jardin du ministère de Valérie Pécresse.

Dans certaines universités encore, les cours deviennent militants, comme l’explique sur son blog notre journaliste Véronique Soulé. Ainsi, certains, comme à l’Université de Tours, font des cours « hors les murs », devant la gare par exemple.

Le mouvement devrait se poursuivre la semaine prochaine avec notamment une manifestation nationale prévue mardi prochain à laquelle pourraient se joindre les étudiants. L’Unef, la première organisation étudiante, appelle en effet à la grève mardi 10 février pour demander « un changement de cap en matière de politique universitaire ».

Valérie Pécresse change de ton

Face à l’ampleur grandissante de la mobilisation, Valérie Pécresse, chahutée ce matin à Strasbourg, a promis de réunir la communauté universitaire le mercredi 11 février à Paris. Elle a assuré vouloir travailler sur une « charte de bonne conduite » visant à donner des garanties sur la façon dont les présidents d’universités exerceront leurs nouveaux pouvoirs vis-à-vis des enseignants. La réunion de travail doit rassembler les doyens de faculté, le Conseil national des universités (CNU) et les syndicats d’enseignants.

Les IUFM obtiennent des garanties. La Fédération des maires des villes moyennes (FMVM) a annoncé jeudi en fin de journée avoir obtenu des garanties de la ministre sur le maintien d’antennes locales des Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM). « La ministre a rassuré les maires des villes moyennes en confirmant que les antennes de proximité des IUFM continueront d’accueillir des étudiants, parce que ceux-ci ont besoin d’une formation effectuée au plus près des territoires et au plus près des classes ».

Une nouvelle proposition de loi ? Le député UMP Daniel Fasquelle, également doyen de la faculté de droit de Boulogne-sur-mer (Pas-de-Calais), entend déposer dès lundi une proposition de loi visant à « améliorer » le projet de décret Pécresse sur le statut des enseignants-chercheurs. Cette « proposition de loi vise à rappeler l’indépendance du monde universitaire et la règle selon laquelle on ne peut être jugé que par ses pairs », a-t-il expliqué. Avant de rappeler : « Je soutiens Valérie Pécresse et sa démarche à l’égard des universités est sincère. Mais je sens aussi le malaise car on touche à des choses essentielles, qui vont au-delà de questions corporatistes ».

Rappelons que jusqu’ici, la ministre de l’Enseignement supérieur s’était montrée ferme, décidée à ne pas céder. Mardi, elle avait ainsi écarté toute idée d’un retrait du décret réformant le statut des enseignants-chercheurs. « Le retrait serait un recul considérable pour tous les enseignants-chercheurs », a t-elle affirmé. Ce qui est en cause, selon elle, c’est « la façon dont le président d’université va appliquer le décret ». Elle en appelle donc aux présidents d’universités pour « rassurer » et construire une charte destinée à la « bonne application » du décret.

Les raisons de la contestation

Les grévistes réclament d’abord le retrait de la réforme de leur statut. Le nouveau texte accorde, selon eux, de super-pouvoirs aux présidents d’université dans l’avancement des carrières et dans la « modulation » des temps de service (répartition entre enseignement, recherche et autres tâches). Les enseignants-chercheurs redoutent une hausse des heures d’enseignement, au détriment de leur travail de recherche.

Ils exigent aussi la suspension de la réforme de la formation des enseignants du primaire et du secondaire, appelée la « masterisation ». Les futurs enseignants devront désormais avoir un master (bac+5) au lieu d’un bac+3. Et plus généralement, ils dénoncent les suppressions de postes prévues et le démantèlement du CNRS.

Enfin, comme l’explique Jean-Louis Fournel, président de Sauvons l’Université, les nouvelles règles liées à la LRU (la loi relative aux libertés et responsabilités des universités) inquiètent. « Elles vont radicalement changer la carte universitaire du pays, au seul bénéfice de quelques pôles. »

3) Fronde des profs-chercheurs : l’épreuve en trois points

Par Chloé Leprince

http://www.rue89.com/

Le blocage des facs annoncé depuis une quinzaine de jours a bien démarré. Lundi, le Snesup-FSU, premier syndicat de l’enseignement supérieur, annonçait que près d’un cours sur deux (45%) était perturbé -un chiffre tempéré du côté du ministère. Le mouvement, parfois doublé du gel des notes, concerne les grosses universités comme les petits pôles d’enseignement, y compris des IUT, ou encore des instituts d’études politiques et le gros des IUFM.

Ici ou là, on annonce déjà que la mobilisation des prochaines semaines sera "historique", alors que la coordination nationale des universités, qui regroupe 74 universités, écoles et instituts, a appelé lundi à une grève illimitée, à une journée de manifestations en France jeudi 5 février et à une manifestation nationale à Paris le mardi 10.

Sur le net, l’exaspération bat son plein, depuis le discours de Nicolas Sarkozy sur la recherche, le 18 janvier, qui a fait office de catalyseur pour la mobilisation. Un internaute de Rue89 nous a signalé cette vidéo qui circule sur les blogs, mixant graphiques OCDE sur les crédits aloués à la recherche et extraits du discours présidentiel.

Pourquoi parle-t-on d’une révolte d’enseignants ?

Les enseignants-chercheurs sont à l’amorce du mouvement, pas les étudiants. Et ce, même si, à Rue89, nous recevons de plus en plus de témoignages spontanés d’étudiants qui débattent à leur tour de la réforme et entendent se joindre au mouvement. Mais c’est d’abord la réforme de leur statut qui a stimulé la contestation des 57 000 enseignants-chercheurs que l’on compte en France au total.

Parmi les principaux points d’achoppement, il y a le recrutement des enseignants, qui doit évoluer à la faveur de l’autonomie des facs. Le projet de décret Pécresse, qui remonte à octobre 2008, donne davantage de flexibilité à la hiérarchie d’une fac en la matière. Quitte à entailler largement l’égalité d’accès à ces postes qui relèvent pourtant de la fonction publique.

Ainsi, pour recruter un maître de conférences, certaines facs prévoient des commissions plutôt nombreuses (une vingtaine de personnes à Strasbourg)... alors que d’autres misent davantage sur l’entre-soi (quatre à Aix-Marseille, précise un riverain maître de conférences de la région).

Autre critique adressée par les personnels en grève : le recours possible à des intervenants extérieurs, y compris venus du monde de l’entreprise. Sur ce point, pas mal d’ATER ("attaché temporaire d’enseignement et de recherche", c’est à dire des chargés de cours qui terminent leur thèse et attendent un poste de maître de conférences) ont déjà écrit à Rue89 pour dénoncer "manque de légitimité" des jurés et "risques d’arbitraire".

Or cette marge de manœuvre nouvelle à la faveur de l’autonomie des facs risque d’accentuer le "localisme", version universitaire et savante du "clientélisme". Au printemps 2008, Rue89 s’était justement fait l’écho des travaux sociologiques d’Olivier Godechot et Alexandra Louvet. Ils montraient qu’un doctorant a en moyenne dix-huit fois plus de chances d’obtenir un poste d’enseignant-chercheur dans la fac où il a poursuivi son cursus qu’un candidat de l’extérieur.

Pourquoi des facs pas réputées gauchistes à la proue de la contestation ?

L’autre enjeu très décrié de la réforme du statut des enseignants, c’est l’évaluation des enseignants et la gestion de leur carrière. C’est ce point qui a mobilisé des pôles pas franchement activistes d’ordinaire. Ainsi, les facs de droit, de sciences économiques, ou encore les Instituts d’études politiques.

Pour le moment, les maîtres de conférence doivent assurer une charge horaire répartie sur l’année, à raison de 128 heures de cours ou de 192 heures de "travaux dirigés". Ces cours ne sont qu’un volet de leur travail, le reste de leur temps étant en censé être alloué aux travaux de recherche.

Or, selon le projet de décret Pécresse, la hiérarchie de chaque fac aura là aussi davantage de marge de manœuvre pour ventiler les activités de ses personnels enseignants. Notamment en fonction de l’évaluation.

Or cette évaluation des enseignants-chercheurs par leur hiérarchie administrative pose un problème de critères. Sur leur blog, Pierre-Philippe Combes (directeur de recherche CNRS à Aix-Marseille) et Laurent Linnemer (professeur d’économie à Montpellier 1) s’interrogent : "Peut-on mesurer la productivité des enseignants ?"

Economistes, ils mettent en garde sur "la représentation inégale des différents domaines de recherche", un des biais de cette évaluation :

"Le problème central de la mesure des publications des enseignants-chercheurs est l’évaluation de leur qualité. Comment distinguer les découvertes capitales des avancées plus progressives de la connaissance ? Les indices de qualité pondérant les publications donnent en général plus de poids aux premières mais n’ignorent pas les secondes. Une solution souvent utilisée s’appuie sur les citations reçues par les publications. Travailler dans un domaine "à la mode", où les chercheurs sont nombreux, engendre mécaniquement plus de citations."

Si économistes et juristes s’émeuvent de la réforme plus que d’ordinaire, c’est parce qu’ils s’estiment menacés. Notamment parce que les juristes travaillent souvent à titre d’expert, dans le cadre de leurs recherches, et pas forcément sous forme de publications académiques.

Salaires, suppressions de postes : quel rapport avec la réforme ? L’enseignement supérieur apparait moins mal loti que le secondaire, si l’on compare les chiffres Darcos et Pécresse. Toutefois, 900 suppressions de postes sont prévues pour la rentrée 2009. C’est ce que rappelait notamment jeudi dernier le cortège d’enseignants du supérieur venus participer à la mobilisation intersectorielle.

Les enseignants protestent aussi contre la perte de pouvoir d’achat d’une corporation surdiplômée dont le salaire, durant les premières années en début de carrière, ne dépasse pas 2000 euros net par mois. Aucun rapport avec la réforme du statut et l’autonomie des facs ? Pas sûr : si l’on poursuit la lecture des économistes blogueurs de Montpellier et Aix-Marseille, on relève cette analyse :

"On ne peut oublier qu’un directeur de master en France fait souvent ses emplois du temps lui-même ou gère aussi le site Internet de sa formation. Que les enseignants-chercheurs assurent leurs surveillances d’examen. On ne peut oublier non plus à l’inverse que d’autres ont des décharges complètes ou très larges d’enseignement ou ne participent guère à l’administration de leur université.

Nous avons dit que les enseignants-chercheurs du Royaume-Uni publient 63% plus que les Français. Il se trouve qu’ils ont également des salaires moyens 62% plus élevés. Si l’on ajoute l’Allemagne, la Belgique, la Suède et les Pays-Bas à notre comparaison, la relation entre publications et salaires est fortement positive, avec une corrélation de 0,81."

Dans les IUFM, c’est la réforme du recrutement des enseignants du primaire et du secondaire, avec la "masteurisation" qui mobilise.


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