France, vers la privatisation de l’Etat (Ou quand le capitalisme étend son hégémonie sur l’ensemble de la société)

lundi 2 février 2009.
 

Flash back.

France, vers la privatisation de l’Etat Au soir de son élection, une soirée regroupe au Fouquet’s le gratin des affaires et de la finance autour de Nicolas Sakozy. Le lendemain, croisière sur un yacht de luxe « gracieusement prêté » par Vincent Bolloré. D’aucuns n’y ont vu que la manifestation de la tendance « bling-bling » de Sarko et sa fascination pour l’argent. En fait, cela ressemble plus à un « débriefing » du candidat Sarkozy par ceux qui l’ont mené à la magistrature suprême : « Maintenant que tu es élu, rappelle-toi pourquoi nous t’avons fait Président. »

Les libéraux, maîtres du monde occidental.

Au début des années 80, alors que la France se donnait un Président socialiste, les Etats-Unis et l’Angleterre étaient déjà aux mains des libéraux via Ronald Reagan et Margaret Thatcher. 20 ans plus tard, ces pays ont vu leurs structures d’Etat démantelées et la plupart des services publics privatisés. Les riches y sont devenus de moins en moins nombreux et de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres. En Europe, ces mêmes libéraux ont réussi à imposer un marché unique, où la seule loi est la « concurrence libre et non faussée ».

Un ilôt de résistance : la France.

Dotée d’un Etat encore structuré, avec des services publics à peu près protégés, la France faisait tâche dans le tableau idéal rêvé par les libéraux. Le travail de dépeçage avait bien été commencé (privatisations de la SNCF, de France Télécoms, des autoroutes, et plus récemment d’EDF-GDF ou de la Poste.), mais globalement l’éducation, la santé, les retraites, la sécurité restaient dans la sphère publique. La raison principale était que la droite française républicaine a toujours eu une aversion profonde au pouvoir de l’argent et s’en était tenue éloignée. Du Général de Gaulle (« La politique de la France ne se fait pas à la corbeille ») à Jacques Chirac (« Le libéralisme comme le communisme sont des perversions de la pensée humaine »), tous n’avaient que mépris pour l’argent et la finance. Les ors de la République suffisaient à satisfaire leur ego.

Nom de code : « La Réforme ».

Avec Sarko, plus de garde-fous. Sarkozy n’a pas de conviction, il n’a que de l’ambition. Sarkozy n’a pas d’idéal, il n’a que de la fascination pour l’argent. Et pour s’approcher de ce qu’il considère comme le pouvoir absolu, il est prêt à tout. Maintenant qu’ils l’ont porté au pouvoir politique, les libéraux ont un boulevard devant eux, et cinq ans pour desserrer l’étreinte de l’Etat qu’ils jugent nuisible à leurs intérêts et s’accaparer de ce qui reste des services publics. Ce hold-up, les libéraux l’appellent « la Réforme ».

La méthode.

Tout d’abord, neutraliser l’opposition.

Au lendemain de sa troisième défaite consécutive lors des présidentielles, elle en sortait très divisée et affaiblie. Le coup de grâce fut porté par la constitution du gouvernement d’ « ouverture ». Quelques traîtres récupérés à gauche, trop contents d’occuper un poste dont ils rêvaient, et dont la défaite avait brisé les espoirs. Quelques postes attribués aux « minorités visibles », et le tour était joué : l’opposition était ringardisée. De toutes façons, les ministres ne sont là que pour le décor, tout est décidé à l’Elysée.

Ensuite, réduire les impôts des plus riches.

Les bailleurs de la campagne de Sarkozy en veulent pour leur argent. Les premières lois édictées n’ont qu’un objectif, alléger voire supprimer l’impôt des plus riches. Loi TEPA, quasi suppression des droits de succession,… les réformes fiscales s’enchaînent les unes à la suite des autres. Seul l’impôt sur la fortune est maintenu, car politiquement trop dangereux à supprimer. Mais le bouclier fiscal le videra de sa substance.

Enfin, la captation des services publics par le privé.

« Le problème que nous avons en France, c’est que les gens sont contents des services publics ». (Renaud Dutreil, octobre 2004). Autant les privatisations des entreprises publiques avaient pu se faire sans trop de difficultés, autant le démantèlement des services publics s’annonçait plus délicat. Pour parvenir à privatiser les services publics sans trop d’opposition, il fallait d’abord les rendre impopulaires auprès de la population. La méthode est simple : les fragiliser de l’intérieur (baisse des effectifs, baisse d’investissements, désengagement de l’Etat, etc.) pour les rendre inefficients, et s’appuyer sur l’antienne populaire : il y a trop de fonctionnaires (le fameux « ne pas remplacer un fonctionnaire sur 2 dans les 5 ans à venir »). C’est l’étape que nous vivons actuellement : regroupements (Assedic/Anpe, DGI/DGCP,…), transfert de compétences de l’Etat vers les collectivités territoriales, des dizaines de milliers de non-renouvellement de départs en retraite dans les administrations, tout cela dans le seul but de les rendre inefficaces. Le privé pourra alors s’en accaparer, en arguant que si le service public est déficient, il faut bien que le privé s’y substitue.

La technique du leurre.

« La plupart des mesures que je prends servent surtout d’habillage aux suppressions de poste » (Xavier Darcos, octobre 2008) S’il est un pouvoir qui est passé maître dans la technique du leurre, c’est bien celui qui nous gouverne actuellement. Il ne se passe pas une journée sans qu’une idée ou un projet plus ou moins polémique ne soit lancé (Le prêtre supérieur à l’instituteur, affaire Guy Môquet, remplacement du bac par des médailles, etc.) Immédiatement repris dans les médias, (comment pourraient-ils ne pas en parler ?), le bruit de fond généré par les polémiques masquent la mise en place des vraies réformes, beaucoup plus discrètes. Si par hasard, l’une d’elles était malgré tout remarquée, un contre-feu est immédiatement allumé pour détourner l’attention.

Contrôler l’opinion

Bien que disposant de tous les pouvoirs politiques (légalement acquis par ailleurs) pour parvenir à leurs fins, le contrôle des médias est un enjeu stratégique pour les libéraux. Si la presse d’opinion n’est pas un danger à cause d’une trop grande dépendance à la publicité et une forte concentration dans les mains des financiers, l’audiovisuel public reste un problème de par ses statuts qui lui assurent une relative indépendance. Il est donc impératif d’assujettir les chaînes publiques au pouvoir. Le procédé est simple : retour à l’ORTF par la suppression de la publicité et la nomination des dirigeants par le Président de la République. La surveillance des citoyens aussi est indispensable. On assiste donc à la multiplication des fichiers informatiques, le croisement et le regroupement des fichiers existants, le développement de la vidéosurveillance, etc. L’argument fallacieux est toujours le même : assurer la sécurité de la population.

Des citoyens atones.

Il peut paraître surprenant que les citoyens ne réagissent pas. C’est que le terrain a été préparé de longue date, et les consciences soigneusement endormies par deux décennies de « pensée unique » (« Ce n’est pas par la loi qu’on va réguler l’économie », Lionel Jospin, septembre 1999) et de programmes débilitants sur TF1/M6 (« Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, juillet 2004). Ajoutez à cela une opposition minée par des luttes intestines, des syndicats qui ne représentent guère plus qu’eux-mêmes, une précarisation de l’emploi toujours plus prégnante, le démantèlement patient mais continu du droit du travail et de la protection sociale, une stigmatisation des populations défavorisées comme source de tous les maux, il n’est alors pas étonnant que chacun se replie sur soi en essayant de protéger le peu qui lui reste. La politique du «  diviser pour mieux régner » fonctionne à plein.

Un intrus, la crise.

Fin 2008, un événement « imprévu » est venu perturber ce programme : la crise financière. Non pas qu’elle soit gênante pour les libéraux (dans toutes les situations, il y a de l’argent à prendre), mais elle risque de réveiller les consciences. La fameuse phrase « Je suis à la tête d’un Etat qui est en situation de faillite » de François Fillon, si

pratique pour faire avaler les couleuvres ne fonctionne plus. Avec les milliards déversés sur les banques, la population découvre que l’argent coule à flot. Alors que les délocalisations s’accélèrent, que les mesures de chômage technique se généralisent, que les licenciements se multiplient, elle découvre que c’est à ceux-là mêmes qui ont provoqué la débâcle que ces milliards sont destinés. La crise financière sera-t-elle le grain de sable qui va gripper la mécanique libérale ? Ou bien, au contraire, sans réaction des populations, va-t-elle accélérer la réalisation de leur projet : la privatisation de la France ?


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message