Gaza et la rupture de la trêve : Critique des affirmations d’Israël (par des Israéliens engagés en faveur des droits de l’Homme, du droit international et d’une paix juste)

dimanche 1er février 2009.
Source : ATTAC 12
 

Le recadrage critique que nous proposons, celui d’Israéliens engagés en faveur des droits de l’Homme, du droit international et d’une paix juste comme unique voie de sortie de cet interminable et sanglant conflit, défend l’idée que la sécurité ne peut être obtenue unilatéralement lorsqu’une des parties oppresse l’autre, et que l’attaque d’Israël contre Gaza n’est en fait qu’une nouvelle tentative de rendre son occupation permanente en détruisant toute source de réelle résistance. Il défend l’idée qu’Israël aurait pu éviter toutes les attaques contre lui depuis les vingt dernières années, ainsi que la montée du Hamas, s’il avait sincèrement négocié une solution en deux Etats avec le leadership palestinien. Israël, la partie en position de force et la puissance occupante, n’est pas la victime. En fait, son attaque contre Gaza est une forme de terrorisme d’Etat.

Argument israelien : Comme tous les pays, Israël a le droit et le devoir de défendre ses citoyens. Israël, agissant comme toute nation qui aime la vie le ferait, a le droit d’être un pays normal vivant en paix et en sécurité.

Réponse :

Poursuivre des politiques offensives d’occupation prolongée, appliquer des sanctions, des boycotts et des mesures de clôture qui appauvrissent une population civile, et ensuite refuser de parler avec les dirigeants élus de cette population, n’est pas défendre ses citoyens. Escompter que vos citoyens vivent en sécurité alors qu’un million et demi de personnes asservies vivent dans la misère à quelques kilomètres de là, est à la fois irréaliste et présomptueux. Israël ne sera capable de défendre ses citoyens - ce qui est effectivement son devoir - que s’il s’attaque aux causes de leur insécurité, une occupation vieille de 41 ans.

Argument israelien : Israël n’avait d’autre choix que d’attaquer en réponse au barrage de 8 500 roquettes envoyées de Gaza par le Hamas au cours des huit dernières années et qui ont tué 20 civils israéliens.

Réponse :

Au cours des trois dernières années seulement, Israël - de concert avec les Etats-Unis, l’Europe et le Japon - a imposé un siège inhumain sur Gaza tout en menant, tout au long de la période de cessez-le-feu, une campagne d’attaques et d’assassinats ciblés causant la mort de 1 700 Palestiniens. Le barrage de roquettes du Hamas n’existe pas dans le vide. Cette guerre n’est pas une « réponse » : il ne s’agit que d’un round encore plus meurtrier de la tactique de l’ « oeil pour oeil, dent pour dent » découlant d’un vide politique. Il est malhonnête de présenter le « barrage de roquettes » comme un événement indépendant, dissocié des politiques israéliennes qui y ont mené.

Argument israelien : Il n’y a pas d’occupation, en général, mais spécifiquement à Gaza. Israël a mis fin à son occupation en 2005 à travers son « désengagement ». Gaza aurait pu s’épanouir comme base d’un Etat palestinien, mais ses habitants ont choisi le conflit.

Réponse :

Tout développement économique, pour ne pas parler d’un processus politique qui aurait pu prévenir la violence des deux côtés, a été activement entravé à la fois par Israël et par ses soutiens internationaux, qui partagent la responsabilité de la tragédie actuelle à Gaza. A aucun moment depuis son « désengagement » Israël n’a renoncé ou même desserré son contrôle. La clôture forcée du territoire, y compris maritime, a continué ; les Gazaouites n’ont jamais été autorisés à rouvrir leurs ports ou aéroports ; il n’a été permis à aucune des conditions d’un développement économique d’être réunies. La prétention d’Israël selon laquelle il n’y a jamais eu d’occupation de la Cisjordanie, de Jérusalem-est et de Gaza est rejetée par tous les membres de la communauté internationale. De même qu’ils ne peuvent accepter la prétention israélienne selon laquelle l’occupation aurait pris fin en 2005, dans la mesure où la définition de l’occupation en droit international renvoie à l’exercice d’un contrôle effectif sur un territoire étranger, ce qui est évidemment le cas d’Israël à Gaza.

Argument israelien : Le Hamas, seul, a violé le cessez-le-feu, il porte donc l’entière responsabilité.

Réponse :

Israël et le Hamas ont convenu d’une trêve (par l’intermédiaire de l’Egypte) selon les termes de laquelle Israël permettrait l’ouverture (au moins partielle) des points de passage frontaliers de Gaza, en échange de la fin des tirs de roquettes sur Israël. Hamas a largement, même si pas entièrement, respecté sa part du marché ; Israël ne l’a quasiment jamais fait. Les meurtres de Palestiniens ont continué par les airs, et le jour des élections américaines, début novembre, Israël a attaqué les tunnels (qui fonctionnent comme des voies alternatives pour approvisionner Gaza en l’absence d’ouverture des frontières, ce qui aurait permis le contrôle des mouvements d’armes), tuant plusieurs membres du Hamas. En réponse, le Hamas a lancé des roquettes. et la trêve a commencé à s’effondrer.

Argument israelien : Israël attaque seulement « l’infrastructure du terrorisme » à Gaza et ne vise que les combattant du Hamas.

Réponse :

Le Hamas étant le gouvernement élu, toutes les infrastructures, de la police de la circulation aux écoles en passant par les installations militaires, lui « appartiennent ». Qui est un « combattant du Hamas » ? La promotion d’agents de la circulation qui fut massacrée lors de la première attaque aérienne sur Gaza ? Les professeurs et étudiants se rendant à l’Université islamique « du Hamas » ? Les membres des familles des responsables militaires du Hamas ? Les gens qui ont voté pour le Hamas ? Tous, à l’exception de ceux participant activement aux hostilités, devraient être définis selon le droit international comme des civils.

Argument israelien : Il se peut que des civils meurent, mais c’est parce que le Hamas cache ses combattants et ses fabriques d’armes parmi les gens ordinaires.

Réponse :

Les QG militaires d’Israël sont situés au centre de Tel Aviv, les QG militaires pour la Cisjordanie se trouvent dans la colonie densément peuplée de Neveh Ya’akov à Jérusalem-est, le Pentagone est situé dans le centre de Washington D.C. et le Ministère britannique de la Défense se trouve dans le centre de Londres. Le Hamas, bien sûr, à la fois comme gouvernement et comme organisation militaire, a pour responsabilités de protéger la population civile et d’éloigner les combats de celle-ci, mais la question qui devrait être posée, et qui ne l’est jamais, est de savoir pourquoi les nations occidentales qui font la même chose ne sont pas confrontées à de telles critiques ?

Argument israelien : Le Hamas est une organisation terroriste qui refuse de reconnaître Israël ou d’entrer dans un processus politique.

Réponse :

Quel Israël le Hamas devrait-il reconnaître ? Les frontières du partage défini par l’ONU en 1947 ? Les frontières de 1967 ?[1] Comprenant l’annexion de Jérusalem-est ? Comprenant les blocs de colonies ? Tant qu’Israël refuse de définir ses frontières, il n’y a de disponible pour une reconnaissance qu’un concept abstrait. Le Hamas a ouvertement déclaré qu’il reconnaîtra de facto Israël dans les frontières de 1967. Israël n’a fait aucune offre de cette sorte à aucune faction palestinienne ni à aucun gouvernement ou représentant palestinien.

Argument israelien : Le Hamas est un problème mondial, s’inscrivant de même que l’Iran et le Hezbollah dans le fondamentalisme islamiste, et donc Israël prend seulement sa part dans la Guerre contre le terrorisme collectivement décidée par l’Occident.

Réponse :

Le Hamas a débuté comme une organisation caritative qu’Israël a permis de se développer en force politique en Palestine occupée afin d’affaiblir la position de l’OLP, organisation laïque. Il n’y avait pas, non plus, de Hezbollah avant l’invasion israélienne de 1982. Les théocrates en Iran étaient une force politique, certes organisée, mais de faible ampleur avant que les Etats-Unis ne renversent la démocratie iranienne[2]. La population locale résistera toujours quand des pays étrangers essaient de s’opposer à sa volonté, et la résistance ne sera pas toujours jolie. Dépeindre le Hamas comme faisant partie d’une conspiration mondiale alors qu’il s’agit du produit de l’Occupation elle-même est malhonnête, c’est une grossière distorsion de l’Histoire.


[1] C’est-à-dire les frontières résultant de la guerre israélo-arabe de 1948 (au cours de laquelle Israël a récupéré 22 % supplémentaires du territoire de la Palestine mandataire, soit 77 % de la Palestine au lieu des 55 % que lui avait attribués le partage de l’ONU en 1947), et antérieures à la guerre de 1967 où Israël conquit les 23 % restants, devenus dès lors les « Territoires occupés ».

[2] Opération « Ajax » de la CIA menant en 1953 au renversement du Premier ministre iranien Mossadegh


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