Où va l’Iran ? (3 articles)

jeudi 31 décembre 2009.
 

3) Manifeste de la révolution iranienne adopté par le Parti Communiste des Ouvriers d’Iran

La révolution qui a commencé en juin 2009 est l’explosion de la colère refoulée du peuple contre le régime islamique criminel d’Iran. C’est une révolution pour la libération d’un système corrompu, pour détruire une machine de meurtres, de pillages, d’ignorance et de mensonges qui a écrasé la vie du peuple pendant trente ans. Cette révolution ne s’arrêtera pas avant d’avoir démoli tout le système inhumain au pouvoir.

Mais cette révolution ne concerne pas seulement la libération du peuple d’Iran du cauchemar islamique. Elle n’est pas seulement une source d’espoir et d’inspiration pour les régions soumises à l’islam. Cette révolution parle depuis le cœur du peuple du monde. Fondamentalement, elle est une révolution contre la sombre période caractérisée par l’offensive de la Nouvelle Droite et du Nouvel Ordre Mondial, le 11 septembre et l’ascension de l’Islam politique, la guerre contre la terreur et l’embrasement du monde dans la guerre des terroristes. Une période qui, par la métamorphose de l’être humain par la religion, l’ethnie et la nationalité, par la définition des relations entre les membres du genre humains par le Choc des Civilisations, et par la négation des droits universels des êtres humains par la notion du relativisme culturel, a, dans les faits, imposé un Moyen-Age post-moderne à l’humanité. La révolution iranienne est en fait la voie du troisième camp contre cette régression de la bourgeoisie de notre époque. Elle est une voix qui crie « Liberté, Égalité, Identité humaine ». C’est pour cette raison qu’à travers le monde des chansons ont été écrites pour cette révolution et que Neda est devenue l’héroïne du peuple du monde.

La révolution iranienne est, d’abord et avant tout, contre le pouvoir religieux et islamique. Elle est profondément laïque et s’oppose au pouvoir de l’ignorance, de la superstition et du clergé. Par cela, elle poursuit, par une voix radicale, les tâches inachevées ou oubliées de la Révolution Française. Avec la victoire de cette révolution, non seulement la religion sera complètement séparée de l’Etat et du système éducatif, mais tous les privilèges, lois ou traditions qui donnent aux appareils religieux le droit d’interférer dans la vie sociale seront également abolis. La religion sera confinée à la sphère du choix volontaire et des croyances privées des adultes. La religion officielle sera abolie et ce sera la fin de l’emprise de la religion sur la société et les affaires sociales. Aussi, pour la première fois, la véritable liberté d’avoir ou de ne pas avoir de religion sera établie. La révolution iranienne a déjà, de façon pratique, délivré sa sévère censure à la complaisance vis-à-vis de l’Islam politique des gouvernements européens et occidentaux et leurs reculs honteux sur la laïcité. La révolution anti-religieuse en Iran est le début d’une nouvelle Renaissance dans l’histoire humaine.

L’actuelle révolution en Iran est une « révolution féminine », non seulement parce qu’elle est se place directement contre l’apartheid sexuel et un gouvernement misogyne, non seulement parce que les femmes et les filles sont aux premières lignes dans les ferventes manifestations et les combats de rue, mais aussi parce que la maxime « la liberté des femmes mesure la liberté de la société » est de plus en plus présente dans la conscience des masses populaires. L’égalité inconditionnelle des femmes est le décret inviolable de l’actuelle révolution. Cette révolution est une nouvelle étape dans les efforts de l’humanité moderne pour la libération du vil esclavage de genre. Depuis la Révolution russe d’Octobre 1917 jusqu’aux mouvements de libération des femmes en Occident, des manifestations de femmes en Iran contre le voile en mars 1979 aux trente années de résistance et de protestations des femmes contre le voile islamique, les discriminations et l’humiliation, elles sont la colonne vertébrale et l’inspiration de l’actuelle révolution en Iran. La victoire de l’actuelle révolution aura non seulement un impact phénoménal sur le statut et la lutte des femmes dans les pays frappés par l’Islam, mais fera aussi avancer le mouvement de libération des femmes dans le monde dans sa globalité.

La révolution en Iran est pour la liberté. La réalisation de la plus radicale et humaine définition de la liberté individuelle, civile, culturelle et politique est la tâche immédiate de la génération « Twitter » et « Facebook » qui surgit dans la révolte. Elle n’accepte aucune restriction dans la liberté d’expression, d’assemblée, de grève et d’organisation ou d’autres libertés politiques. Elle ne reconnaît aucune limite dans la liberté de critiquer les « sanctuaires ». Elle n’accepte aucune censure sur la culture, l’art, la littérature et l’activité créatrice humaine. Elle est contre toute ingérence de l’Etat ou de toute autorité officielle dans la vie privée, y compris dans les relations et préférences sexuelles, des membres de la société. Non seulement les prisonniers politiques doivent être libérés, mais la notion même de prisonniers politiques devrait être abolie. C’est une révolution contre la peine de mort et contre tous les châtiments brutaux et islamiques. Elle n’est pas seulement contre Kahrizak, mais aussi contre Guantanamo et la culture politique qui y correspond, de la thérapie de choc aux viols et à la torture qui ont été élevés aux rangs d’outils officiels par l’Etat. Ce n’est pas seulement une révolution pour la libération culturelle de l’Islam, de la dictature et de tout obscurantisme et du recours à « c’est leur propre culture », mais elle se lève pour une culture globale, humaine et moderne. Dans ce sens, la comparaison la plus proche de la révolution iranienne sont les mouvements pour les droits civiques des années 1960 et 1970 aux États-Unis et en Europe Occidentale, avec cette différence que cette révolution, avec Marx, va plus loin que la « société civile » et vise une « société humaine » ou une « humanité sociale ».

Cette révolution est la puissante réponse d’une société frappée par la pauvreté aux parasites au pouvoir. C’est une révolution pour abolir la pauvreté, le chômage et le terrible fossé entre la vie d’une minorité milliardaire et la grande masse des gens défavorisés vivant sous le seuil de pauvreté. C’est une révolution non seulement contre le non-paiement des salaires à des millions d’ouvriers, mais dans son essence contre la vente et l’achat de la puissance créative humaine et le pouvoir des lois aveugles et brutales du marché sur la vie des gens. C’est une révolution pour mettre fin à la toxicomanie, à la prostitution, à la situation des enfants ouvriers des rues, à l’absence de logement, à la dépression, au suicide et à toutes les conséquences de la pauvreté qui se déchaînent au sein de la société iranienne. C’est une révolution pour « le bien-être et la dignité », pour « le pain mais aussi les roses ».

Aussi, l’actuelle révolution en Iran concerne la libération de l’être humain dans toutes ses dimensions politiques, sociales, intellectuelles, culturelles et économiques. C’est une révolution contre les fausses identités de l’être humain, qu’elles soient religieuses, ethniques ou nationales, et finalement pour mettre un terme à la division en classes. C’est une révolution pour la dignité humaine, pour le bonheur, la liberté, le bien-être et l’égalité pour tous dans la jouissance des richesses matérielles et intellectuelles de la vie sociale. Elle est en effet une révolution pour la restauration de la volonté de l’être humain, tant dans ses capacités individuelles que sociales. En un mot, comme nous le disons depuis le premier jour, c’est « une révolution humaine pour le règne de l’humain ». Aussi, la révolution en Iran est liée aux grands efforts de l’histoire, de Spartacus aux jacobins de la Révolution Française, des Communards de Paris aux ouvriers de Petrograd, des conseils de la révolution de 1979 en Iran aux mouvements anti-capitalistes des débuts du troisième millénaire allant de Seattle à Rome. La révolution iranienne est fondamentalement contre l’esclavage salarié moderne, dont le temps est depuis longtemps révolu, et qui pour sa survie a eu besoin de recourir à la religion, à la superstition, à la torture, à la terreur et à la bombe nucléaire. Ce slogan des étudiants de Téhéran exprime les bases de la révolution iranienne : Socialisme ou barbarie !

Le triomphe de la révolution du peuple d’Iran sur la République Islamique ouvrira un nouveau chapitre dans le monde et sera une nouvelle pierre de départ pour mettre un terme à l’histoire des classes et commencer une véritable histoire humaine. Le 7ème Congrès du Parti Communiste-Ouvrier d’Iran appelle le peuple du monde au soutien le plus résolu et enthousiaste de la révolution et du peuple d’Iran. Le Congrès envoie ses salutations aux femmes, jeunes et travailleurs en Iran et les appelle à rejoindre les rangs du parti pour la victoire de cette révolution et la réalisation de ce manifeste.

Adopté à l’unanimité par le septième congrès du Parti Communiste-Ouvrier d’Iran, 5-6 décembre 2009

2) L’opposition ne faiblit pas, malgré la répression mais le gouvernement iranien est très fort

Article Le Monde

Pour Bernard Hourcade, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Iran, "la pression de la rue n’a pas trouvé une expression politique suffisamment solide pour renverser le gouvernement".

De violents affrontements ont opposé dimanche les forces de l’ordre et les manifestants hostiles au président Ahmadinejad. La contestation est-elle à un tournant ?

Je ne le pense pas. L’intensité des violences était à la hauteur de l’ampleur des manifestations. La célébration de l’Achoura est l’une des dates les plus importantes du calendrier chiite. Chaque année, des millions de personnes défilent à travers le pays pour commémorer le martyre de l’imam Hussein. Ces grandes processions religieuses rassemblent toutes les composantes de la société iranienne. Il était logique que les opposants en profitent pour s’exprimer. Mais je ne crois pas que cette radicalisation marque un réel tournant pour le régime iranien.

Vous étiez en Iran pendant la révolution de 1979. Observez-vous des similitudes entres les événements qui secouent le pays depuis six mois et les manifestations qui ont abouti au renversement du chah ?

En 1979, les grandes processions de Tassoua et de l’Achoura [journées de deuil religieux qui commémorent le décès de l’imam Hussein] étaient organisées par le mouvement de contestation. Malgré la loi martiale, le chah avait été obligé d’autoriser les manifestations. Elles rassemblaient à l’époque l’ensemble des opposants, qu’il s’agisse de la gauche ou des religieux. Le clergé soutenait massivement les contestataires. Le rapport de force n’est pas le même aujourd’hui. Une partie importante de la population défend toujours Ahmadinejad. Les processions de ces derniers jours étaient organisées par le gouvernement. Il s’agissait d’abord de manifestations populaires auxquelles se sont mêlés les opposants. On ne peut comparer les événements de 1979 avec le mouvement de contestation actuel.

Mais le mouvement semble prêt à poursuivre la mobilisation (Lire : Pouvoir et opposition se radicalisent en Iran).

C’est vrai que l’opposition ne faiblit pas, malgré la répression. Mais les contestataires ne sont pas unis politiquement. Entre ceux, peu nombreux, qui souhaitent renverser le régime et ceux qui veulent seulement le changer, il n’y a pas de consensus sur un leader, comme en 1979. Il ne faut pas oublier que Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi sont des personalités fondatrices du régime. L’un a été premier ministre pendant la guerre Iran-Irak, l’autre un compagnon de route de l’ayatollah Khomeini. S’ils ont endossé les habits de la révolte, c’est un peu malgré eux. Ils assument une responsabilité qu’ils jugent historique, mais restent des opposants par défaut. Pour les plus radicaux qui veulent en finir avec la République islamique, Moussavi et Karoubi ne sont pas capables de porter le mouvement.

Face à cette contestation, le pouvoir fait-il bloc ?

Non, on observe des dissensions de plus en plus fortes à l’intérieur même de l’appareil d’Etat. Les partisans de la répression, proches du président Mahmoud Ahmadinejad, prêchent pour le maintien de l’ordre avant tout, sans compromis avec les manifestants. C’est un peu la méthode chinoise : verrouiller l’intérieur, mais s’ouvrir à l’international en répondant à la main tendue d’Obama. Mais d’autres, comme Ali Larijani, le président du Parlement, Mohsen Rezai, ancien commandant en chef des gardiens de la révolution, ou Mohamed Baker Khalibaf, le maire de Téhéran, sont favorables à une évolution du régime. Même parmi les plus radicaux, certains condamnent la répression et la mort d’autres musulmans.

Ces dissensions gagnent-elles les rangs des forces de l’ordre ?

C’est très difficile d’avoir des éléments précis sur ces questions. Il semble que certains membres des bassidjis, de l’armée et de la police se désolidarisent du pouvoir. Mais il est un peu tôt pour parler de dissidence ouverte. Si c’était le cas, le régime serait vraiment en mauvaise posture. Il ne faut pas oublier que ce sont des soldats de l’armée de l’air qui ont été les premiers à se révolter contre le chah en février 1979.

Aujourd’hui, le gouvernement iranien est très fort. Même si les résultats officiels sont éminemment contestables, Ahmadinejad a été élu et il est très probable qu’il ira jusqu’au bout de son mandat de quatre ans. Le pouvoir est prêt à tout pour maintenir le régime. Et, pour l’instant, la pression de la rue n’a pas trouvé une expression politique suffisamment solide pour renverser un gouvernement aussi fort et aussi répressif. LeMonde.fr

1) Iran : la contestation franchit un cap

Source : L’Humanité

Malgré la répression du régime, les manifestations se poursuivent. La question se pose de la création d’un front pour coaliser toutes les forces. Surgie lors de la contestation du résultat de l’élection présidentielle, la protestation touche maintenant aux fondements mêmes du régime. Huit morts ? Quinze morts ? Quel que soit le chiffre réel, le régime iranien a montré, dimanche, qu’il se souciait peu de la vie de son peuple pourvu qu’il garde le pouvoir.

Pour la première fois, d’ailleurs, il a laissé la télévision d’État montrer des images des manifestations et il a officiellement reconnu qu’il y avait eu des morts. Pourtant, malgré le déploiement des forces antiémeute, de la police et des milices bassidjis, le guide suprême, Ali Khamenei, et le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, dont l’élection contestée a été le catalyseur de la protestation, ne sont pas parvenus à éteindre l’incendie qui semble maintenant se propager dans tout le pays, même à Tabriz, la grande ville azérie.

Hier, la tension demeurait palpable dans les rues de Téhéran. Plusieurs centaines de personnes ont été arrêtées, dont Ebrahim Yazdi, chef du Mouvement pour la liberté, organisation interdite, et ancien ministre des Affaires étrangères, ainsi que des jeunes communistes iraniens. Face à ce nouvel embrasement, le religieux réformateur Mehdi Karoubi a accusé les dirigeants iraniens d’être responsables de la mort de civils innocents. « Qu’est-il arrivé à ce régime religieux pour qu’il en vienne à ordonner que l’on tue des innocents en ce jour saint de l’Achoura ? » a-t-il demandé. Ce qui vient de se passer n’est pas simplement une manifestation de plus. Le mouvement de protestation a franchi une nouvelle étape. La jeunesse iranienne, souvent issue de la bourgeoisie, qui composait le gros des troupes depuis le 12 juin dernier, a été rejointe par la frange des déshérités, ceux de la banlieue sud de Téhéran. Le pouvoir, qui avait cru pouvoir utiliser les vieilles ficelles provocatrices comme la destruction de portraits de l’ayatollah Khomeyni, a dû faire marche arrière face aux dizaines de milliers d’Iraniens portant le deuil de l’ayatollah Montazeri, un temps dauphin du fondateur de la République islamiste, puis opposant à la clique actuellement au pouvoir et contraint à une résidence surveillée.

La protestation touche maintenant aux fondements mêmes du régime

Surgie lors de la contestation du résultat des élections, la protestation touche maintenant aux fondements mêmes du régime. Le pouvoir ne s’y trompe pas. Il y a quelques jours, le guide suprême reprochait à Mir Hossein Moussavi le soutien que lui accordait le parti Toudeh (communiste), pourtant marginal. Jusqu’au ministre de l’Information qui, par deux fois, a expliqué que les opposants adoptaient la grille de lecture du Toudeh ! Le pouvoir veut, à l’évidence, diviser ce mouvement qui pose maintenant la question de sa structuration et peut-être de l’avènement de nouveaux dirigeants, hors de la sphère institutionnelle dont est également issu Mir Hossein Moussavi. Sur le site roozonline.com, le journaliste Saeed Razavi Faghih, collaborateur à de nombreux journaux réformistes, emprisonné de longs mois, écrit ainsi : « La réalité est que mettre simplement l’accent sur le respect de la Constitution n’est pas suffisant pour l’existence du mouvement de protestation en Iran. » Il en appelle à la création d’un front capable de coaliser tous les mouvements et toutes les énergies, « qui permettrait de combler le vide organisationnel par la coopération et l’unité et renforcerait le rôle et la position des leaders ».

Pierre Barbancey


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message