Ci-dessous, prise de position de Marie Noelle Lienemann, députée européenne, lors de la présentation du dernier "Projet de loi sur l’eau" du gouvernement.
Le sénat vient d’engager l’examen du projet de loi sur l’eau, déposé par le gouvernement. On était en droit d’attendre un texte ambitieux, engageant une réforme d’envergure de notre gestion de l’eau. D’abord parce que la France se doit de mettre en œuvre la directive cadre sur l’eau, que j’ai eu l’occasion de négocier en 2000, au nom du parlement Européen et qui fixe un cap important, à savoir d’avoir restituer le bon état physico-chimique et écologique de tous nos fleuves, rivières, eaux de surface mais aussi souterraine et ce d’ici 2015. Déjà 5 ans de perdus !
Ensuite parce que la situation se dégrade. L’Institut Français de l’Environnement dans sa dernière publication sur l’état de l’environnement tire la sonnette d’alarme. Pour les eaux souterraines, les dernières campagnes de mesures montrent une nette augmentation de la pollution par nitrates. Les trois quarts des sites sont altérés par les pesticides. Pour les eaux courantes, 70 à 75% des échantillons prélevés ont une qualité passable ou mauvaise en micropolluants organiques et métaux. Les pesticides et des produits dangereux sont repérés dans presque tous les cours d’eau !
Pas d’engagement précis, pas d’échéances impérieuses.
Face à cette réalité et aux exigences de l’avenir, on devrait trouver dans cette loi les conditions garantissant que les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux, permettront d’atteindre les objectifs de la directive cadre. Rien de tel, juste de vagues intentions. Il y a un énorme écart dans notre pays entre les prescriptions législatives et la réalité. La loi instaure depuis longtemps la nécessité de créer des schémas opérationnels (SAGE). Fin 2001, seulement 7 SAGE étaient approuvés.
C’est dire que des lois qui se contentent de définir des méthodes, sans contraintes de résultats, sans dates butoirs, sans moyens opérationnels concrets sont vouées à l’échec !
Pas de financement suffisant, les agriculteurs exemptés
Il faudra de l’argent pour financer la généralisation des réseaux de mesures, restituer le bon état de l’eau, modifier les pratiques agricoles industrielles et nos habitudes ! Nul chiffrage n’est prévu. Les usagers domestiques (ils payent 85% des redevances des agences de bassins) et en moindre part les industriels sont et seront mis à contribution de façon croissante, tandis que les agriculteurs sont épargnés. Pourtant les dégradations constatées viennent prioritairement des pratiques extensives de l’agriculture. La taxe générale sur les activités polluantes ou la taxe sur les nitrates est abandonnée au profit d’une redevance dont le calcul sera établi par un décret (on imagine déjà les marchandages et l’efficacité au bout du compte !). Les associations de consommateurs dénoncent le principe « pollué payeur ». Elles ont raison. Cette loi sur l’eau conserve les profondes inégalités dans le prix de l’eau !
Des agences de bassins sous contrôle de l’Etat
Depuis toujours ces agences sont présidées par la droite. Le gouvernement ne veut pas, après notre succès aux régionales laisser à la gauche la possibilité de gérer les milliards d’Euros de ces instances (entre 1997 et 2001, 7,8 milliards d’Euros). Du coup, il en profite pour substituer au vote des élus et des, la nomination par l’Etat pour le choix des présidents. La cour des comptes a souvent épinglée la gestion de ces agences. La directive européenne insiste sur la nécessité d’associer les citoyens et les usagers. On aurait pu espérer plus de transparence. C’est tout l’inverse !
Il faut changer de cap, de méthode et de rythme.
Nous avons besoin d’une véritable loi de programmation à l’horizon de 2015, de ressources nouvelles en instaurant une taxe sur les nitrates et pesticides, l’instauration d’un prix unique de l’eau et d’une péréquation entre territoires permettant à chacun d’atteindre les niveaux de qualité exigés. Il convient aussi de généraliser de la reprise de la gestion de l’eau en régie directe pour garantir un véritable service public, de rationaliser la multitude de structures qui foisonnent en confiant davantage de compétences aux régions. Nationaliser les entreprises d’eau serait légitime car elles font des profits substantiels en gérant un bien public, alors que l’argent manque pour lutter contre la pollution.
Vigilance EAU
Ne laissons pas l’opinion publique, les élus dans l’ignorance des enjeux, des contraintes, dans l’indifférence. Relever le défi EAU pourrait non seulement montrer que la politique et l’action publique peuvent concrètement améliorer la vie de nos concitoyens et notre environnement mais aussi créer des emplois, développer de nouvelles technologies, donner tout son sens au service public ! Participer à ce mouvement et contactez le site Internet de Vigilance Eau
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