Le parti de gauche en meeting (par Christian Picquet, courant UNIR de la LCR)

mardi 2 décembre 2008.
 

Le tout nouveau Parti de gauche organise sa première apparition nationale, ce samedi 29 novembre, à l’Île-des-Vannes de Saint-Ouen. Ce meeting se tiendra, entre autres, en présence de personnalités socialistes qui viennent à peine de rejoindre le parti (tels Jacques Généreux, jusqu’ici proche d’Henri Emmanuelli, ou Franck Pupunat, du courant Utopia), ainsi que d’Oskar Lafontaine, co-président de Die Linke. Un petit événement donc, qui nous offre l’occasion de répondre aux questions de divers lecteurs de ce blog, concernant notre appréciation de ce nouveau venu sur la scène politique à gauche.

Nous l’avons dit, et les semaines écoulées nous en ont apporté plus d’une confirmation, la rupture de Jean-Luc Mélenchon, Marc Dolez et leurs camarades avec le Parti socialiste a représenté un acte de courage. Comment ne pas partir de là, sauf à vivre les débats et reclassements à gauche du PS sous le seul angle des concurrences boutiquières ? C’est, hélas, cette dernière attitude que tend à adopter la direction majoritaire de la LCR, à travers une série de déclarations intempestives qui impose, de facto, une bien piètre image du « nouveau parti anticapitaliste » (lequel, il faut le souligner, n’a jamais eu l’opportunité de débattre de la question et n’est donc pas responsable des déclarations qui lui ont été attribuées à ce sujet ). Qu’on le veuille ou non, la création du Parti de gauche entrouvre une porte : celle qui peut mener, demain, à l’émergence d’une nouvelle force anticapitaliste, large et pluraliste, à même de faire renaître l’espoir à gauche.

Premières convergences…

Avec le PG, il s’avère d’ores et déjà possible de relever des points de convergence de nature à permettre un débat fructueux dans le futur. Lorsqu’il affirme, par exemple, sa volonté de combattre résolument le capitalisme, qu’il dénonce la mutation irréversible de la social-démocratie en une force libérale-démocrate, qu’il défend le projet d’un grand parti rassemblant les diverses composantes de la gauche de transformation - à la manière de Die Linke en Allemagne ou encore de la coalition Syriza en Grèce, du Parti socialiste hollandais (qui n’a, en l’occurrence, rien à voir avec la social-démocratie) ou du Bloc de gauche au Portugal.

Ajoutons que l’entretien que Jean-Luc Mélenchon vient d’accorder à Politis conforte plutôt cette appréciation. Lorsqu’il en appelle, par exemple, à « tourner la page du capitalisme », lorsqu’il conclut à la nécessité « d’une révolution culturelle pour la gauche » si elle veut répondre à la gravité de « la crise écologique », lorsqu’il se veut résolument « à distance de l’atlantisme effréné du PS », ou bien lorsqu’il situe d’emblée sa réflexion au plan mondial en soulignant que se forment un peu partout des organisations cherchant à reconstruire une gauche fidèle à ses valeurs originelles et ne se dérobant pas à la transformation radicale de la société. Notons également, au passage, l’accord assez large qui se dégage sur les urgences sociales du moment, à travers la campagne qu’a engagée le PG en faveur d’un « bouclier social » face à la tourmente financière.

Cela nous réjouit d’autant plus que, face à la crise historique du capitalisme et aux désastres qu’elle dessine, face à la désintégration dont la dérive du PS menace la gauche tout entière, l’urgence est effectivement à la reconstruction. D’une gauche de gauche, qui ne se dérobe pas à la confrontation avec le sarkozysme et situe son combat aux côtés du mouvement social. Qui ait l’ambition de changer les rapports de force au sein de la gauche, d’y battre le social-libéralisme. Qui agisse pour chasser la droite du pouvoir, mais refuse de rééditer les alternances calamiteuses du passé et récuse les impasses du soutien ou de la participation à des expériences de gestion du libéralisme. Qui s’attache à réunir les conditions d’une majorité et d’un gouvernement s’engageant dans une politique au service des travailleurs et du plus grand nombre.

Sans doute, demeure-t-il bien des points de discussion avec le Parti de gauche. Nous ne prendrons ici que deux exemples, mais ils ne sont pas d’importance secondaire. La formule utilisée par Jean-Luc Mélenchon, dans Politis, pour définir ce parti - une « force gouvernementale et unitaire » -, si elle tend justement à poser la question incontournable du débouché politique indispensable aux attentes sociales, ne dit encore rien sur les moyens d’éviter de retomber dans la subordination au PS qui a conduit à l’échec de toutes les formules d’Union de la gauche ou de Gauche plurielle depuis 1997. De même, s’il est tout à fait juste d’insister sur le caractère incontournable du suffrage universel (et, plus généralement, de la démocratie pour ouvrir la voie à une rupture avec le capitalisme), l’appel « à la révolution par les élections » apparaît un peu court, dès lors qu’il ne dit rien de la dimension primordiale que revêt la mobilisation populaire pour enclencher un authentique processus de changement. Nous n’en sommes toutefois qu’au début du débat que permet la modification en cours du panorama à gauche…

Les européennes, l’occasion à ne pas manquer

C’est dans ce contexte assez profondément bouleversé, que les prochaines élections européennes apparaissent un rendez-vous essentiel. Pour prolonger le front politique et social qu’il importe de bâtir, au quotidien, face à la droite et au patronat. Pour sanctionner la politique de Sarkozy, défendre des propositions politiques en phase avec la colère sociale, affirmer un début d’alternative à gauche. Pour prolonger le vote populaire du 29 mai 2005 et devenir le référendum dont la droite et la majorité du PS ont privé les citoyens à propos du traité de Lisbonne.

À ce scrutin, des listes doivent rassembler l’ensemble des forces politiques, des énergies militantes, défendant la nécessité d’une autre Europe, sociale, démocratique, écologique, pacifique, ouverte au reste du monde. C’est la condition pour qu’une politique de rupture conséquente avec le capitalisme libéral obtienne un maximum d’élus : sortie du traité de Lisbonne ; mise en place d’un bouclier social européen destiné à protéger les salariés de la volonté du capital de sortir de sa crisse sur leur dos ; remise en cause de l’indépendance de la Banque centrale européenne, afin de replacer le système bancaire comme le crédit sous contrôle public et de réorienter les choix économiques et sociaux ; harmonisation par le haut des droits des salariés ; harmonisation fiscale de nature à opérer une redistribution radicale des richesses ; processus constituant restituant aux peuples européens leur totale souveraineté dans la construction d’une Europe correspondant à leurs aspirations et besoins ; mise en œuvre d’une politique de paix, ce qui suppose une totale émancipation de l’Otan ; établissement de nouveaux rapports de co-développement avec les peuples du Sud, victimes de la stratégie de « guerre sans limites » jusqu’alors déployée par l’administration américaine, de la domination impériale des grandes puissances et des prédations multiples du capitalisme financier…

Après que le Parti communiste en ait ouvert la possibilité dans une résolution de son conseil national (nous l’avions immédiatement saluée), le Parti de gauche propose aujourd’hui un front de gauche, sans exclusives, respectueux des projets et identités de chacun, ouvert à toutes les forces politiques qui souhaiteront en faire partie, jusqu’à Lutte ouvrière et au Parti ouvrier indépendant, dit-il. La définition d’un tel front, par Jean-Luc Mélenchon, rencontre, là encore, notre approbation : « Former un front et voir ensuite ce qui est possible, au lieu de proclamer la nécessité d’une convergence politique, idéologique et organisationnelle totale avant de se mettre au travail. » Les Alternatifs, les Collectifs antilibéraux se sont prononcés dans le même sens. De la réunion du bureau d’animation de l’appel de Politis, le 23 novembre, a surgi l’idée d’un appel à créer une dynamique politique en faveur d’un rassemblement de toute la gauche de transformation au scrutin de juin prochain. Le NPA doit discuter du problème lors de la réunion de son comité national d’animation, le 6 décembre.

L’occasion est trop importante de faire l’événement, de changer la physionomie de la gauche, de « renverser la table » et de damer le pion aux libéraux de toute obédience, à l’heure où le dogme de la « concurrence libre et non faussée » révèle sa totale faillite. Nul ne doit s’y dérober. À commencer par le NPA, dont le surgissement aura eu le grand mérite de poser en termes nouveaux la question d’une nouvelle force politique à gauche et qui ne peut, sous aucun prétexte, associer sa fondation à un signal de fermeture…


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