Les patrons français sont les mieux payés d’Europe, mais ils ne veulent pas que ça se sache !

vendredi 7 novembre 2008.
 

En juillet 2007, pour défendre le paquet fiscal et les pauvres patrons français si chichement rémunérés, Christine Lagarde suppliait le pays de « freiner ces wagons de banquiers français que l’Eurostar nous emporte tous les dimanches soir… »

Jeudi 30 octobre 2008, à l’Assemblée Nationale, la majorité UMP a repris cette vieille rengaine et rejeté, sur ordre du gouvernement, les très symboliques augmentations de cotisations sociales sur les stock-options qu’avait adoptées la commission des Affaires sociales. Un bien joli discours … complètement dépassé !

« Il y a une dizaine d’années, les patrons français étaient en moyenne moins rémunérés que leurs collègues anglo-saxons, reconnaît Marisol Touraine, député socialiste ayant pris part au débat sur les cotisations patronales. Mais aujourd’hui, le capitalisme français s’est complètement aligné et il vaut mieux être chef de grande entreprise en France qu’en Allemagne ou en Angleterre ! »

Mardi 12 février dernier, alors que la « crise du pouvoir d’achat » prenait son envol en une des médias, le quotidien La Tribune publiait un article portant sur l’étude du cabinet de conseil en ressources humaines HayGroup selon laquelle, en 2007, 77 % des PDG des plus grosses entreprises françaises avaient vu leur rémunération augmenter de 40 %. Le vecteur de cette explosion des revenus patronaux ? Les stock-options, celles-là mêmes que la droite n’a pas voulu taxer le 30 octobre de peur d’effrayer les pauvres chefs d’entreprise sous payés ! « La majorité entretient un discours qui tendrait à faire croire aux Français que leurs élites patronales ont un comportement irréprochable et sont moins payées que leurs collègues », analyse Marisol Touraine.

Si l’on en croit un article du Financial Times daté du 27 janvier 2008, intitulé « French bosses are best paid in Europe » (« Les patrons français sont les mieux payés d’Europe »), Eric Woerth a de la marge avant d’entamer l’attractivité de la France sur le plan des rémunérations : d’après l’étude de HayGroup, citée par le Financial Times, les patrons français auraient bénéficié en 2007 d’une rémunération moyenne de 5,9 millions d’euros, soit 50.000 euros de plus que leurs collègues d’outre-Manche ! Là encore, pas de secret, ce sont les stock-options qui font la différence : les patrons français reçoivent en moyenne l’équivalent de 2,7 fois leur salaire brut sous cette forme (contre 1,2 pour leurs collègues européens).

Pas évident en temps de crise de défendre ce statu quo. D’ailleurs, le ministre du Budget a dû concéder devant l’Assemblée que le gouvernement pouvait « envisager de réformer le système actuel. »

Sociologue auteur de « Portrait de l’homme d’affaire en prédateur », Michel Villette situe l’origine de ce fameux « système » dans les années 1980 : « Pour éviter que les patrons managers n’investissent trop d’argent dans l’entreprise pour la faire grossir au lieu de rémunérer les actionnaires, les actionnaires en question ont inventé le principe de récompense au mérite : bonus, stock-options, etc. Le problème, c’est que ce principe ne fonctionne pas du tout : en 2001, le Cac 40 plongeait de 23 % et les salaires de ses PDG montaient de 18 % ! »

Les méthodes de gestion ont changé, mais les vieilles habitudes de rémunérations sont restées. Quand on a été les rois du monde, on est toujours nostalgique de l’ancien régime !

Sylvain Lapoix.


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