Nous avons décidé pendant ce congrès de poser la question du libre-échange (Henri Emmanuelli pour le congrès du PS)

vendredi 24 octobre 2008.
 

Je me suis laissé aller à parler parfois de « sociale démocratie boursière ».

Je ne pense pas que l’on puisse réduire toute l’histoire du PS à ce qui a été son aile la plus marchande du côté du social libéralisme. Il y a eu aussi des résistants. Quant à la régulation j’ai été témoin de tout ça. Je me souviens être monté à la tribune en 1993 pour m’opposer à l’autonomisation de la Banque de France. Ce n’était pas la gauche mais le gouvernement Balladur, qui ne s’est pas privé à l’époque de déréguler sévèrement pendant 2-3 ans. Je dirais qu’il a franchi les pas que la gauche n’avait pas osé franchir si on se souvient bien.

Cela ne change rien à la situation actuelle, mais il faut le rappeler car l’histoire n’a pas été linéaire. Et puis il y a eu cet extraordinaire chantage à la modernisation. Je fais partie de ceux qui se font insulter depuis 15 ans au motif que je ne serais pas moderne parce que je ne serais pas acquis à la dérégulation.

Et puis-je vous dire que je me suis senti parfois seul. Très seul, sans beaucoup d’aide, lors d’un vote à l’Assemblée Nationale à 131 contre 7 sur les stocks options par exemple. Je connais les 7 qui ont voté contre, mais je n’ai jamais réussi à en trouver un seul des 131 qui avaient voté pour. Tout cela fait partie de l’histoire au sens le plus commun du terme.

Sur la crise d’aujourd’hui, je voulais voter contre hier soir, mais je ne l’ai pas fait parce que le premier secrétaire du parti socialiste me l’a demandé en me disant qu’il ne fallait pas donner prétexte à d’autres de voter oui, et que l’abstention permettait de garder au moins un minimum d’homogénéité.

Pourquoi est-ce que je voulais voter contre ?

Parce que je considère que l’on confond en ce moment crise de liquidité et crise de solvabilité, cela a été dit savamment avant moi. Ce qui se passe aujourd’hui entre les banques n’est pas simplement une crise de liquidités ou d’ « illiquidités », il y a aussi une problématique de solvabilité. Il y a les subprimes, mais il y a aussi 60 à 65 milliards de CDS qui se promènent, on ne sait pas où ils sont. Il y a derrière probablement la vague des LBO. Il y a beaucoup de LBO qui ne vont pas trouver dans les mois qui viennent la rentabilité suffisante pour honorer le système d’endettement auquel ils avaient souscrit pour s’approprier des entreprises. Il y a aussi je crois en plus au 31 décembre une échéance interbancaire qui va être sévère. C’est la raison profonde pour laquelle les banques ne se prêtent pas. Elles ont peur que leur débiteur devienne insolvable, qu’on découvre chez lui des défaillances importantes.

Par rapport à ce problème d’insolvabilité, le plan d’hier n’apporte rien et ne résoudra rien.

J’ai eu le sentiment que l’on est en train de créer curieusement une deuxième banque centrale, dans laquelle l’Etat sera minoritaire puisqu’il n’aura qu’une minorité de blocage. C’est pour cela que je faisais allusion à Monsieur Camdessus qui vient d’être nommé patron de cette structure où l’Etat Français n’aura que 34 %, qui ne peut exister que par la garantie de l’Etat qui devrait donc avoir 100% car c’est sa signature qui donne le minimum de crédibilité à cette structure pour faire du crédit interbancaire. Et bien non le privé aura 66 %, c’est-à-dire nos amis banquiers, ceux qui ont fait évoluer le système vers la situation dans laquelle ils se trouvent aujourd’hui.

Deuxièmement s’agissant d’un fond de garantie, il aurait été décent, si on avait voulu au moins maintenir la crédibilité de la chose, de le provisionner ce qui n’a même pas été envisagé. On part du principe qu’il n’y aura pas de risques, que toutes les opérations se dénouerons, que pour les finances publique l’hypothèse de l’accroissement de la dette publique ultérieure n’existe pas, donc pas de produits.

Sur l’affaire des prises de participations dans les banques, de recapitalisation, nous avons été étonné d’entendre le discours qui nous a été fait à savoir qu’on prendrait des participations temporaires mais qu’ensuite on remettrait ça sur le marché. Quand on regarde ce qui s’est passé avec les privatisations du système bancaire, on s’aperçoit quand même que le grand gagnant n’a pas été l’Etat. Même si, et cela n’a jamais été fait, le bilan nationalisations - privatisations n’est pas une très belle affaire pour la république française c’est presque le contraire de l’affaire des assignats. On a stigmatisé les nationalisations du crédit, je ne sais pas si un chercheur veut s’y mettre mais le prix que ça a coûté, le prix que ça a rapporté à la revente sachant qu’à la revente les prix étaient durement cassés.

Voilà ce plan n’apporte rien et j’avais pronostiqué une chute de la bourse jeudi et je me suis trompé d’un jour c’est parti dès le lendemain. Parce que si on réfléchit bien on a rien soigné en réalité, on fait de la gesticulation. J’ai bien entendu la remarque qui a été faite « la droite s’en tire pas trop mal ». C’est vrai que politiquement elle s’en tire pas trop mal. D’abord parce qu’elle gouverne ensuite qu’elle bénéficie quand même d’une extraordinaire conjonction au niveau des systèmes d’informations et d’explications. J’ai lu quelques éditoriaux, c’était formidable la crise était finie, les marchés étaient rassurés. Je ne sais pas ce que vont écrire les même d’ailleurs demain ça va être un peu plus compliqué. Il y a un bloc entre les dirigeants politiques, les responsables du système, beaucoup de commentateurs qui appartiennent à des groupes capitalistiques eux aussi et qui ne souhaitent pas affronter la doxa dominante. Il y a aujourd’hui de la part de tout ce monde la volonté de dire « nous allons prendre la situation à bras le corps », « nous allons réagir », peut importe d’ailleurs de savoir qui a créé cette situation. Moi je n’y crois pas.

Je le dis tranquillement, et je ne vais pas revenir sur tout ce qui a été dis par nos 3 intervenants, vous l’avez suffisamment explicité, même parfois vous faites peur. Il y a des moments où on se disait si on n’avait pas peur de la mort on se sentirait proche du suicide…Moment difficiles en vous écoutant… Surtout les 3 cumulés… Je pense que c’est grave et que malheureusement on va vivre une situation très compliquée dans les semaines ou les mois qui suivent car l’impact sur l’économie réelle va être énorme.

On fait semblant de ne pas voir, on s’imagine que cela va être juste collatéral ou à la marge, ce n’est pas vrai, il va y avoir des dégâts sur l’économie réelle extrêmement importants et durables. On ne va pas sortir comme on sort d’habitude en 6 mois ou 1 an, je peux me tromper. Je le souhaite en tout cas parce que malheureusement je sais que dans cette situation se sont toujours les mêmes qui finissent par payer l’addition en général ce sont les moins biens lotis qui payent le plus cher ce ne sont pas ceux qui sont les mieux lotis qui payent le poids maximum.

Je terminerai par là, je n’ai pas de solutions miracles. Je crois quand même que ce qu’on a appelé pendant des années, même si ce n’était pas très chic et élégant, l’économie mixte, cela reste encore ce qu’on a trouvé de mieux.

C’est-à-dire une économie de marché qui doit être sérieusement régulée, pas juste régulée à la marge comme cela a été parfois le cas ou à fortiori dérégulée comme c’est devenu la mode. Je crois que les autres tentatives n’ont pas produits de résultats probants. On ne va pas refaire le gosplan, je ne pense pas qu’il n’y a pas beaucoup de candidats encore que l’image de la termitière à la fin je me disais « tiens ça c’est un gosplan qui a réussi ».

On ne veut pas non plus de ce capitalisme sauvage et financier dont on a beaucoup parlé. Reste l’idée d’une économie de marché régulée.

Une autre idée j’ai entendu parler de protection. Là il y a à la fois au PS mais aussi chez toutes les élites Françaises un tabou sur le fait de toucher au libre échange sans protection.

C’est un véritable tabou au sens étymologique du terme, le tabou étant un interdit religieux en Polynésie. Je peux vous dire que quelqu’un comme Paul Rasmussen rien que d’entendre dire « protection », vous saute dessus avant même que vous ayez pu terminer la phrase.

Il y a un mythe du libre-échange avec tous mythes entretenus qui vont autour à savoir que si on est pas partisan du libre échange sans protection on est forcement nationaliste, on devient un peu xénophobe. On l’a vécu pendant l’affaire du référendum et on le revit chaque fois que l’on ose parler simplement d’un équilibrage des échanges, pas de protectionnisme, mais qu’on fait allusion à toutes les problématiques salariales avec son cortège sur le terrain qu’on appelle grossièrement les délocalisations.

Nous avons décidé pendant ce congrès de poser cette question du libre-échange. Nous sommes les seuls à vouloir la poser. Je sais qu’elle n’est pas facile à poser parce que j’ai vécu pendant une quinzaine d’année une autre forme de chantage à l’époque qui faisait que lorsque vous n’étiez pas partisans du franc fort, vous étiez forcément pour la dévaluation permanente –il n’y a pas de juste milieu quoi.

Et là c’est la même technique avec le libre-échange, si vous n’êtes pas partisans du libre-échange, vous êtes nationalistes, vous êtes xénophobes, vous êtes dangereux et forcement anti-européen. Le seul fait de dire on souhaiterait quand même pour sauvegarder un minimum de l’industrie européenne (qui conditionne sa recherche, etc) avoir des échanges équilibrés, réanimer pour le meilleur et pas pour le pire le Tarif Extérieur Commun, nous vaut une avalanche de mépris et de contestation.

Si vous pouvez nous aidez à desserrer l’étau de ce mépris sachez que nous vous en serons très reconnaissant.


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