La crise financière s’est transmise à l’économie réelle, franchissant ainsi une étape décisive (par Isaac Joshua, LCR)

lundi 22 septembre 2008.
 

Au quatrième trimestre 2007, le PIB des États-Unis a reculé de 0,2 % (en rythme annuel). Au deuxième trimestre 2008, comparativement au trimestre précédent, le PIB du Japon s’est contracté de 0,6 %, celui de l’Allemagne de 0,5 %, celui de la France de 0,3 % et celui de l’ensemble de la zone euro de 0,2 %. La brutalité du retournement, sa simultanéité, son caractère universel ne peuvent laisser de doute : il n’y a pas ici une accumulation d’accidents, une seule et même crise est à l’œuvre. Progressant sur le plan mondial, cette crise a atteint le stade suivant : le monde développé est en récession. Le sort des États-Unis demeure cependant en balance car, bien que l’activité y ait reculé au quatrième trimestre 2007, un vigoureux plan de relance lui a permis de rebondir fortement. Mais jusqu’à quand ?

Entre l’arrogance de Fillon et le sempiternel « Tout va très bien, Madame la marquise » de la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, l’évolution de la conjoncture française a contraint le gouvernement à de piteuses contorsions. Voici près d’un an, le budget 2008 avait été construit sur une hypothèse d’un taux de croissance annuel de 2,25 %. Depuis, il a fallu en rabattre, situant d’abord la croissance attendue dans une fourchette de 1,7 % à 2 %, puis « vers le bas de cette fourchette » (Lagarde), puis « un peu plus de 1 % » (Fillon), alors que l’OCDE prévoit, au mieux, un 1 % tout sec.

Il nous faut, à toute force, faire en sorte que les travailleurs ne payent pas les pots cassés d’une crise qui n’est pas la leur. La crise française du deuxième trimestre 2008 se situe clairement dans le sillage de la crise mondiale. On enregistre une chute des exportations (de 2 %), liée à l’atonie de la demande à l’étranger et à l’appréciation de l’euro. Comme dans bien d’autres pays, la crise bancaire est présente, soit parce que les banques françaises sont engluées dans la mélasse de la crise des subprimes, soit parce que, prenant peur, elles ont fortement durci les conditions de crédit. La crise est mondiale, non seulement au sens où, partie des États-Unis, elle a fini par nous atteindre, mais aussi au sens où la même crise est également présente à l’intérieur de nos frontières, bien qu’à un moindre degré. En effet, après les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Espagne, l’Irlande, la France assiste à son tour à l’éclatement de sa propre bulle immobilière et au brutal retournement du marché qui l’accompagne : l’investissement des ménages s’effondre de 2,9 %, après une chute de 0,1 % au premier trimestre.

L’accumulation de ces éléments négatifs n’aurait pourtant pas suffi à emporter la mise, si la consommation avait crû à un rythme correspondant aux besoins. Or, contrainte par l’évolution des salaires, elle demeure pratiquement égale (+0,1 %). Cet affaissement, cette incapacité de la consommation à soutenir l’activité, ne datent pas d’aujourd’hui et ont été préparés depuis longtemps par l’étranglement du pouvoir d’achat. La très nette décélération de cette consommation au cours des derniers trimestres en dit long : le taux du troisième trimestre 2007 était encore honorable (+ 0,8 %) ; puis, nous sommes passés à un minable + 0,5 % au quatrième trimestre 2007, pour finir par un – 0,1 % au premier trimestre 2008.

Nous récoltons les fruits d’une politique néfaste appliquée pendant de trop longues années. Depuis 1982, la part des salaires dans la valeur ajoutée des sociétés non financières a perdu neuf points ! Un bouleversement dans la répartition des richesses s’impose. Impératif social, c’est aussi à l’évidence un impératif économique. Est-il nécessaire de préciser que ce bouleversement ne pourra être obtenu sans remettre en cause l’ensemble de l’édifice néolibéral ? C’est dire l’ampleur de la confrontation qui nous attend, c’est dire la portée des batailles auxquelles il faut, dès aujourd’hui, nous préparer.

JOHSUA Isaac

* Paru dans Rouge n° 2265, 11/09/2008.


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