« Les salariés sont les grands perdants du sarkozysme » (BERNARD THIBAULT)

lundi 15 septembre 2008.
 

Renault a annoncé la suppression de 4.000 postes. Craignez-vous une multiplication de ce type d’annonces ?

Avec les emplois induits, ce sont en réalité deux ou trois fois plus d’emplois qui vont disparaître. C’est très grave, d’autant que la situation de Renault ne justifie pas ces suppressions : l’entreprise cherche une plus grande rentabilité alors qu’elle dégage déjà des marges très importantes sur les véhicules produits. Ne nous leurrons pas, ce n’est pas un cas isolé. Beaucoup d’entreprises sont en train d’adapter leur stratégie à la récession en licenciant. On va aussi vers des polémiques sur la réalité des chiffres du chômage, les personnes refusant deux offres d’emploi étant maintenant exclues des statistiques. Et avec le RSA, beaucoup ne seront plus chômeurs mais ils ne seront pas pour autant en situation d’emploi satisfaisante.

Après avoir, elle aussi, délocalisé malgré une bonne santé financière, l’entreprise Arena vient d’être condamnée pour licenciements abusifs. La CGT envisage-t-elle de développer de tels combats juridiques ?

Les situations de ce type se multiplient et une jurisprudence commence à s’installer. Ce devrait être un signal d’alerte pour les entreprises qui ont tendance à délocaliser pour accroître leurs marges plutôt que pour des raisons économiques objectives. La CGT n’est pas partisane du tout-juridique, mais les employeurs et le gouvernement refusent de plus en plus la négociation, ils ne doivent alors pas s’étonner de la multiplication des contentieux juridiques. La CGT n’hésitera pas.

Nous venons ainsi de décider de porter plainte contre la France auprès du Conseil de l’Europe pour contester la validité de la récente loi sur le temps de travail. Selon nous, elle enfreint la Charte européenne des droits sociaux parce qu’elle va aboutir à des durées de travail excessives, des préjudices sur la santé et des discriminations en matière de rémunérations.

Vous organisez, avec cinq autres confédérations, une mobilisation nationale le 7 octobre. Appelez-vous les salariés à la grève ?

Les modalités vont être précisées ces jours-ci mais, oui, il faut s’attendre à des grèves car il y a de très fortes attentes sur le pouvoir d’achat. Chaque entreprise définira les actions adaptées à son cas. L’essentiel est de trouver des formes d’action dans lesquelles les salariés sont prêts à s’impliquer.

Renault, La Poste, la SNCF : la CGT va-t-elle s’appuyer en priorité sur les conflits de terrain cette année ?

Il ne faut pas sous-estimer les actions nationales. On parle à tort d’« échec » sur les 35 heures, mais 500.0000 personnes qui descendent dans la rue, ce n’est pas rien ! En négligeant ce climat-là, le gouvernement prend le risque d’être surpris. Aujourd’hui, nous voulons faire prendre conscience aux salariés que leur situation peut changer s’ils agissent collectivement. Ils doivent se mobiliser sur le terrain : à Toulouse, les salariés des transports urbains l’ont fait et ont obtenu des augmentations. C’est possible. Et s’ils ne se mobilisent pas, il n’y a aucune raison que leur situation s’améliore.

Les partenaires sociaux doivent lancer les négociations sur la formation professionnelle et l’assurance-chômage. Qu’en attendez-vous ?

Je constate avant tout que le gouvernement a surtout tendance à plomber les négociations. Avant même leur début, il dit à quoi celles-ci doivent parvenir ! L’épisode récent des 35 heures et la façon honteuse dont le gouvernement s’est comporté ne sont pas près d’être oubliés. C’est de l’autoritarisme politique et il faut le combattre.

C’est clairement un choix politique : le rapport de force dans l’entreprise est déjà très défavorable aux salariés et le gouvernement impose des mesures qui accroissent le pouvoir unilatéral de l’employeur. Il contribue à accentuer le malaise et la colère des salariés. Je remarque que ces derniers sont les seuls que l’on traite ainsi. Les agriculteurs ou les professions libérales, par exemple, ont droit à plus de considération et d’écoute. Les salariés sont les grands perdants du sarkozysme.

PROPOS RECUEILLIS PAR DEREK PERROTTE


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message