Textes favorables à la signature par la France de la Charte européenne des langues régionales

lundi 28 mai 2012.
 

A) Position du Parti Socialiste

A1) 29 octobre 1997 Rapport Poignant sur les langues et cultures régionales à la demande de Lionel Jospin, premier ministre

Pour accéder à ce texte, cliquer sur le titre A1 ci-dessus.

A2) Texte de Bernard Poignant, maire de Brest, responsable de cette question au Parti Socialiste (2008)

Les langues régionales vont avoir enfin leur place dans la Constitution française. Le débat a, à nouveau, soulevé les passions dans les deux assemblées, sans qu’elles soient relayées dans les populations, plus spectatrices qu’actrices.

Une conclusion peut être tirée : l’unité de la République n’est pas menacée par les 75 langues régionales officiellement recensées en métropole et en Outre Mer ; la langue française n’est pas contestée comme seule langue officielle et commune ; la nation est suffisamment solide pour choisir la diversité plutôt que l’uniformité.

Longtemps des associations ont demandé d’introduire les langues régionales dans l’article 2 de la Constitution aux cotés de la langue française. Cette voie avait peu de chances d’aboutir.

La proposition initiale adoptée par l’Assemblée Nationale les a inscrites dans l’article premier qui traite de la souveraineté nationale. Elle a été rejetée par le Sénat.

Elle revient donc dans le titre 12 qui concerne les collectivités territoriales, sans doute parce que les régions sont incluses dans cette partie de la Constitution. Le législateur a considéré que cette question relevait davantage de leur champ d’activité.

En outre, l’écriture n’est pas neutre : il n’est pas question de reconnaissance des langues mais seulement d’appartenance au patrimoine de la France. Permettrait-elle la ratification des 39 articles (sur 98) de la Charte des langues régionales du Conseil de l’Europe (et non de l’Union Européenne) que la France a signé en 1999. Bien malin qui peut le dire. De toute façon le Président de la République a bien précisé qu’il refusait la ratification de tout ou partie de cette charte. La question ne se posera donc qu’après 2012…en cas d’alternance.

Si le Congrès, réuni à Versailles le 21 juillet, vote la révision, il faudra faire vivre cette « appartenance ». Deux domaines sont très concernés : la place donnée à ces 75 langues dans l’enseignement et dans le service public de l’audiovisuel. Dans la vie privée, dans le secteur marchand, l’usage de ces langues est totalement libre et dépend de l’accueil fait par les populations elles-mêmes.

Il n’empêche : de la première loi Deixonne de 1951 qui a permis l’enseignement de quelques langues régionales à la révision constitutionnelle de 2008, il aura fallu attendre plus d’un demi-siècle pour que le Parlement s’empare dans la loi suprême de cette question. Chacun admet que le monde sera de plus en plus plurilingue. Connaître deux, trois, quatre langues constitue des atouts indéniables. Parler et écrire la langue officielle de son pays, une langue régionale, une ou deux langues étrangères, c’est sans doute l’avenir des citoyens du XXIème siècle. le 07/05/08

B) Position des Verts

La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires Publié le 18 février 2010

1. Etat des lieux La Charte des langues régionales ou minoritaires, adoptée le 5 novembre 1992 par le Conseil de l’Europe, est le premier instrument juridique européen consacré à la protection et à la promotion des « langues régionales et minoritaires ». Cette expression désigne les langues traditionnellement utilisées par une partie de la population d’un Etat qui ne sont ni des dialectes de la langue officielle de cet Etat, ni des langues des migrants, ni des langues créées artificiellement.

Distinct de l’Union Européenne des 25, le Conseil de l’Europe regroupe 46 pays dont 21 de l’Europe centrale et orientale. Il a pour objectif la défense de la démocratie, des droits de l’homme et de la diversité culturelle. Selon le Conseil de l’Europe, les langues régionales font partie du patrimoine culturel de l’humanité et constituent une formidable richesse qu’il convient de valoriser. Ne disposant d’aucune protection juridique ou reconnaissance officielle, bon nombre de ces langues sont menacées d’extinction.

Afin d’éviter un appauvrissement du patrimoine culturel européen, la Charte demande donc aux pays signataires :

d’assurer la promotion de ces langues, de respecter leur aire géographique et d’encourager leur usage dans la vie privée ou publique ; d’appliquer des mesures facilitant leur emploi dans des domaines précis : enseignement, médias, activités culturelles, monde judiciaire et administratif, vie économique et sociale.

Pour pouvoir signer la Charte, un État doit s’engager à appliquer au moins 35 paragraphes ou alinéas parmi ces 98 mesures. L’application de la Charte est ensuite contrôlée par un comité d’experts chargé d’examiner des rapports périodiques présentés par les Etats.

2. Les étapes importantes 1957 : Le Conseil de l’Europe juge insuffisant l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme qui consacre le principe de « non-discrimination fondée sur la langue ».

1981 : Le Conseil de l’Europe et le Parlement européen déclarent la nécessité d’élaborer une Charte des langues et cultures régionales ou minoritaires.

5 novembre 1992 : Adoption de la Charte par le Conseil de l’Europe : abstention de la France lors du vote. Ouverture de la Charte à la signature des membres du Conseil de l’Europe.

1er mars 1998 : Entrée en vigueur de la Charte.

1er juillet 1998 : Bernard Poignant, maire de Quimper, rend un rapport au Premier Ministre sur les langues et cultures régionales en France. Il préconise la signature et la ratification de la Charte par la France.

7 mai 1999 : La France signe la Charte à Budapest.

15 juin 1999 : Saisi par le Président de la République Jacques Chirac, le Conseil Constitutionnel français estime que la Charte contient des clauses contraires à la Constitution française.

novembre 2001 : Le Comité des droits Economiques, Sociaux et Culturels des Nations Unies demande à la France de ratifier la Charte et de reconnaître aux groupes minoritaires « le droit d’exister et d’être protégés en tant que tels dans l’Etat ».

24-26 janvier 2005 : Rejet des amendements déposés à l’Assemblée Nationale demandant la ratification de la Charte par la France.

15-16 février 2005 : Rejet des amendements déposés par les sénateurs Verts demandant la révision de l’article 2 et la ratification de la Charte.

30 juin 2006 : La France devra rendre son rapport périodique au Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies.

3. Les termes du débat Lorsque l’article 2 de la Constitution a été modifié en 1992 pour y ajouter que « la langue de la République est le français », le Garde des Sceaux avait certifié aux parlementaires que cette précision était uniquement destinée à lutter contre les risques d’hégémonie de l’anglais et qu’elle ne nuirait en rien aux langues régionales. Dans son avis du 24 septembre 1996, le Conseil d’Etat a pourtant conclu à l’impossibilité de ratifier la Charte du fait de son incompatibilité avec l’article 2. La diversité culturelle a souvent été perçue comme une menace pour « l’unité de la République » ce qui a conduit la France à mener une politique d’uniformisation préjudiciable aux langues régionales. A l’inverse, le Conseil de l’Europe considère que la reconnaissance des langues spécifiques aux minorités permet à ces dernières de se sentir à l’aise dans l’Etat où elles vivent et d’éviter ainsi tout risque de division. L’apprentissage de la langue officielle de l’Etat et le respect de la souveraineté nationale sont en outre deux obligations contenues par la Charte qui permettent d’assurer la cohabitation linguistique et l’unité dans la diversité. L’objectif de la charte n’est pas de fixer des droits politiques pour des groupes culturels spécifiques mais de protéger et promouvoir les langues régionales ou minoritaires en tant qu’aspect menacé du patrimoine culturel européen. La France est aujourd’hui l’un des derniers pays de l’Union à ne pas avoir ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Pourtant, depuis 1993 tout nouvel Etat désirant adhérer à l’Union européenne doit impérativement ratifier cette charte.

4. La situation en Aquitaine Deux grands groupes linguistiques : l’Occitan et le Basque

dessin de Laurent Claudine

Euskara, la langue basque. Si ancienne, si belle, si riche ! Tous les linguistes s’accordent à dire que l’Euskara est bien la plus ancienne langue d’Europe. Au paléolithique, elle était déjà utilisée, sous une forme certainement très différente de celle que nous connaissons aujourd’hui, avant l’installation des populations du néolithique, locutrices de parlers indo-européens. Objet de constantes enquêtes, elle laisse encore aujourd’hui planer autour d’elle le plus grand des mystères et les cartes de répartition linguistique la représentent toujours comme un parfait isolat. Il existe certes nombre de similitudes entre elle et d’autres langues non indo-européennes, mais elles ne peuvent encore donner naissance qu’à des hypothèses non vérifiées par la communauté scientifique. Aujourd’hui retranchée sur un territoire de taille modeste, elle a par le passé occupé la presque totalité des Pyrénées occidentales ainsi que la plus grande partie de l’Aquitaine . Mais là aussi subsistent bien des zones d’ombre. Si menacée ! En Euskadi, la co-officialisation (1979) de l’Euskara avec le Castillan, commence à porter ses fruits. Dans la communauté Autonome de Navarre, très fortement « débasquisée », la co-officialité depuis 1982 permet de remonter très lentement la pente. En Pays basque Nord, la langue basque, à l’instar des autres langues dites « régionales » parlées sur le territoire de l’Etat français, ne bénéficie d’aucune reconnaissance officielle. Ce déni d’existence est encore aggravé par l’absence d’entité administrative territoriale. L’Euskara n’y doit sa survie qu’à l’extraordinaire vitalité et à la motivation exemplaire de structures associatives, tout particulièrement dans le cadre de l’enseignement. En Décembre 2004, l’ « Office public de la langue basque » voyait le jour. Composé de divers représentants de l’Etat, de la Région, du Département, associant à ses travaux les structures militantes associatives, il a présenté très récemment ses premières propositions. Les acteurs citoyens saluent en ce programme de réelles avancées tout en le pensant insuffisant à enrayer le déclin de l’utilisation de la langue. La principale préoccupation de « Seaska », l’association fondatrice des « ikastola », les écoles où se pratiquent l’immersion linguistique, sera de savoir si les différentes mesures prévues dans le domaine de l’enseignement permettront effectivement aux enfants concernés de maîtriser la langue. Il y a urgence. L’Euskara, si ancienne, si belle, si riche, est dorénavant classée patrimoine de l’humanité par l’Unesco et déclarée en danger de mort !

L’Occitan. L’occitan apparaît, en s’émancipant du latin, au moyen-âge. Il est alors la langue des troubadours et à ce titre la langue de la culture en Europe. Les troubadours véhiculent une culture, inconnue dans le nord de la France, exaltant l’amour (mot occitan passé en français) et marquée par une grande liberté et une grande égalité (hommes/femmes, voire nobles/petit peuple). L’occitan est parlé dans une trentaine de départements du sud de la France et accessoirement en Espagne (Val d’Aran) et en Italie (quelques vallées alpines). Il est très proche des autres langues romanes et est donc un moyen privilégié de contact avec les autres langues romanes (en particulier italien, espagnol, portugais). Cette spécificité est particulièrement intéressante dans le cadre de la construction européenne. L’enseignement utilise cette proximité pour faciliter l’apprentissage des autres langues romanes : à l’école publique avec les parcours romans associant occitan et espagnol et/ou latin (essentiellement en région Midi-Pyrénées) et dans les écoles associatives Calendretas avec le projet latinitas permettant l’apprentissage simultané de plusieurs langues romanes. L’occitan présente donc une double particularité par rapport aux autres langues régionales « de France ». D’une part il est quasiment la seule langue parlée uniquement en France ce qui a deux conséquences importantes : s’il disparaît en France, il disparaît complètement et il ne dispose pas de moyens d’origine étrangère (émissions de radio et de télé, presse, production artistique, matériel pédagogique…) ce qui le rend d’autant plus vulnérable. Le basque et le catalan pouvant au moins s’appuyer sur ce qui se fait en Espagne. D’autres part il est la seule langue « régionale » de France parlée sur plusieurs régions ce qui ne facilite pas la concertation et donc l’action, en particulier des collectivités locales. Il est donc capital, au moment où disparaissent les derniers locuteurs naturels (un sondage effectué pour le Conseil Régional en 97 indique que 34 % des Aquitains comprennent l’occitan et 19 % le parlent), qu’une politique de soutien à la langue particulièrement volontariste soit mise en place, en particulier dans l’enseignement et dans les médias, comme le souhaitent d’ailleurs les Aquitains : 56 % souhaitent un enseignement pour leurs enfants (sondage réalisé par l’Institut Média Pluriel Méditerranée).

5. La position des Verts Les Verts ont fortement soutenu les initiatives destinées à promouvoir l’apprentissage des langues et la protection de la diversité linguistique en Europe. En mai 2002, les Verts européens ont voté une résolution sur les langues en voie de disparition. Cette résolution rappelait que la disparition de 90% des langues de l’humanité constituait un désastre écologique car en mourant une langue emporte avec elle sa connaissance traditionnelle de l’environnement naturel. La plupart des espèces animales et végétales ne sont actuellement connues que par certains peuples dont les langues meurent. En 2003, le groupe des Verts au Parlement européen a défendu le rapport Ebner qui préconisait la création d’une Agence européenne pour la diversité linguistique et l’apprentissage des langues dans le but de favoriser le multilinguisme et la défense des langues régionales.


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