Robert Boulin est suicidé. La justice s’empêtre

mercredi 13 juillet 2016.
 

C) 7 juin 2016 : dépositions de deux témoins clés de l’assassinat

Affaire Boulin : une longue chaine de forfaitures

La révélation, le 7 juin 2016, par France inter-France info et 20 minutes, des dépositions de deux témoins clés de l’assassinat, en octobre 1979, du ministre Robert Boulin, apporte une confirmation. La fabrication du "suicide", l’imposer comme "vérité officielle", donc "médiatique" pendant 36 ans, a mobilisé des complicités dans la police, la justice ... Et d’indispensables relais dans les medias.

Le feu d’artifice mediatique sur l’assassinat de Boulin est déclenché dans la soirée du 7 juin par le pilonnage des révélations de Benoit Collombat sur Franceinfo-Franceinter et la mise en ligne de 20 minutes exposant le contenu de deux témoignages recueillis par la juge d’instruction versaillaise Aude Montrieux.

A la différence des épisodes précédents dans la couverture des rebondissements de l’Affaire Boulin, le scoop de Benoit Collombat et Vincent Vantighem est repris sans restriction par les medias mainstream, du Figaro au Monde, en passant par l’Obs et l’Express, BFMTV ... Alors qu’il s’agit manifestement du prélude à la reconnaissance judiciaire de l’assassinat de Robert Boulin.

La plupart de ces mêmes medias avait colporté, pendant des années avec empressement la "version suicide" de la mort de Robert Boulin, devenue, par le non-lieu signé par la juge Laurence Vichnievsky en 1991, la "vérité judiciaire du suicide" . Cette version officielle et judiciaire de la mort de Boulin était de fait caduque depuis l’ouverture au TGI de Versailles d’une information pour enlèvement et séquestration ayant entrainé la mort, à l’été 2015.

Ce retournement dans l’affaire Boulin, un virage à 180° enfin imposé par les faits, a de nombreuses et graves implications qui vont bien au-delà de l’homicide perpétré sur la personne de Robert Boulin, sciemment maquillé en suicide par une camarilla de décideurs prétendant agir au nom de la raison d’état.

Il est désormais acquis, que depuis le 30 octobre 1979, des hauts fonctionnaires, des hiérarques policiers, des procureurs ont sur ordre supérieur trahi les devoirs de leur charge. En effet, écarter des témoins de première importance de la procédure ouverte le 30 octobre 1979 pour rechercher les causes de la mort de Boulin, porte un nom : la forfaiture.

L’affaire Boulin -masquer pendant 36 ans les circonstances de la mort du ministre du travail- est une longue chaine de forfaitures.

Article original : https://blogs.mediapart.fr/casanier...

B) 04 Août 2015 - 35 ans après les faits, le tribunal de Versailles ouvre une nouvelle information judiciaire pour « arrestation, enlèvement et séquestration suivi de mort ou assassinat »

De nouveaux témoignages contredisent la version officielle du suicide par noyade de Robert Boulin, ministre gênant de Giscard mort en 1979.

Près de trente-sept ans après sa mort, Robert Boulin n’en finit pas de hanter la Ve République. Le 30 octobre 1979, le corps sans vie du ministre du Travail de Valéry Giscard d’Estaing était retrouvé dans un étang en forêt de Rambouillet. Le gaulliste de 59 ans se serait suicidé dans 50 centimètres d’eau pour échapper au déshonneur, après sa mise en cause dans un scandale immobilier. Une version officielle balayée par de nouveaux témoignages recueillis par la juge qui a rouvert le dossier en août dernier et révélés hier par France Inter et 20 Minutes. La thèse du crime politique se consolide, accréditant l’idée d’un mensonge d’État.*

« Cette affaire est la boîte noire de la Ve République, analyse Benoît Collombat, journaliste à France Inter qui enquête depuis quinze ans sur le dossier (1). Elle charrie les stigmates des années Giscard, ce que j’appelle les années de plomb à la française. Encore aujourd’hui, cela reste un dossier très sensible avec de fortes résonances politiques. » Serge Garde, ancien journaliste à l’Humanité, l’un des premiers à remettre en cause la thèse du suicide dès 1987, a comptabilisé « plus d’une quarantaine d’anomalies » dans cette affaire. Il évoque un « climat délétère » et même des « décès suspects ». Lui-même dit avoir été « menacé très directement » lorsqu’il enquêtait sur ce dossier.

« Son visage était celui d’un boxeur, pas d’un noyé »

Le premier témoin entendu par la juge d’instruction est un médecin urgentiste. « Lorsqu’il arrive à l’étang Rompu, il n’y a que deux gendarmes, raconte une source proche du dossier. Il est le premier médecin à voir le corps. Il indique très clairement une position agenouillée, le visage hors de l’eau, tuméfié et griffé. Un positionnement incompatible avec la noyade. On lui demande très vite de partir. » Son témoignage ne sera jamais recueilli. « Il a l’impression – et c’est son expression – que le corps a été sorti d’une malle », précise Benoît Collombat, le premier à avoir recueilli ce témoignage. Serge Garde, qui avait publié dans l’Humanité Dimanche les photos du corps de Boulin, confirme  : « Son visage était celui d’un boxeur, pas d’un noyé. »

Le deuxième témoignage est celui d’un homme ayant vu Robert Boulin quelques heures avant sa mort, le 29 octobre 1979, vers 17 heures. « Il croise la Peugeot du ministre dans une rue très étroite où les deux voitures avancent lentement, détaille Benoît Collombat. Le témoin reconnaît formellement le ministre, assis à la place du passager, encadré par deux autres individus. Il décrit une ambiance assez lourde à l’intérieur de la voiture. »

Ces témoignages contredisent la thèse officielle du suicide et s’ajoutent à une série d’anomalies qui entachent le dossier  : les bocaux contenant les poumons de Robert Boulin, en principe conservés à l’institut médico-légal, ont disparu, tout comme les prélèvements de sang du ministre. Depuis que la famille a déposé plainte pour homicide involontaire en 1983, l’enquête patine  : les doutes sur l’heure du décès n’ont jamais été levés  ; avant la découverte du corps, des allées et venues au domicile de Robert Boulin ne seront jamais passées au crible. Quid encore des huit lettres dites posthumes qui auraient été postées le 29 octobre 1979 par Boulin et dont l’expert graphologue lui-même doute de l’authenticité  ? Un non-lieu définitif referme l’affaire en 1991. « Il y avait, jusqu’à présent, un verrou politique dans cette affaire, qui n’était pas traitée judiciairement mais politiquement », regrette Benoît Collombat.

Car en toile de fond de l’affaire Boulin émerge la guerre fratricide à droite entre le maire de Paris, Jacques Chirac, et le président Valéry Giscard d’Estaing. Le gaulliste Robert Boulin, résistant à 20 ans, quinze ans ministre entre 1961 et 1979, est pressenti pour remplacer Raymond Barre à Matignon. Il devient un obstacle à la candidature de Jacques Chirac à la présidentielle de 1981. Éclate alors le scandale qui tombe à pic  : Boulin est accusé d’avoir acquis illégalement une propriété à Ramatuelle (Var). Mais le ministre se défend et menace de sortir les dossiers de financement du tout nouveau RPR par les réseaux africains. « La femme de Robert Boulin, aujourd’hui décédée, m’avait raconté que, la veille du meurtre, son mari était rentré du ministère les bras chargés de dossiers, se souvient Serge Garde. Il avait posé un index sur sa bouche, comme pour lui dire de ne pas s’inquiéter, qu’il s’occupait de tout. Le lendemain, il n’y avait plus de dossiers dans le bureau de Boulin, ni de ruban dans sa machine à écrire… » Dans cette affaire, passe aussi l’ombre du SAC (Service d’action civique), service d’ordre du RPR, dissous par Mitterrand en 1982. « Est-ce qu’on a voulu lui faire peur et que ça a mal tourné ? Je n’ai pas tout le scénario, conclut Benoît Collombat. Mais ce qui est sûr, c’est que l’enquête a été complètement escamotée et que la thèse du suicide ne tient pas. »

Près de quarante ans après les faits, la justice pourrait enfin aider à la manifestation de la vérité. « L’instruction n’apportera pas un assassin menottes aux poignets, relativise Me Marie Dosé, avocate de la fille de Robert Boulin, mais elle pourra dire officiellement qu’il ne s’agit pas d’un suicide. Aujourd’hui, l’indépendance de la justice n’est pas la même qu’en 1979. Ce qu’on a perdu en années, j’espère qu’on le gagne en indépendance. » L’avocate réclame une déclassification des documents liés à l’affaire  : ceux du SAC, de la DST (services de renseignements français) mais aussi de la CIA, qui a également enquêté sur le dossier.

Marie Barbier, L’Humanité

(1) Un homme à abattre. Contre-enquête sur la mort de Robert Boulin, de Benoît Collombat, Fayard, 2007.

A) Mort de Boulin : TF1 évoque la CIA

Après les nouvelles "révélations", la demande de réouverture de l’enquête judiciaire. Mardi, la fille de l’ancien ministre du Travail Robert Boulin a officiellement demandé que la justice se penche à nouveau sur la mort de son père en 1979, officiellement suicidé mais dont elle est affirme qu’il a été assassiné.

Son avocat, Olivier Morice a déposé auprès du nouveau procureur général de Paris, François Falletti, une requête afin qu’il sollicite la réouverture de l’enquête pour "charges nouvelles". De nouveaux éléments qui sont le fruit d’une enquête de Benoît Collombat, de France Inter, que nous avions longuement détaillée il y a cinq mois. Nous indiquions déjà à l’époque que la famille de Boulin allait porter à nouveau l’affaire devant la Justice.

Cette demande est le dernier épisode d’une longue bataille : en 1983, la famille de Boulin avait porté plainte, mais l’enquête s’était soldée par un non-lieu. En 2002, à la demande de la fille de Boulin, le parquet de Paris avait procédé à de nouvelles auditions, sans qu’elles débouchent sur la reprise de l’instruction. Et en 2007, une nouvelle demande s’était soldée par un refus du procureur général. L’offensive actuelle a été précédée par un long reportage de France 2 dimanche, comme nous l’avons signalé. Il indiquait, sans preuve, que des documents attestant la thèse du meurtre sont cachés "chez un avocat" aux Etats-Unis.

Hier, c’est TF1 qui a consacré son "enquête du 20 heures" au sujet. Sans laisser trop de doutes sur ses convictions.

Le sujet s’ouvre par les mots : "Officiellement suicidé par noyade, mais très probablement battu à mort..." picto

Le témoignage de Sanguinetti était donc déjà connu depuis l’enquête de Collombat en octobre, tout comme le fait que la CIA est en possession d’un dossier, point sur lequel TF1 s’arrête longuement.

Le reportage est signé Axel Girard. Il était déjà l’auteur de l’enquête de sept minutes sur ce thème diffusée en mai 2007 au 20 heures de TF1, la première, à notre connaissance, à avoir trouvé sa place dans un JT.

Boulin, suicide ou assassinat ? Notre émission donne les clés pour se forger une opinion.

Article original : http://www.arretsurimages.net/breve...


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