Vers la fin du remboursement à 100% des médicaments pour les maladies longue durée ALD ? (3 articles)

mercredi 25 juin 2008.
 

1) Interview de FRÉDÉRIC VAN ROEKEGHEM - DIRECTEUR DE L’UNION NATIONALE DES CAISSES D’ASSURANCE-MALADIE

« Plus les mesures seront mises en oeuvre vite, plus le retour à l’équilibre sera conforté »

Le gouvernement veut équilibrer les comptes de la Sécurité sociale en 2011. Cet objectif est-il tenable ?

Cet objectif est légitime, souhaitable et tenable. Le déficit de l’assurance-maladie a été divisé par trois depuis 2004, mais il reste 4 milliards d’euros à apurer, soit 120 euros par foyer de soins financés à crédit. Et nous devons faire face à la hausse tendancielle des dépenses liée à l’accroissement de la prévalence de pathologies lourdes et chroniques : actuellement, 40 % de la population concentre 90 % des remboursements. Le retour à l’équilibre est néanmoins atteignable, car il reste des marges d’efficience importantes à tous les niveaux. Une hausse des dépenses limitée à 3,3 % en 2009, contre une évolution tendancielle de près de 5 %, constitue un objectif rigoureux mais raisonnable.

Comment y parvenir ?

Nous allons renforcer le rôle du médecin traitant afin d’améliorer le suivi des malades et de mieux maîtriser les prescriptions. Nous visons 500 millions d’euros d’économies au titre de la maîtrise médicalisée en 2009...

Où résident les principaux gains de productivité ?

L’assurance-maladie doit pouvoir bénéficier, par l’évolution des tarifs, des gains de productivité qui ont été réalisés dans certains secteurs, tels que la radiologie et les analyses de biologie médicale. Même chose pour les médicaments : quand un produit n’améliore pas suffisamment le service médical rendu, il devrait être remboursé au prix du générique, et les tarifs des génériques devraient eux-mêmes être réexaminés quand ils sont supérieurs à ceux pratiqués dans des pays comparables. Nous proposons également d’expérimenter le remboursement sur la base du prix du générique pour une classe entière de médicaments, à savoir les anti-ulcéreux (IPP). Nous demandons un effort d’environ 500 millions d’euros aux industriels. C’est équilibré, car cet effort garantit la rémunération au juste prix des innovations.

Votre rapport contient beaucoup de préconisations sur l’hôpital...

Il est normal de s’intéresser à la moitié des dépenses ! Nous proposons notamment de mieux contrôler la pertinence des actes et développer la procédure de mise sous accord préalable quand l’évolution de l’activité d’un établissement apparaît anormale. De façon générale, nous prônons une plus grande lisibilité des tarifs, intégrant une dimension de recherche d’efficience. Par ailleurs, les tarifs facturés à l’assurance-maladie par les hôpitaux dans le cadre de l’activité libérale des médecins hospitaliers devraient tenir compte du fait que les honoraires sont déjà payés directement par les assurés.

Comment limiter le coût des affections de longue durée (ALD), qui s’accompagnent d’une couverture à 100 % des soins ?

Le nombre de bénéficiaires progresse de 4 % par an et le coût global de 6 %. Cela accroît mécaniquement la part de la dépense de soins prise en charge par l’assurance-maladie au titre des ALD, et plus généralement le taux de remboursement moyen du régime obligatoire.

La réglementation prévoit cependant que le dispositif est réservé aux maladies « longues et coûteuses », ce qui n’est plus toujours le cas, notamment dans le domaine cardio-vasculaire. Il faut donc adapter les conditions d’entrée en ALD tout en développant la prévention.

Nous proposons aussi de transférer aux organismes complémentaires le ticket modérateur des médicaments à vignette bleue (remboursés à 35 %). Compte tenu des baisses de tarifs concomitantes sur les médicaments, cette mesure pourrait être mise en oeuvre sans augmentation de leurs charges.

Comment améliorer la couverture des patients par les assurances et les mutuelles ?

Beaucoup de bénéficiaires du RMI ne font pas valoir leur droit à la CMU complémentaire. L’assurance-maladie pourrait les affilier directement quand ils ne répondent pas aux sollicitations. En outre, de nombreux bénéficiaires potentiels de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé ne l’utilisent pas, du fait du prix des contrats : nous pourrions leur proposer de souscrire des contrats à coût modéré.

Le ministre du Budget, Eric Woerth, a-t-il raison de vouloir prendre des mesures d’économies de court terme, sachant qu’il n’y a pas d’alerte sur les dépenses ?

Plus les mesures que nous préconisons seront mises en oeuvre vite, plus le retour à l’équilibre sera conforté.

PROPOS RECUEILLIS PAR ÉTIENNE LEFEBVRE

2) Affections de longue durée : un coût annuel de 8.700 euros par patient

AFP

Parmi les 30 affections de longue durée actuellement prises en charge à 100%, figurent aux quatre premières places les affections cardio-vasculaires, les cancers, le diabète et les affections psychiatriques de longue durée. Ces ALD concernent 7,7 millions de personnes.

La prise en charge à 100% des 30 affections de longue durée comme le cancer, le sida ou le diabète concernait 7,7 millions d’assurés sociaux fin 2006, pour un coût moyen de 8.700 euros par patient pour l’Assurance maladie. En 2006, le coût global des remboursements de soins pour ces malades graves (67 milliards d’euros) a représenté 64% des dépenses d’assurance maladie, précise la Cnam (Caisse nationale d’assurance maladie).

Pour bénéficier de la couverture à 100%, le malade doit obtenir un "protocole de soins" établi par son médecin traitant, validé par un médecin conseil de la Sécu et régulièrement actualisé. Il bénéficie alors d’une ordonnance "bizone", qui distingue les médicaments et examens en rapport avec l’affection, remboursés à 100%, et les autres, remboursés au taux habituels.

L’âge moyen des personnes en ALD s’élève à 61,4 ans, allant de 18 ans pour la mucoviscidose à 82 ans pour la maladie d’Alzheimer. Les affections cardiovasculaires (2,5 millions de personnes), les cancers (1,5 million), le diabète (1,4 million) et les affections psychiatriques de longue durée (0,9 million) représentent 75% des ALD. Parmi les autres ALD, on compte notamment les insuffisances respiratoires chroniques graves (220.000), la maladie d’Alzheimer (159.000), les polyarthrites graves (120.000) ou le sida (78.000).

Les dépenses moyennes pour les patients en ALD sont dix fois plus élevées que pour les patients "classiques", 8.700 euros contre 798 euros. Les remboursements annuels atteignent en moyenne 13.000 euros pour un malade du Sida, 10.000 euros pour un cancer, 7.400 euros pour les pathologies cardiovasculaires et 6.000 euros pour un diabète.

Au cours de l’année 2006, 265.000 personnes de plus ont été admises en ALD, soit 3,6% par rapport à 2005. L’assurance maladie estime que le nombre de ces personnes atteindrait environ 12 millions d’assurés en 2015. Et 70% des remboursements seraient alors concentrés sur les ALD. Une évolution qui serait due à "l’augmentation de la prévalence des affections de longue durée à structure d’âge identique et, dans une moindre mesure, au vieillissement de la population", selon la Cnam.

Le plan de redressement de l’assurance maladie suscite un tollé général

AFP

Frédéric van Roekeghem, le directeur de l’assurance maladie, estime nécessaire un nouveau plan de redressement de 3 milliards d’euros. La remise en cause de la prise en charge à 100% de maladies graves comme le cancer ou le diabète suscite de très vive critiques de toutes parts.

Une levée de boucliers généralisée. Telle est la tonalité des réactions au plan de redressement proposé par le directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam). Frédéric van Roekeghem a proposé ce mardi de réduire notamment la prise en charge des maladies chroniques comme le diabète ou graves comme le cancer. Face à un déficit attendu de 4,1 milliards d’euros pour quelque 150 milliards de recettes en 2008, il propose ", dont deux milliards d’économies.

Si le plan est loin de se limiter à elle, une proposition a cristallisé les mécontentements. Elle prévoit de baisser de 100% à 35% le remboursement par la Sécurité sociale des médicaments "à vignette bleue" (dits de confort) pour les malades en affection longue durée (ALD), le reste étant "transféré aux organismes complémentaires" (mutuelles ou assurances privées). Ces malades atteints de pathologies lourdes comme le diabète ou le cancer sont 7,7 millions en France. Ils sont remboursés à 100% et M. van Roekeghem a aussi souhaité que la Sécu limite davantage l’accès à cette catégorie, attendant 250 millions d’économies au total sur ce secteur.

Syndicats de salariés (CGT, CFTC, Unsa, etc.) de médecins libéraux (CSMF, MG-France), partis de gauche et associations de malades ou de handicapés (AFD, Ciss, Fnath) ont très vivement réagi à ces propositions jugées "choquantes", "scandaleuses" ou "inacceptables". La CFTC et le collectif d’usagers de la santé Ciss voient ainsi dans une baisse de la prise en charge des malades chroniques une remise en cause du principe de "solidarité" qui régit la protection sociale en France. La CFE-CGC dénonce une "étape supplémentaire du désengagement de l’Etat", menée "sans aucun débat".

Alors que le PS dénonce "une logique de déremboursements massifs", la CGT juge les propositions du directeur de la Cnam d’autant plus "insupportables" qu’il est déjà "de plus en plus difficile de se soigner du fait de la multiplication des forfaits, des franchises et des dépassements d’honoraires médicaux".

D’autres ont souligné l’urgence de trouver de nouvelles recettes face à des dépenses dont l’augmentation est rendue inéluctable par le vieillissement de la population. "On parle beaucoup de rogner sur les dépenses et on ne parle jamais des recettes. Or, tous les experts s’accordent pour dire que les dépenses de santé ont vocation à augmenter d’un point un point et demi au-dessus du PIB", a déclaré à l’AFP le président du principal syndicat de médecins libéraux (CSMF), Michel Chassang. "Il y a peut-être des recettes à aller chercher ailleurs qu’en taxant exclusivement le travail. Aujourd’hui, il y a des gens qui vivent très bien par des revenus autres que ceux du travail", a déclaré le président de l’Association française des diabétiques (AFD), Gérard Raymond.

Au delà, M. Roekeghem attend près d’un milliard d’euros d’économies sur les tarifs de certains médicaments, dont des génériques, ou produits de santé, et d’une diminution des tarifs de radiologie et biologie médicale, a-t-il dit à l’AFP. Il entend aussi limiter les prescriptions de transport (ambulances) ou d’arrêts maladies. Mais le message est quelque brouillé du côté de la Cnam. Dans un communiqué laconique diffusé mardi après-midi, elle assure ainsi qu’elle "n’envisage aucunement de remettre en cause la prise en charge à 100% pour les affections de longue durée", soulignant que "l’enjeu est au contraire de pouvoir continuer à prendre en charge intégralement les soins délivrés aux patients souffrant de maladies graves".

Reste désormais au gouvernement de trancher. Interpellée à l’Assemblée nationale, la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, s’est gardée de se prononcer, mais a qualifié d’"immoral" le déficit de la Sécu. "Nous avons demandé à l’assurance maladie de nous faire des propositions", elles seront examinées "dans les semaines qui viennent", a pour sa part déclaré le ministre du Budget, Eric Woerth.

(source AFP)


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