Les « Partenariats public privé » (PPP) la fausse bonne idée

jeudi 19 juin 2008.
 

Le Sénat a examiné, début avril, en première lecture, le projet de loi relatif aux contrats de partenariats, plus connus sous le nom de « partenariats publics privés » (PPP).Une vraie fausse bonne idée, selon Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret.

Le gouvernement souhaite faire des PPP un outil de droit commun de la commande publique. Ce principe n’est-il pas contraire à la philosophie française du financement des services publics ?

Les Partenariats Public-Privé (PPP) consistent à confier en bloc à une entreprise importante ou un grand groupe la conception, la construction, le financement, l’exploitation, la maintenance et l’entretien d’une réalisation publique. Concrètement, il n’y a plus de concours d’architecture, donc d’accès de tous les architectes à la commande publique. Il n’y a plus, non plus, de libre accès des entreprises du bâtiment, des PME, des artisans à cette même commande publique.

L’État choisit tous les intervenants qui doivent passer sous les fourches caudines du groupe retenu. Il est paradoxal que les libéraux défendent fermement un système qui réduit considérablement l’accès à la concurrence ! C’est ce qui explique l’opposition de nombreux architectes, du SNSO (qui représente les entreprises de second oeuvre), ou de la CAPEB (qui représente les artisans du bâtiment).

Quelles réponses politiques les sénateurs socialistes ont-ils apporté aux PPP ?

Nous avons saisi, dès 2003, le Conseil constitutionnel de la loi d’habilitation puis de l’ordonnance qui a créé les PPP. Celuici a conclu à l’impossibilité de déroger aux exigences constitutionnelles garantissant « l’égalité devant la commande publique », à l’exception de cas très particuliers liés à l’urgence ou à la complexité des projets.

Or, le projet de loi que le gouvernement vient de déposer et qui a été débattu par le Sénat prévoit de généraliser la formule et de faire des PPP un moyen de droit commun pour les réalisations publiques. Comment ? En disposant qu’outre l’urgence et la complexité, un autre critère peut justifier le recours aux PPP - le fait que ce soit « plus avantageux », critère éminemment objectif ! - et en décrétant que jusqu’en 2012,tout ce qui relève de la santé, de la justice, de la sécurité, de l’environnement, de la ville,des transports - c’està- dire tout ! - revêt un caractère urgent. Les sénateurs socialistes se sont élevés contre ce dévoiement de la décision du Conseil constitutionnel.

Cette formule n’est-elle pas financièrement attractive pour l’État et les collectivités ?

Dans les apparences, seulement, puisque dans un premier temps, l’État ou les collectivités ne paient rien. Le groupe choisi pour finaliser le projet prend tout à sa charge. Mais les apparences sont trompeuses, puisque ensuite, durant dix, vingt, trente ou quarante ans, les intéressés devront payer...

On s’en remet donc aux générations futures pour financer un équipement dont on souhaite avoir l’usage rapidement. Et ce, même s’il faut, au préalable, « démontrer » que le recours au PPP se révèlera moins onéreux qu’un marché classique (avec un emprunt de l’État ou de la collectivité). Ce qui est bien sûr « indémontrable ».

Propos recueillis par Bruno Tranchant

(1) Les « Partenariats public privé » (PPP) ont été créés par l’ordonnance du 17 juin 2004.


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