Amplification et radicalisation du mouvement social en Corée du Sud

mardi 10 juin 2008.
 

Actualités du mouvement pour la destitution du président

Le mouvement de contestation s’est encore amplifié ces jours-ci, réunissant régulièrement entre 80.000 et 120.000 personnes suivant les jours et les sources. Le nombre de personnes est tellement important qu’en début de soirée plusieurs cortèges se forment, partant dans des directions opposées.

Lorsqu’ils convergent de nouveau, les rues du centre de Seoul se transforment en un squat gigantesque. La circulation est bloquée et les gens vaquent a leurs occupations contestaires en groupes de quelques dizaines a plusieurs dizaines de milliers de personnes.

Certains groupes, tels que les personnes affiliées avec le site web « Agora » procèdent par démocratie directe, votant les actions a venir que les individus en accord exécutent. Cependant, il n’est pas exagéré d’affirmer que le reste de la manifestation a une organisation anarchiste : occupation de l’espace publique sans hiérarchie, sans chef, sans porte parole, sans processus formel de prise de decision, sans structure de contrôle.

C’est un immense magma effervescent d’individus tissant des liens sociaux et agissant au mieux des possibilités qu’offrent l’environnement physique et social. Personne ne peut avoir une vision claire de l’ensemble des groupes et des actions entreprises. On ne peut que constater au grès de son cheminement leur multiplicité, leur dynamisme, et leur intelligence collective.

Ici, un groupe prend d’assault un bus de la police. Une vingtaine de personnes arrivent avec des cordes, les attachent aux bus, et commencent a tirer sous les « Haut-hisse ! » du reste de la population, les déplaçant sur plusieurs dizaines de mètres. Alors que la police, pour se justifier, hurle dans les haut-parleurs que « Cette manifestation est illégale » et que « déplacer les bus de police est surement illégal », les fourgons se couvrent d’auto-collants disant « Parking illégal » ou « Vous gênez la circulation des citoyens » ou, « Selon le premier article de la constitution, (tout le pouvoir vient du peuple), ces bus peuvent être déplacés par la population ».

Ailleurs, un autre groupe de 10.000 personnes discutent de la stratégie a adopter, en particulier face aux provocations policières. Il semblerait en effet que certaines personnes des plus violentes envers la police soient elles-même des policiers, comme semblent le suggérer certaines photos, montrant ce qui a l’air d’etre les mêmes personnes tantôt du coté de la police, tantôt du coté des manifestant-e-s, et utilisant le même matériel que la police. Ceci n’aurait rien de surprenant et arrive dans beaucoup de manifestations.

La-bas, des centaines de personnes distribuent de la nourriture et de l’eau qu’elles ont acheté après s’etre cotisées. Alors que vous vous promenez en zigzaguant parmi les manifestant-e-s joyeux, un paquet de « mochi », ces gâteaux de pâte de riz, échoue entre vos mains. Continuant votre route en redistribuant son contenu au hasard, vous engagez ça et la la conversation. Puis vous vous arrêterez peut-être devant quelques musiciens, peut-être arracherez-vous une grille de fourgon de police, participerez-vous a un débat, croiserez-vous la "brigade des poussettes", rencontrerez-vous un élu politique du parti des travailleurs ou bien ce critique satirique connu qui émet en broadcasting depuis la manifestation. Peut-être serez-vous arrêté par un groupe de lycéennes écrivant un article pour leur journal vous demandant ce que vous pensez de tout ceci. Surement vous croiserez quelques groupes de CRS attendant les ordres, assis sur leur casque, parfois criant un « Hou-Hou-Hou » bien viril a la manière de footballeurs américains avant un match. Sans doute passerez-vous votre chemin en souriant.

Vous constaterez que la radicalisation se traduit par une prise de conscience politique dans le mouvement, les gens portant une attention particulière a ne pas se faire contrôler ou manipuler, que ce soit par des organisations internes ou par des policiers infiltres.

On peut prendre l’exemple de la « brigade militaire », applaudie il y a une dizaine de jours lorsqu’ils se mettaient en formation pour protéger la manifestation, mais contestée a présent. Ce service d’ordre n’a en effet pas tellement de conséquences en terme de sécurité pour la manifestation, il se borne a faire des chaines pour la canaliser, et surtout a se montrer.

Après la charge et le « nettoyage » de la rue par la police vers 6h du matin, les gens ne pouvant plus marcher librement créent spontanément une manifestation sur les passage cloutes, traversant au feu vert, puisque c’est « légal ». De façon tout a fait risible, l’un des membres de la « brigade militaire » se met a coté du passage piéton et fait les mêmes gestes qu’aurait fait un policier en charge de la circulation. Ces « brigades militaires » ont été prises a parti par des manifestant-e-s leur demandant « mais c’est quoi la différence entre vous et des flics ? ». La personne interrogée répond de façon un peu penaude « Mais nous on veut juste vous aider ». Réplique des manifestant-e-s : « Si vous voulez nous aider, enlevez votre tenue militaire et venez vous joindre a nous ». Alors que le dialogue continue, les faux militaires répondront « Je ne peux rien dire, il faut que je demande a ma hiérarchie ».

Cette référence a une hiérarchie dans un mouvement qui en est totalement dépourvu fit le plus mauvais effet une fois relayée sur internet.

Concernant les médias, la chaine MBC est rentrée dans une incroyable guerre ouverte avec le gouvernement, telle qu’on ne pourrait le concevoir en france sur aucune chaine. Les images des violences policières sont diffusées et les remarques de présentateurs sont extrêmement critique.

Pour mémoire, c’est cette chaine, dont la privatisation est une volonté de l’actuel gouvernement, qui avait a l’origine diffusé les reportages sur le bœuf américain. Des vidéos montrant une extrême brutalité policière (cf post précédent, la personne se prend des coups de pieds dans la tête au sol) très largement diffusées sur internet ont provoque l’indignation de la population. La police a alors changé de stratégie, prenant d’infinies précautions avant de charger la foule, une voix féminine annonçant pendant plusieurs heures l’imminence de la charge, invitant les journalistes, les vie-ux-illes et les personnes avec des enfants a ne pas rester. Lorsque la charge survient, elle fait peu de blessé-e-s et d’arrestations en comparaison avec les précédentes, l’objectif étant plus de déplacer les manifestant-e-s et de « nettoyer » la rue vers 5h du matin.

De plus la police n’utilise pas d’équipement technologique tels que tazer, flash-ball ou gazs lacrymogènes : c’est un contrat implicite avec la population, qui en retour n’utilise pas de cocktails molotovs contre la police. Fair enough.

Sur les revendications, le président Lee Myong Bak a annoncé qu’il n’était pas possible de renégocier l’accord car la situation économique est trés mauvaise et que cela pourrait avoir un effet négatif sur les exportations de voitures et de matériel high-tech. Son frère a déclaré avec mépris que ce mouvement n’était le fait que de « chômeurs, des jeunes qui n’ont plus de poste dans l’entreprise, des couches basses de la population, de PDG de PME dans des situations difficiles [...]. Ce sont des gens désespérés par les problèmes économiques. »

En attendant, tous les conseillés de Lee Myong Bak lui ont envoyé leur lettre de démission, et des voix se font entendre dans son parti prédisant la démission prochaine de tous les ministres actuels. De plus, suite a certaines fraudes électorales, un nouveau scrutin a eu lieu pour l’élection de représentants au parlement, cette fois fortement en défaveur du président Lee Myong Bak.

Malgré la fatigue qui commence a se faire sentir, malgré la pluie certains jours, il n’y a jamais moins de plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la rue.

Le prochain grand rendez-vous est le dix juin, anniversaire du mouvement social massif qui entraina la chute de la dictature.

Publié par purple à l’adresse

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