La cause première de l’incapacité du PS à s’opposer réside dans l’orientation démocrate qui influence majoritairement ses chefs, grands et petits (PRS)

lundi 8 juin 2020.
 

La confrontation sociale aligne défis et rendez-vous. CGT et CFDT montent le ton suite à la remise en cause des 35 heures. Sarkozy provoque le mouvement de l’Education nationale avec une nouvelle série d’annonces. Les grèves pour les salaires se multiplient dans le privé. Marins pêcheurs, routiers et agriculteurs se mobilisent à leur tour. ... et cela ne change rien dans le principal parti de gauche. C’est au contraire dans ce contexte de rejet des politiques libérales que d’éminents dirigeants du PS proclament leur affection pour le libéralisme et c’est pendant que la gauche sociale est dans la rue que le Congrès socialiste se prépare sous le signe du « coup de barre à droite ».

L’opinion un temps charmée rejette désormais Sarkozy. Le peuple de gauche se remobilise. Les agressions incessantes du pouvoir contre les intérêts du plus grand nombre suscitent de multiples résistances, mais de nombreux dirigeants de la majorité du PS s’interrogent gravement pour savoir si leur opposition n’est pas un peu trop frontale et s’ils ne devraient pas être plus constructifs. Comment expliquer un aussi criant paradoxe ?

Il y a presque une année jour pour jour, j’écrivais dans une tribune au Monde « l’opposition en gants blancs » que cette incapacité renvoyait à un problème d’orientation politique et qu’il était « urgent pour tous ceux qui attendent du Parti socialiste une opposition frontale à la droite de mettre en cause l’orientation démocrate qui le gouverne aujourd’hui ».

Aujourd’hui, je n’en changerais hélas pas un mot. La cause première de l’incapacité du PS à s’opposer avec efficacité et détermination, pour de vrai et pour de bon, réside dans l’orientation démocrate qui influence majoritairement ses chefs, grands et petits.

Le premier rôle de l’opposition serait ainsi d’expliquer -pour pouvoir ensuite la contester- la cohérence politique de l’adversaire. Or nous avons régulièrement la tristesse d’entendre d’éminents dirigeants socialistes prétendre que Nicolas Sarkozy multiplie les annonces contradictoires, qu’il n’a pas de pensée d’ensemble, pour mieux critiquer son style brouillon et ses méthodes confuses. Bien sûr le sommet de l’Etat tangue dangereusement. Mais ce n’est pas parce que le président ne sait pas où aller. C’est au contraire parce qu’il s’engage volontairement dans la zone de tempête. Quand on y regarde de près, la cohérence de Sarkozy saute aux yeux : mesure après mesure, déduction d’impôts après exonération de cotisations sociales, il met en œuvre l’appauvrissement de l’Etat et de la protection sociale. Rien de neuf sous le soleil : c’est déjà ainsi qu’avait procédé Reagan. Premier temps, je vide les caisses. Deuxième temps, je réduis le déficit en fermant les services publics et en réduisant les dépenses. Le quinquennat Sarkozy s’est ouvert par le paquet fiscal. Il doit se fermer avec le déficit zéro. Ce n’est pas un procès d’intention. Sarkozy l’a dit. Ne propose-t-il pas d’inscrire ce principe dans la Constitution pour 2012 ? Il y a mieux à faire que de lui dire « chiche ». Car entre les baisses de recettes et le déficit zéro, il y a la casse méthodique et généralisée des services publics et de la protection sociale. C’est là où nous en sommes. C’est ce qui se joue précisément en ce moment.

Quant à la méthode choisie, là encore il suffit d’écouter Sarkozy qui ne tient guère sa langue. Dans son allocation au Conseil des ministres au lendemain des dernières élections locales (un document public facilement disponible), il a déclaré qu’il allait « tout faire pour mettre en œuvre la masse critique des réformes qui permettra de changer les comportements et les mentalités ». Là encore nous y sommes en plein. Avantage de cette stratégie : noyer les résistances sous le flot incessant de mesures auxquelles il est dès lors impossible de faire face sans prioriser les fronts de lutte, sans construire les convergences entre secteurs, sans être capable de mobiliser dans la durée... bref sans force de gauche en mesure d’unifier les victimes nombreuses mais éparpillées de cette avalanche de réformes.

Alors pourquoi cela ne se fait pas ? C’est assez simple. Il est tout bonnement impossible de voir, dénoncer et déconstruire la cohérence libérale de Sarkozy tout en s’affirmant soi-même libéral. De même, il est impossible de construire un front majoritaire et efficace de résistance dans la société française tout en cherchant à dépasser les « vieilles formes de lutte », au nom de la mort proclamé des conflits de classe et des clivages du passé.

Il n’y aura pas d’opposition réelle et efficace à Sarkozy si la gauche est dominée par les présupposés de la ligne démocrate. Les militants socialistes qui se demandent en quoi ils peuvent être utiles à leur pays alors que s’engage le Congrès de leur parti tiennent là une réponse. Ils ne révolutionneront sans doute pas le PS. Mais au moins peuvent-ils lutter contre la conversion démocrate qui risquerait de signer la victoire finale de l’adversaire de droite.


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