Vote dans les sections socialistes le 29 mai sur une nouvelle Déclaration de principe : l’argumentaire du réseau Forces Militantes

jeudi 29 mai 2008.
 

La décision prise de faire adopter une nouvelle Déclaration de principes et des statuts modifiés par une simple Convention viole délibérément les statuts du parti (articles 14.2 et 14.3). Ceux-ci confient à un Congrès et à un congrès extraordinaire une telle décision. Forces Militantes refuse de cautionner cette atteinte à la démocratie interne. Cette opération sans précédent vise à faire passer quasiment sans débat (impossibilité de déposer un texte alternatif ou des amendements nationaux) des modifications majeures à ce qui constitue la base même du parti. Forces militantes appelle les militants à s’opposer résolument à la remise en cause des valeurs fondamentales et de la nature même du Parti socialiste, et à refuser de voter ce texte.

I - Le projet de déclaration de principes : Une menace majeure pour l’avenir du PS

La déclaration de principes est un texte fondateur pour le Parti Socialiste, très rarement modifié en un siècle. Chaque ré écriture s’inscrit à un tournant de l’histoire. La déclaration de 1905 vaut acte de naissance : l’objectif est de « transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste ». Celle de 1946, dans une situation marquée par des mobilisations révolutionnaires et anticoloniales, affirme qu’ à « la propriété capitaliste » il faut substituer « la propriété de la collectivité ».

Après la grève générale de 1968 qui met en cause le régime gaulliste, la déclaration de 1969 prépare le congrès d’Epinay : « …Il ne peut exister de démocratie réelle dans la société capitaliste (…). Le socialisme se fixe pour objectif le bien commun et non le profit privé. La socialisation progressive des moyens d’investissement, de production et d’échange en constitue la base indispensable ».

Certes, il y eut parfois un gouffre entre les principes déclarés et la politique mise en œuvre. Mais ces principes ont pu être un point d’appui pour les militants soucieux de résister à la dérive de leur parti.

La déclaration de 1990 (alors que s’engage la restauration du capitalisme dans l’ex-URSS et les pays de l’Est de l’Europe) marque une inflexion majeure : pour la première fois, le Parti socialiste est « favorable à une société d’économie mixte » et renonce à la perspective de la socialisation des moyens de production.

Et depuis 1990, alors que se sont accentués ouverture du marché mondial et attaques contre les acquis sociaux, le PS a accompagné ces processus, au niveau national comme au niveau de l’Union européenne.

Une nouvelle déclaration devrait armer le parti face à la situation qui s’annonce devant nous : une période à l’évidence marquée par une longue crise du capitalisme, par la remise en cause systématique des acquis sociaux et de nombreux droits démocratiques, et par d’importantes mobilisations sociales et politiques pour préserver ces acquis et droits. Une telle déclaration imposerait une discussion longue et sérieuse.

En bafouant les statuts (article 14-2 et 14-3) , en imposant un texte qui modifie profondément les valeurs du parti, la direction du PS choisit à l’inverse de désarmer les militants. Et ce texte nouveau, adopté avant le congrès, va être déterminant pour celui-ci, en « cadrant » les débats, et les positions qui en résulteront.

1° section de la déclaration de principes : « nos finalités fondamentales ».

Cette section, comme son titre l’indique, fixe le « cadre » de toute la déclaration de principes.

Ce sont des protestations générales en faveur de « l’égalité », du « progrès » et de la « démocratie », que n’importe quel parti démocrate chrétien peut contre signer. Cette longue section élimine de l’ancien article 1 l’idée selon laquelle le PS « met le réformisme au service des espérances révolutionnaires ».

Désormais, il ne doit même plus y avoir d’« espérances révolutionnaires ».

On comprend ainsi la fonction du « préambule » qui précède la déclaration : les grands combats que menèrent les travailleurs ne sont plus désormais qu’ un « souvenir ».

2° section : « nos objectifs pour le XXI° siècle ».

Pour la première fois, le PS déclare être « partisan » du capitalisme : « Les socialistes sont partisans d’une économie sociale et écologique de marché » (art.6). Cette notion est sans ambiguïté : il s’agit d’« une économie de marché régulée par la puissance publique, ainsi que par les partenaires sociaux ». En clair : l’économie capitaliste telle qu’elle fonctionne en Allemagne (en RFA d’abord) depuis la fin de la guerre sous l’impulsion de la démocratie chrétienne.

Le mot « social » est ici un faux ami : l’« économie sociale de marché » n’a rien de « sociale ». Ce n’est pas une économie capitaliste qui prendrait en compte les besoins « sociaux » de la population…

C’est une société capitaliste qui utilise les syndicats ouvriers pour « réguler » l’économie et les conflits sociaux : c’est la « co gestion » à l’allemande, qui conduit les représentants ouvriers à prendre en charge les besoins de l’entreprise, et qui réglemente et limite durement le droit de grève.

En se réclame de « l’économie sociale de marché » (et en y rajoutant l’écologie), la déclaration se réfère explicitement au Traité européen de Lisbonne (signé malgré la majorité de Non au référendum de 2005) qui a comme objectif « l’économie sociale de marché ».

Par cet article, le Parti Socialiste renonce à la socialisation, même progressive, des moyens de production et d’échanges. C’est l’alignement ouvert sur le blairisme et l’actuelle social-démocratie allemande.

« L’économie mixte » : La nouvelle déclaration trace une égalité entre l’« économie de marché » et l’ « économie mixte » qui figurait dans la précédente déclaration.

Mais en 1990, cette économie mixte (« sans méconnaître les règles du marché ») devait fournir « les moyens de réaliser des objectifs conformes à l’intérêt général ». Ceci impliquait « Un service public fort, l’aménagement du territoire, la planification, la politique budgétaire (…) ».

Il n’en est plus question : il s’agit désormais de combiner « un secteur privé dynamique, un secteur public, des services publics de qualité, un tiers secteur d’économie sociale ».

La nouvelle déclaration fait disparaître la place majeure attribuée à l’intervention économique de l’État.

Assistanat ou droits sociaux ? La déclaration déclare refuser « une société duale ». Il y aurait d’un côté ceux qui tirent « leur revenu de l’emploi » et de l’autre ceux qui « seraient enfermés dans l’assistance » ! La division majeure n’est plus, pour le PS, entre Capital et Travail mais entre salariés et « assistés », c’est à dire les travailleurs chômeurs (et les retraités ?). Ce qui est ici brisé, c’est l’unité de la classe ouvrière, et le droit aux indemnités de chômage (tout comme à la retraite) comme acquis social.

3° section : « notre parti socialiste »

Cette partie regroupe toutes les questions non - économiques.

C’est dans cette partie – et non dans la partie économique comme en 1990 - que le PS est présenté comme portant « un projet de transformation sociale ». Le fait de rajouter l’adjectif « radicale » ne change rien : le PS ne veut plus « transformer » les fondements économiques de l’ordre social.

L’article 20 reprend la définition du parti comme « parti ancré dans le monde du travail » mais fait disparaître « les oppositions des classes et groupes sociaux ». Et il rajoute l’adjectif « populaire » pour définir le parti. Il s’agit donc de couper le PS de son origine de classe.

On élimine donc la phrase qui disait : les socialistes… sont particulièrement attentifs aux intérêts des salariés et au développement de toutes leurs capacités d’action ».

Laïcité : L’actuel projet conserve « le respect de la liberté de conscience »…et « défend la séparation des Eglises et de l’État », mais il élimine le respect de « de la laïcité de l’école et de l’État ».

Le mot laïcité est vidé de son contenu : il faudrait désormais prendre « en compte les diversités culturelles et religieuses, dès lors qu’elles ne sont pas un obstacle pour les libertés individuelles et collectives ».

Union européenne : l’objectif d’une Europe « sociale » est éliminé. Le PS, « parti européen », se revendique de « l’Union européenne qu’il a non seulement voulue, mais en partie, conçue et fondée ». Le PS fait donc allégeance au traité de Maastricht. Dès lors, indiquer que l’Europe doit « favoriser une croissance forte et le progrès social » ne peut gêner un seul des chef de gouvernement ayant ratifié le traité de Lisbonne.

Reste la question du respect que les dirigeants et élus du parti doivent à ses principes. Cette exigence était déjà fort ténue. Elle disparaît, remplacée par une exigence générale concernant tous les militants.

Conclusion : ce texte marque une nouvelle rupture majeure et achève un processus engagé : le PS, même de manière verbale et très atténuée, renonce à tout remise en cause du capitalisme.

Cette déclaration tourne le dos à ce qu’un parti socialiste devrait affirmer dans une situation marquée par la menace d’une crise économique et financière de grande ampleur, par une inégalité sociale croissante, par des attaques sans précédent contre l’ensemble de la population laborieuse et la jeunesse.

Cette déclaration ne peut être dissociée des nouveaux statuts qui, eux aussi, auraient dû être débattus et adoptés par le congrès.

II – De nouveaux statuts pour s’adapter à l’hyper-présidentialisation du régime

Les propositions statutaires visent notamment à :

- calquer la vie du Parti sur l’élection présidentielle en adoptant le rythme des congrès au quinquennat (proposition 1)

- limiter la capacité d’existence des minorités en modifiant le seuil de représentation dans les instances (proposition 2)

- renforcer le poids des élus par la création d’un conseil des territoires (l’équivalent du Sénat si controversé !) au détriment de la démocratie militante (proposition 5)

- renforcer le rôle du premier secrétaire (pouvoirs présidentiels !) au détriment des instances délibératives (proposition 7)

Pour toutes ces raisons, Forces Militantes

appelle à refuser de voter ces textes,

- soit en votant Non,

- soit en ne participant pas au vote.


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