De la Fête des mères (25 mai 1941) à la Manif retraites (25 mai 2003)

jeudi 26 mai 2016.
 

La date du 25 mai est un double anniversaire :

* Le 25 mai 1941, le maréchal familialiste Pétain lance la "Journée nationale des mères"

Est-ce surprenant ? Non, du tout. La coïncidence des jours, à 67 ans d’intervalle, attire plutôt l’attention sur le retour présent du pétainisme sous le masque grossier du sarkozysme, un mouvement de fond dont l’ampleur explique les ralliements de quantité de vedettes du parti socialiste à l’Elysée ou au Fonds monétaire international. C’est que le néo-pétainisme ne dit pas son nom, et se déguise ; il ne collabore à aucune barbarie, et il convient donc de nommer euro et banque centrale européenne ce que les allemands appellent euromark, et des économistes euro-Bundesbank, ou d’appeler défense des valeurs de la République la constitutionnalisation de l’eurolibéralisme des financiers et de toutes les fractions de la grande bourgeoisie.

* Le 25 mai 2003, 1.300.000 manifestants montent à Paris pour défendre les retraites par répartition sur les slogans "37,5 ans pour tous", "public privé même combat", "grève générale !". Beaucoup ont arrêté le travail depuis déjà 3 semaines.

Si les gens avaient su l’origine de la fête des mères en 2003, ils auraient été encore plus nombreux à manifester dans la capitale, ils auraient été non pas 1 gros million mais 2, 3, 5, 8, 13... millions, les femmes et les enfants d’abord, à lutter contre le néo-pétainisme et le néo-libéralisme revanchards... la question de savoir si la face des retraites en aurait été changée pour autant en dépit des directions syndicales est une autre question, qui porte sur les actions rendues possibles les jours suivants, après la nuit passée dans la rue par les foules démocratiques.

N’est-il pas temps de débaptiser une journée pétainiste et depuis longtemps commerçante pour en faire la "Journée des retraites par répartition", de façon à opérer une intervention inverse à celle subie par le 1er mai ?

Ne nous y trompons pas. En septembre 2003, bien des militants étaient Ka-Oh debout, et le sont restés longtemps. Le choc passé, beaucoup se lamentent encore et s’enfoncent dans le pessimisme : le dernier combat s’étant soldé par une défaite due au calendrier, la mobilisation en resterait d’autant difficile. Lourde erreur. Pour se tremper en vue de la lutte, et y préparer les autres, mieux vaut rappeler les fortes mobilisations passées, et en tirer les enseignements, que les victoires aisées qui n’apprennent rien. Voyez Sarko-la-revanche parlant de la défaite bourgeoise de mai 68, pensez à la Révolution russe de 1917 prenant la suite de celle de 1905, admirez le mouvement néo-zapatiste des indiens du Chiapas mexicain qui nous donnent une leçon de résistance, de dignité, d’opiniâtreté et d’organisation.

Et on aurait peut-être bien même pu utiliser, faute de grève sérieuse, la date anniversaire du 25 mai 2008, pour monter à Paris mettre aux poubelles de l’histoire la fête pétainiste instaurée le 25 mai 1941, et lutter pour plein d’autres choses du même coup, par exemple l’Ecole, que le rapport Attila-Sarko promet explicitement à la privatisation, ou encore les allocations familiales promises à réduction, histoire de montrer que l’on tient plus aux revenus nécessaires pour élever les enfants qu’à l’héritage pétainiste d’une fête familialo-commerciale... et en famille pourquoi pas, histoire de faire la fête en nombreuses familles...

Car il serait temps, à l’heure où le gouvernement s’apprête à autoriser le chèque syndical, de comprendre que tous, quel que soit leur âge, ont leur place dans les manifestations, et que celles-ci ne feront plier le libéralisme ploutocratique que lorsque les défilés seront des défilés de populations, et se feront plus volontiers en famille que derrière les banderoles bureaucratiques des rentiers héritiers des fruits du long effort d’organisation du mouvement ouvrier.

Bonne journée aux mères quand même, comme les autres jours d’ailleurs ... elles ne sont pour rien quant à cette fête pétaino-familialiste devenue libéralo-commerciale ... faut-il insister et préciser que ceux et celles qui ont manifesté lors de la Journée du 25 mai 2003, sur une idée de bureaucrate soucieux d’étioler leur mouvement, d’organiser son échec et son repli grâce à l’héritage vichyste, ne défilaient pas du tout contre leur mère, ni contre leur propre état de mère, mais simplement et lucidement pour la retraite par répartition de toutes et tous.

La IIème A.I.T. n’avait pas seulement instauré la journée internationale de grève et de revendication du 1er mai ; elle avait créé une Internationale des femmes travailleuses, et celle-ci avait lancé une Journée internationale des ouvrières, et non une journée des mères, par manque de familialisme sans doute, par féminisme aussi.

Et si Vichy a engendré la Fête dépolitisante des mères, pour rabattre les femmes sur leurs fourneaux familiaux, de la Journée des ouvrières est sorti un 23 février (8 mars pour notre calendrier) la Révolution russe, parce que pour leur Journée, chaque année, les femmes, en foules immenses et défamilialisées, quittaient leurs fourneaux, gagnaient la rue, et sans leurs hommes, sans les banderoles d’organisations à l’époque si peu bureaucratisées, criaient "à bas le tzar", hurlaient "du pain", et exigeaient "la paix". Aujourd’hui, demain, pourquoi les femmes ne pourraient-elles point gueuler "A bas l’euro-libéralisme", "Un emploi stable pour toutes et tous", et "Une retraite décente pour une vieillesse paisible" ?

Il existe diverses façons de marquer la fête des mères et de fêter les femmes ; ce texte en donne la démonstration.

Eric Le Fustier


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