Bertrand Delanoë (Rodez) et Pierre Moscovici racontent leur Mai 68

lundi 19 mai 2008.
 

1) Bertrand Delanoë : "On ne supportait plus l’ordre établi"

"En mai 68, j’étais dans une école catholique de Rodez. Je devais préparer mon bac. J’étais délégué de classe et avec les copains, on a demandé des remises en cause de l’ordre établi. On ne le supportait plus, on avait besoin d’air. Du côté des parents, certains nous soutenaient, d’autres non.

Mais surtout, on s’est lancé dans une tournée des écoles catholiques de l’Aveyron. Et elles se sont toutes mises en grève. On a alors rejoint nos copains des lycées et on a fait la jonction entre l’école confessionnelle et l’école publique. Nous étions ensemble dans la contestation.

Tout cela était un peu confus, on était de grands ados. Mais il y avait une ambiance de liberté.

Toutefois, je ne croyais pas qu’il allait s’établir des "soviets démocratiques" partout. Déjà je ne sentais pas trop ce qui pouvait avoir des parfums totalitaires même avec les meilleures intentions du monde. Nous voulions une société moins coincée et plus juste. Quand la droite est revenue massivement au pouvoir lors des législatives de juin 68, la redescente sur terre a été douloureuse.

En tout cas, il y a eu des revendications sociales qui ont pesé très lourd en mai 68 et qui ont contribué à ancrer mon engagement pour la liberté et la justice sociale".

2) Pierre Moscovici

" Je suis un fils de soixante-huitards. J’avais 11 ans à l’époque, mais j’attendais mes parents qui rentraient tard le soir, qui quittaient les barricades après avoir participé aux manifestations. J’étais passionné par les récits de ces combats.

C’est peut-être une politisation précoce, mais je me souviens avoir participé au Comité d’Action Lycéen du petit lycée Condorcet. Ce sont ces moments-là qui m’ont fait hériter d’une fibre trotskiste qui m’a ensuite permis d’accompagner ces mouvements dans les années 70, me retrouvant aux côtés de l’animateur de la LCR : il s’appelait Michel Field et nous avions tous les deux deux une superbe coupe afro !

Mai 68, c’est une révolte contre l’ordre établi, une volonté de faire bouger les moeurs. C’est la naissance fondamentale de la liberté des médias. C’est l’ouverture de l’université, beaucoup moins mandarinale, beaucoup moins élitiste. Rendons-nous compte : il doit y avoir aujourd’hui sûrement vingt fois plus d’étudiants qu’il n’y en avait à l’époque.

C’est aussi une incroyable créativité graphique et lexicale, avec toutes ces affiches et ces graffitis. L’un d’eux m’avait d’ailleurs beaucoup frappé : "Laissez la peur du rouge aux bêtes à cornes".

Cette capacité à s’exprimer, cette simplicité des rapports entre les gens, cette égalité entre les hommes et les femmes, c’est tout cela dont nous devons nous souvenir aujourd’hui.

Voilà pourquoi je trouve que quand Nicolas Sarkozy dit vouloir liquider cet héritage, il se comporte en liquidateur... et il fait une erreur très profonde".


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