Forum Social Mondial de Bamako (19 au 23 janvier 2006)

samedi 20 janvier 2024.
 

Notre camarade Elodie Vaxelaire est présente à la première partie de l’édition 2006 du Forum Social Mondial à Bamako du 19 au 23 janvier 2006.

Nous publions ci-dessous son compte rendu du rassemblement altermondialiste.

Un dimanche à Bamako

Polycentrique. Telle a été la volonté des organisateurs du « Forum social mondial » (FSM) de cette année. Pouvoir exporter la méthode de Porto Alegre et donner une visibilité aux luttes et revendications des mouvements sociaux et associatifs des autres continents. C’est ainsi que l’édition 2006 du FSM s’est d’abord tenu à Bamako du 19 au 23 janvier, puis à Caracas du 24 au 29 janvier, et qu’il devrait se poursuivre à Karachi au mois de mars.

Avec en contrepartie sans doute, une moins grande visibilité médiatique du mouvement -du moins en France- et un effet de masse également moindre. Mais avec de vrais succès dans le renouvellement des participants et des débats d’une haute tenue.

A Bamako, l’événement était de taille puisque pour la première fois une opération internationale de ce type était organisée sur le continent africain. Ici à Bamako, on devait cette organisation à Aminata Traoré, ancienne ministre de la culture du Mali, et porte-parole confirmée du mouvement altermondialiste. Avec un double succès à la clé. Succès dans la participation d’abord, puisque ont ainsi pu prendre part aux débats quelques 30 000 personnes, au premier rang desquelles la population malienne mais aussi de nombreuses délégations de paysans du Burkina Faso, de Guinée ou du Togo, parfois venus à pied, ainsi que des associations de femmes en nombre ou de nouveaux syndicats.

Succès dans l’organisation des conférences ensuite, puisqu’à part quelques problèmes logistiques dus à l’éclatement des sites sur la grande ville de Bamako et un budget minimum, des débats et enjeux très forts ont pu émerger au cours des trois jours : combat contre la privatisation du rail malien, ateliers sur la dignité des femmes et leur place dans le développement, débats sur l’accès à l’eau, à l’énergie ou à la santé, ou encore lutte contre la destruction des écosystèmes.

Par son caractère très fort de démocratie participative, cette sixième édition du FSM a ainsi à nouveau réussi comme les précédentes à mettre en lumière le dynamisme de la société civile et des formes de son combat contre le néolibéralisme.

Ainsi, l’objectif initial de ces FSM - la construction d’un rapport de force mondial contre le néolibéralisme et ses ravages planétaires - est en partie atteint. D’abord parce que ces forums permettent non seulement d’étendre la prise de conscience et la lutte sur l’ensemble des continents, mais qu’ils sont aussi l’occasion pour les mouvements en émergence de se connaître, de prendre conscience de leur force commune, voire de s’organiser. Cet aspect est ainsi apparu très fortement à Bamako où les nouvelles organisations des pays africains ont pu par ce biais nouer des contacts, échanger sur leurs enjeux et approfondir leurs possibilités locales d’organisation. Ensuite, parce que ces FSM ont à leur actif non seulement la dénonciation radicale des sommets de Davos et leur relégation à l’arrière scène politique, mais aussi la mobilisation et la mise en échec des rounds de l’OMC depuis 2001.

Les FSM ont ainsi contribué à ralentir la déferlante libérale mondiale. Mais cette victoire à la Pyrrhus est fragile, et risque de se retourner si le rapport de force ainsi créé ne débouche pas rapidement sur un socle commun de revendications politiques. Cette traduction politique, et sa déclinaison aux niveaux international (notamment dans les instances onusiennes et de l’OMC), national et local, est une nécessité. Elle relève de notre responsabilité.

La tâche est d’ampleur. D’abord, parce que les organisateurs refusent jusqu’à présent toute déclaration commune, qui risquerait de diviser le front ainsi construit contre la mondialisation libérale. Ensuite parce que les solutions au Nord et au Sud ne peuvent être simplement décalquées. Ainsi, et les débats à Bamako l’ont bien montré, les enjeux du développement ne se résument pas à la seule exigence d’annulation de la dette de ces pays. Etats en miette, démocraties balbutiantes au risque de la corruption, sociétés en logique de survie, parfois sous-éduquées, et sans conscience ni tradition politique telles que nous les connaissons, font que les recettes du Nord, reposant sur la lutte des classes, les organisations syndicales et partidaires, et l’Etat comme garant final de l’intérêt général, ne sont guères transposables.

Il faudra donc savoir faire émerger de nouvelles solutions, garantes du bien commun mondial, mais déclinées selon les rapports de force et contextes locaux. Aminata Traoré revendique pour son pays la « créativité politique ». Elle pourra se nourrir de la vigueur des débats dans les forums sociaux et devra savoir les traduire en exigences politiques communes et déclinables.


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