Discrimination positive (2)... En finir, y compris au PS !, par Jérôme Guedj et Emmanuel Maurel

mercredi 16 août 2006.
 

Nous avons mis en ligne avant-hier le point de vue de Philippe Marlière en faveur d’une prise en compte des inégalités sociales et politiques en terme de discrimination positive plutôt qu’un maintien des inégalités au nom d’une égalité républicaine abstraite. Voici le point de vue opposé de Jérôme Guedj et Emmanuel Maurel.

La République n’est pas seulement un cadre institutionnel. C’est un processus, un projet, un ensemble de valeurs. Parmi celles-ci, la laïcité est un phare qui éclaire notre action. Etre laïque, ce n’est pas seulement plaider pour une séparation radicale entre l’espace public et la sphère privée, entre les Eglises et l’Etat. C’est aussi une certaine conception de la société, débarrassée de la tutelle de tous les clergés. Une société composée d’individus libres et autonomes, capables de s’abstraire de tous les déterminismes.

Militants laïques, nous souffrons chaque jour davantage devant la progression vertigineuse du communautarisme. La droite, et notamment Nicolas Sarkozy, arguant de l’indiscutable exclusion qui touche les français pudiquement appelé « issus de l’immigration », propose désormais d’instaurer dans notre pays la méthode anglo-saxonne, qui consiste, peu ou prou, à réserver emplois, fonctions, mandats à des citoyens en raison de leurs origines ethniques, culturelles ou religieuses. Ainsi, le ministre de l’Intérieur en charge des cultes cherche désormais des « préfets musulmans ». Il veut encourager une logique de quotas dans certains milieux (notamment les plus visibles : médiatiques, politiques) : c’est lui, par exemple, qui encourage TF1 dans sa recherche d’un présentateur « black ».

Cette logique, si elle part d’un postulat juste (il faut mettre un terme à la discrimination en raison du facies ou du patronyme) porte en elle les germes des pires dérives. Outre qu’elle ne permet de réparer une injustice que superficiellement, elle est profondément stigmatisante. Elle enferme les individus dans un carcan, celui de leurs origines. Elle les condamne à se définir prioritairement comme membre d’un groupe.

Cette poussée différentialiste n’épargne aucune sphère de la société, aucune famille de pensée. Ainsi, le Parti socialiste rentre, lui aussi, dans cette course folle. En envisageant de « réserver » des circonscriptions aux « minorités visibles », au nom de la « diversité », il tourne le dos aux principes laïques les plus élémentaires.

Au-delà des arrière-pensées politiciennes peu ragoûtantes (les quotas permettent d’éliminer des concurrents gênants ou des minorités politiques), cette décision pose de graves questions. Elle s’inscrit d’abord dans le mythe illusoire et dangereux d’uns Assemblée qui serait la « représentation-miroir » de la société. Représentation au sens ethnique du terme, car, d’un point de vue social, la réflexion semble totalement absente : l’absence de députés ouvriers ne semble plus scandaliser le parti qui a pourtant vocation à représenter la majorité du salariat.

Découper le corps social en autant de « groupes » et autres « communautés » susceptibles d’être représentés, c’est privilégier clairement une grille de lecture différentialiste de la France. C’est choisir l’essence plutôt que l’existence. Dans le débat qui s’ouvre, les différentialistes proposent un outil radical et rapidement mobilisable, le quota. C’est la voie dans laquelle se lance aujourd’hui le PS.

Des circonscriptions « gelées » seront « fléchées » pour un contingent de camarades appartenant aux « minorités visibles ». Camarades choisis par la direction, constituée des principales sensibilités en fonction de critères dont la définition échappera totalement aux militants des dites circonscriptions. Le tout aboutissant à un résultat calamiteux : bien souvent, le gel favorisera des camarades ou des personnalités extérieures, au détriment des militants de terrain, eux aussi issus de l’immigration mais ne bénéficiant pas de l’audience nationale des premiers. De la discrimination positive à l’arbitraire positif, le pas est rapidement franchi.

Féminisation, rajeunissement, renouvellement : nous souscrivons tous à ces objectifs. La meilleure façon d’y parvenir, ce n’est pas le choix d’une solution à l’anglo-saxonne. Nous en appelons à une réponse républicaine, celle de la respiration démocratique : elle passe par le non-cumul des mandats, y compris dans le temps. Cela demande plus de courage et de volontarisme que les solutions aujourd’hui privilégiées. Comme par exemple d’appliquer aux candidats aux élections législatives de 2007 le principe de mandat unique... principe que le PS envisage de faire figurer dans son futur projet. Alors, chiche : sans attendre, donnons l’exemple dès élection.

Jérôme Guedj et Emmanuel Maurel,

respectivement vice-président du conseil général de l’Essonne et conseil régional Ile-de-France


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