Combattre Sarkozy 2 : comment ? (par Dominique Mezzi, LCR UNIR)

jeudi 27 mars 2008.
 

Que le sarkozysme politique ait pris une grande claque à l’occasion des élections municipales est tout à fait réjouissant. Mais comment faire pour aller plus loin ?

Nous sentions monter en puissance ce rejet politique et même ce dégoût dans l’opinion publique depuis janvier, quand simultanément, il déclare dans la même conférence de presse : « Que voulez-vous que je fasse » (à propos du pouvoir d’achat), et qu’il annonce le prochain épisode de sa vie privée, sans doute en pensant une nouvelle fois exploiter politiquement la mise en scène de son « moi » surdimensionné.

L’hyper-président, à qui tout semblait réussir depuis mai 2007, trébuche donc exactement sur les mêmes obstacles que les gouvernements précédents : démissionner face à la puissance apparente des réalités économiques, tout en affichant une arrogance qui ne peut que le couper des couches populaires trompées au printemps 2007 par sa détermination à bousculer précisément l’ordre des choses. Juppé en octobre 1995 avait tourné le dos à la lutte contre la « fracture sociale » (slogan de campagne de Chirac), au nom des contraintes européennes : il a quitté Matignon en 1997 presque sous les huées. Jospin en 2001-2002, après avoir affiché un certain volontarisme avec les 35h, s’est rangé lui aussi, devant les ouvriers de Danone et Michelin, au constat de l’impuissance politique (« L’Etat ne peut pas tout »). On connaît la suite dramatique du 21 avril 2002.

La montée en flèche du sarkozysme, drainant derrière lui une partie de l’électorat du FN et une certaine attente dans le secteur privé, puis sa chute sévère en quelques mois, posent cependant la question suivante : l’homme est-il « fini » pour ce qui est des ingrédients de son ascension ? À savoir une certaine cohérence politique globale, pas tout à fait en coïncidence avec les canons du libéralisme classique (sinon les salariés ne l’auraient même pas écouté), mélangeant un certain interventionnisme étatique (discours sur les délocalisations, « sauvetage » Alstom), et une destruction-reconstruction du « social », basé sur la méritocratie et la récompense de l’effort, idéologie typique et non républicaine du 19ème siècle libéral.

Il est douteux que Sarkozy parvienne à « se refaire », comme on dit des joueurs et des flambeurs qui ont perdu. Mais la vraie épreuve se fera dans la confrontation politique et sociale, et non dans des supputations. C’est pourquoi, même si les colères sociales s’accumulent, notamment sur le pouvoir d’achat, et espérons-le, sur le rejet du Nème plan de casse des retraites en avril, il est décisif que les luttes accumulées parviennent à construire une cohérence socio-politique globale alternative au projet réactionnaire total qui demeure le socle du pouvoir Sarkozy-Fillon-Parisot.

En d’autres termes, la vraie chute politique du sarkozysme se vérifiera si le mouvement social renoue, après les municipales, avec une des caractéristiques de la séquence des luttes entre 2003 et 2007 : ouvrir la voie à une alternative politique repérable, en plus de la combativité. En effet, en 2004, 2005 (TCE), 2006 (CPE), les grèves, les manifestations, se doublaient de l’espoir d’en finir avec les gestions libérales, en France comme en Europe, même si cet espoir était encore peu consolidé, et susceptible de retour en arrière, comme la suite l’a montré (avec Sarkozy précisément), si aucune solution politique ne venait lui donner une colonne vertébrale nationale, pour l’entretenir et le faire fructifier. C’était l’enjeu des candidatures unitaires et derrière elles, d’une nouvelle représentation politique du monde du travail. Cette question est aujourd’hui posée à nouveaux frais, d’une part par la possibilité de dégonfler l’opération élyséenne, d’autre part par le débat posé sur un nouveau parti politique, par la LCR avec le projet « Nouveau Parti Anticapitaliste », mais aussi par bien d’autres courants ou militants qui utilisent d’autres mots et viennent d’autres traditions.

La question-clef est donc, simultanément à des initiatives particulières dans le champ politique, de construire des fronts de résistance sociale, posant par leur dynamique propre, des enjeux de rassemblement politique unitaire à gauche. Beaucoup de collectifs militants fédèrent syndicats, associations, élus, partis politiques : franchises médicales, défense du Livret A, convergence services publics. Mais ils ont peiné dernièrement à porter les objectifs de leurs combats, pourtant approuvés dans l’opinion, sur la scène politique nationale. Celle-ci, à gauche, reste parasitée par les affres des luttes de pouvoir dans le PS et par la paralysie totale du PCF recroquevillé sur son appareil en dépit des contradictions que le traversent. L’objectif des batailles sociales partielles ou générales qui s’ouvrent maintenant est de dépasser, puis briser ces limites bureaucratiques. Il y a deux orientations contradictoires à gauche. Il faut que la gauche de gauche, la gauche de combat, redevienne une gauche possible.

Prenons quelques exemples.

L’initiative commencée sur le rejet de l’accord de « flexisécurité à la française » (contrat de travail), négocié par 4 confédérations syndicales sur 5, balise la route à suivre. Un appel visant à exiger qu’il n’y ait pas de transposition législative à l’accord, est en train de circuler associant syndicalistes (y compris de la direction confédérale CGT, avec la FSU et Solidaires), militants du mouvement des chômeurs et précaires, mouvement des femmes, Attac, Copernic, et responsables politiques (LCR, PCF, collectifs antilibéraux). Il faudra agir pour que cette initiative trouve un retentissement maximum au moment du débat parlementaire.

À propos des retraites, l’urgence est de construire un front socio-politique du même type, mais l’enjeu est encore plus grand. Car le projet Fillon-Parisot est de confirmer, par l’allongement des annuités requises, la baisse inéluctable des pensions publiques, pour ouvrir le plus large espace possible au marché. Idem sur l’assurance-maladie. Le PS avait approuvé sur le fond « l’égalisation » forcée des régimes spéciaux en novembre 2007, mais il hésite à suivre le même chemin sur les 41 annuités annoncées.

Parallèlement aux mobilisations syndicales (les confédérations sont traversées par des choix stratégiques vitaux sur leur place dans la négociation collective, pouvant les amener à pactiser avec l’Elysée pour survivre), il est nécessaire de faire émerger un front du refus social et politique, ouvrant un espace pour des projets alternatifs de retraites basés sur le salaire socialisé.

Quant aux services publics, et à plusieurs enjeux concrets que la confrontation des municipales a fait émerger sans leur donner jusqu’ici leur pleine dimension nationale (exemples : gratuité des transports publics à Toulouse, défendue y compris par le PS, remunicipalisation complète de l’eau et renégociation des contrats passés avec les multinationales, service public du logement, etc), il est essentiel de soutenir toute campagne unitaire afin que les élus de gauche, avec l’appui actif des listes 100% à gauche ou unitaires, osent se lancer dans des batailles de reconquête. Une coordination nationale des forces militantes des listes unitaires 100% à gauche et soutenues par la LCR pourrait être un levier pour imposer cette offensive. Si des mobilisations progressent sur ces objectifs, et mieux encore, si des reculs partiels du pouvoir sont obtenus, alors oui ! le sarkozysme a vraiment des soucis à se faire


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