CAPITALISATION : UN JEU DANGEREUX (par Eric Flapint, février 1999)

jeudi 19 mai 2005.
 

L’offensive contre nos retraites par répartition est un phénomène récurrent, il est malheureusement relayé aujourd’hui par certains secteurs du Parti Socialiste.

Quelle retraite demain ?

La première méthode utilisée consiste à générer la peur à coup de titres accrocheurs s’appuyant sur des statistiques incomplètes. On nous explique, par exemple, que les dépenses de retraites vont tripler dans les quarante prochaines années, il ne s’agit que d’une extrapolation à partir d’un taux de croissance de 2,8 % par an et on oublie de nous rappeler qu’elles ont décuplé dans les quarante dernières, et qu’elles ont déjà triplé entre 1973 et 1998.

La seconde méthode est de nous alerter sur l’insupportabilité de toutes nouvelles hausses de cotisations, à partir d’un calcul simpliste de ratio entre la population active et celle des retraités. Ce faisant on fait l’impasse sur des données essentielles que sont les gains de productivité, le recul du chômage et la baisse du temps de travail, ainsi que sur la capacité d’adaptabilité, sur quarante ans, du système de répartition.

Les retraites jouées en bourse

Enfin, argument massue, la capitalisation serait d’un rendement plus élevé. Argument à très courte vue qui s’appuie sur l’actuelle flambée des bourses occidentales mais qui avec la persistance et le développement de la crise financière risque d’être très aléatoire. L’accumulation de titres ne peut remplacer la production de biens, plutôt que de recourir à une finance incontrôlable et largement spéculative, il vaut mieux donner la priorité à l’activité économique. Créer des emplois est une méthode plus sage et plus durable pour financer les retraites que de jouer à la bourse.

De plus, comment une société qui vieillit pourrait-elle se dispenser de consacrer aux vieux une fraction croissante de son revenu, d’autant plus que la baisse du nombre de jeunes amène à constater que le nombre d’inactifs ne progresse quasiment pas, il s’agira alors d’organiser de simples transferts.

La capitalisation et sa version française "Canada dry" des fonds de pension ou produit épargne-retraite, est en fait une machine de guerre de la finance contre le salaire. Adosser le montant des retraites aux performances des marchés financiers c’est transférer vers les salariés les risques financiers assurés jusqu’à présent par l’Etat et les entreprises. C’est organiser l’insécurité pour le plus grand nombre.

L’échec des fonds de pension américains

On nous en parle beaucoup, comme un exemple à suivre, mais on oublie d’évaluer leurs performances et pour cause... Les fonds de pension américains ne sont qu’un produit permettant aux banques et aux spéculateurs de développer leurs activités, pour le reste il s’agit d’un échec.

Echec social : Les inégalités ont encore été renforcées. 40 % des salariés étaient couverts en 1995 (pourcentage en baisse de 13 points en 10 ans), mais seulement 15% de ceux d’entreprises de moins de 500 personnes et 6,2% de ceux des PME de moins de 25 salariés. Le montant des prestations est tellement faible, entre 29 % et 37 %, que 57 % des personnes âgées de plus de 62 ans sont encore obligées de travailler.

Echec financier : Un dollar investi en 1968 par un salarié américain dans son fond de pension ne valait en 1983 que 96 cents. 95% des gérants de portefeuille réalisent des performances inférieures à la moyenne du marché. Les fonds de pension sont une des causes majeures de l’instabilité des marchés et des mouvements spéculatifs.

Echec économique : Aux Etats-Unis en 1997, les fonds de pension possédaient 50% de toutes les actions cotées, contre 1% en 1950. Cela n’a rien changé en matière d’emploi, l’économie américaine n’est pas plus performante que la nôtre ou celle de l’Allemagne ou les fonds de pension n’existent pas. Il se crée proportionnellement moins de PME aux Etats-Unis qu’en France, là aussi cet argument tombe, et au contraire l’exigence de rendement important pour les actionnaires aboutit à empêcher les investissements sur le long terme. Airbus n’aurait jamais existé avec de tels actionnaires.


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