Hommage à Robespierre : vie et oeuvre

vendredi 1er août 2014.
 

Lundi 28 juillet 2014, des militants du Parti de Gauche ont rendu hommage à Robespierre et ses compagnons, place de la Concorde à Paris.

Après des prises de parole et la lecture de textes de Saint Just par Benoit Schneckenburger et de l’Incorruptible par Michel Hernando, ils ont déposé une gerbe en hommage aux révolutionnaires de l’An II. Vous trouverez ci-dessous le discours de Mathilde Larrère, membre de la Commission Histoire, retraçant la vie et l’œuvre de Maximilien Robespierrre.

Robespierre, acteur décisif de la Révolution française

Robespierre, penseur politique de la révolution française

Robespierre contre Mirabeau sur le droit de veto royal

1793 et Robespierre, des bourgeois d’après le NPA Gers. Oh là !

Bien que Robespierre ne soit pas le seul à mourir il y a 220 ans, bien qu’il ne soit rien sans les sans-culottes, et que je reste convaincue comme Saint Just que « la révolution est dans le peuple, et non point dans la renommée de quelques personnages », c’est bien de Robespierre et que de Robespierre que je vais vous parler.

Parce qu’il le mérite ! Et parce que, comme c’est lui en particulier qu’on attaque (même si au delà c’est la révolution que l’on vise, ou une part de la révolution), c’est lui qu’il faut défendre.

Robespierre… Psychopathe légaliste, génocidaire froid, Robespierre « à la guillotine entre les dents » ! Que n’a-t-on dit contre l’homme et ce dès sa mort le 9 thermidor, même dès avant sa mort, sa légende noire s’est écrite alors que son sang était encore rouge. Et que lui reproche t-on à Robespierre ? Que lui reprochent ses pourfendeurs de tous bords, conservateurs, monarchistes, réactionnaires mais aussi libéraux ?

La dictature disent-ils ? Mais que ne les entendons nous pas alors vociférer contre Napoléon, dictateur pourtant patenté. La violence politique, la politique terroriste ? Mais pourquoi ne dénoncent-ils pas la Terreur blanche qui explose dès les lendemains de Thermidor contre tous ceux qui ont soutenu les montagnards, et qui ressurgit au retour des Bourbons. Que ne dénoncent-il pas Bugeaud, le bourreau de Transnonain, Cavaignac le saigneur de juin 48, et Adolphe Thiers, massacreur de la commune ?

Parce que ce n’est pas cela qu’ils détestent chez Robespierre et qu’ils rejettent, cherchent à déconsidérer à travers lui. Ce qu’ils rejettent, détestent, c’est justement ce que nous, nous aimons, défendons. La lutte contre toutes les aristocraties, qu’elles soient de naissance ou d’argent, la défense des plus pauvres, l’affirmation des droits. Pour faire vite. La république démocratique et sociale !

Mais c’est tellement plus facile, et efficace, d’évoquer la guillotine, le rasoir national et le triste bilan en sanglant repoussoir. On oblige les historiens, les défenseurs de Robespierre à se perdre dans de longues contextualisations de la violence politique, les circonstances, la guerre, la violence de tout temps ; ou à démontrer en se perdant dans les détails du fonctionnement du Comité de Salut Public que Robespierre n’est pas le dictateur qu’on brocarde. Ce faisant, on s’enferme dans un débat dicté par ceux qui détestant les mesures démocratiques et sociales se servent de la dénonciation de la violence pour rejeter toute la période.

Donc non, je ne veux pas me laisser enfermer et je veux juste rappeler pourquoi nous, militant-e-s du PG nous aimons et Robespierre, et la Convention dite montagnarde, et la constitution de l’an I !

Pourquoi donc nous déposons ici une gerbe. Robespierre, dès les débuts, est du coté du peuple. Il en est la sentinelle, le héraut. Jeune avocat en ascension sociale, c’est à la pauvre corporation des savetiers d’Arras qu’il prête sa plume pour rédiger leur cahier de Doléances en 1789 quand ses confrères se cherchaient des causes plus reluisantes et mieux rémunérées ! Peu à peu il émerge au sein de l’assemblée constituante sortie des États Généraux. Il est celui qui toujours défend les droits. Qui défend la liberté d’expression, de croyance. Dans son projet de déclaration, il propose l’article suivant « Le droit de s’assembler paisiblement, le droit de manifester ses opinions, soit par la voie de l’impression, soit de toute autre manière, sont des conséquences si nécessaires du principe de la liberté de l’homme que la nécessité de les énoncer suppose ou la présence ou le souvenir du despotisme. » … C’est assez d’actualité… Il est celui qui défend les droits politiques, et les droits politiques pour tous, à rebours des logiques libérales, censitaire des députés qui s’emploient à rejeter des urnes les plus pauvres des citoyens qualifiés de « passifs ».

Robespierre est celui qui lutte pour le Suffrage Universel, pour le droit de vote de tous, les comédiens, les juifs. Et la citoyenneté pour les étrangers. Il est celui qui hurle contre l’une des grandes hypocrisies de la Constituante qui proclame que les hommes sont égaux mais maintient les chaines de l’esclavage. Celui qui toujours pourfend l’injuste inégalité de la répartition des impôts. Lui aussi qui, au lieu de s’effrayer des journées insurrectionnelles, s’en félicite. « Hé Messieurs, c’est à cette émeute que la Nation doit sa liberté » rétorque-t-il aux députés effrayés par les violences du 14 juillet. Lui qui justifie le droit à l’insurrection, et s’oppose à toute sorte de répression contre le mouvement populaire. C’est d’ailleurs en protestant contre la loi martiale discutée et votée en octobre 1789 et qui permettait à la révolution de tirer sur le peuple qu’il sort de l’anonymat.

C’est aussi le défenseur de la démocratie. Dans le fameux débat sur le véto royal il se situe bien à gauche quand nait cette partition de notre vie politique. Ses positions constitutionnelles sont claires. Le peuple est souverain, tout le peuple doit avoir des droits politiques Le législatif doit être le pouvoir suprême, il faut avoir une défiance salutaire envers l’exécutif Les députés ne sont que les commis du peuple, et pour cela révocables.

C’est lui aussi qui se dresse contre les agioteurs, spéculateurs, accapareurs de tout accabit qui maintiennent élevé le prix du grain et vides les assiettes des classes populaires. Lui qui en 1790 propose que la devise de la France soit Liberté, Egalité, Fraternité.

Alors, pendant toute la Constituante, il se bat ; prend la parole ; écrit. Se dresse contre ce qu’il dénonce comme la dérive de la révolution, cet avènement d’une aristocratie nouvelle, celle des riches, celles des « honnêtes gens » (et le terme est négatif sous sa plume) contre les « gens de peu », lui qui n’a de cesse de rappeler les principes des Droits de l’Homme aux députés soucieux de défendre les libertés économiques plus que l’égalité politique. Il gène, il est l’empêcheur de voter en rond, mais dans l’hémicycle (quoi que la pièce fût rectangulaire !) ça ne sert pas à grand chose. Presque jamais il ne l’emporte ! Mais ces discours publiés, ces prises de paroles aux club des Jacobins, tout cela contribue à la radicalisation, à la politisation du peuple. Il gagne en tout cas rapidement la réputation et le surnom d’Incorruptible. De fait, le désintéressement caractérise celui qui disait « je veux être pauvre pour n’être pas malheureux ».

Pendant la législative où il ne siège pas (puisque sa seule victoire à la Constituante et d’avoir imposer le principe de non rééligibilité des députés sortants) il s’exprime à partir de la tribune des Jacobins et la radicalisation du mouvement populaire se nourrit de ses discours, de ses idées. Il s’illustre en étant l’une des rares voix contre la guerre au printemps 92. Et s’il n’est pas un des acteurs du 10 aout (mais il n’est un acteur d’aucune journée, c’est un homme d’écrit, de parole, pas d’action !), il en est l’un des inspirateurs car il réclamait depuis le début de l’été la déchéance du roi et l’élection d’une constituante au suffrage universel masculin.

La voilà. La Convention.

Il commence par livrer le combat contre ses frères des Jacobins, contre ceux qui derrière Brissot restent attachés aux principes libéraux de 89, à la défense de la propriété. Eux qui voient en Robespierre et ses proches des niveleurs ! A ceux là qu’il accuse de vouloir la révolution sans la révolution, il rappelle qu’il ne faut pas faire une révolution juste pour eux -mêmes, mais qu’il faut la faire pour le peuple. A ceux là il rappelle que le droit à l’existence est le plus important des droits, et qu’il l’emporte sur le droit à la propriété. Le mouvement populaire conduit à l’élimination des Girondins. Et pendant quelques mois, la France va connaître une politique démocratique et sociale qui va suffisamment effrayer les possédants, les libéraux, les élites pour qu’ils trouvent pendant des décennies, plus d’un siècle, et aujourd’hui encore, les moyens d’éviter que cela ne les menace à nouveau, notamment en évoquant la guillotine en sanglant repoussoir.

Robespierre, 93, l’an II, c’est quoi ? C’est quoi ce qui a été guillotiné il y a 220 ans sur cette place ? La constitution de l’an I. Bijou de la démocratie, écrin de la souveraineté populaire respectée comme elle ne le sera plus jamais dans les institutions. La première formulation des droits sociaux, et leur application. Droit à l’existence, au travail, à l’assistance, à l’instruction dont Robespierre sera un des défenseurs acharnés. Le Maximum des prix, une législation de secours aux plus démunis, aux personnes âgeés, aux mères seules, aux malades… Et de fait. A Paris, pendant toute la période, le taux de mortalité chute. Il remontera dès septembre 1794, brutalement. Avec la Convention montagnarde, la féodalité est enfin abolie, après que la nuit du 4 aout ait laissé croire qu’elle l’avait fait tomber tout en préservant sagement les droits des propriétaires ! La distribution des biens des émigrés aux plus pauvres.

Voici donc quel était l’homme qu’on a guillotiné avec ses compagnons il y a 220 ans. J’ai bien conscience d’en avoir fait un portrait positif. Rien de ce que j’ai dit n’est faux. Bien sur on pourra lui reprocher de n’avoir jamais soutenu la cause des femmes, le citoyen, pour lui, est mâle. Bien sur, il n’a jamais totalement remis en cause la propriété comme le fera Babeuf.

Bien sur il aurait pu aller plus loin dans les réformes sociales et des Montagnards le lui reprochaient. Bien sur il voyait dans les hébertistes plus sociaux que lui des enragés et ça l’a coupé d’une bonne partie des sans-culottes. Bien sur, il a cherché à contrôler la radicalisation, la politisation populaire qu’il jugeait excessive et dangereuse pour la révolution. Qu’on apprenne de ses hésitations, de ses erreurs, lui n’en a pas eu le temps. Bien sur aussi, il pouvait être violent en parole, mais comme il le disait lui même « quelle est donc cette affreuse doctrine qui veut que dénoncer un homme et le tuer, c’est la même chose ». facile peut-être. Mais reste que l’homme a largement défendu l’abolition de la peine de mort, et quand il a accepté qu’elle s’applique, il a toujours cherché à le justifier, à en excuser le caractère exceptionnel, il y a toujours réfléchi. Combien sont ceux qui ont réfléchi à la violence politique quand il étaient au pouvoir ?

Le problème est que l’histoire de Robespierre est celle d’un vaincu, et que l’histoire est très généralement écrite par les vainqueurs…. Et dans son cas, ils n’y sont pas allé de main morte !


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