La levée du blocus de Cuba est un impératif (Ignacio Ramonet)

lundi 25 février 2008.
 

Partagez-vous l’idée convenue selon laquelle Cuba entrerait désormais dans une période de transition ?

Ignacio Ramonet. Non. On ne peut pas parler de transition. Il y aura des changements comme c’est le cas lorsqu’une nouvelle personne arrive au pouvoir. Mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils soient spectaculaires. Parce que tout changement à Cuba dépend essentiellement de la politique des États-Unis à son égard. Tant que ces derniers maintiendront la même attitude, les autorités cubaines auront pour première préoccupation la protection de leur pays contre d’éventuelles pressions : économiques, militaires, idéologiques, médiatiques...

Selon vous, le sort de l’île serait plus lié à la position des États-Unis à son égard qu’au destin de Fidel Castro ?

Ignacio Ramonet. Oui. Le sens de la politique de Fidel Castro, comme il le rappelle dans son dernier texte, a été d’éviter que Cuba ne retombe dans le giron américain. Par conséquent, si les choses évoluent positivement aux États- Unis, des changements pourraient se produire à court terme à Cuba. Si Barack Obama est candidat démocrate et s’il remportait l’élection, on peut imaginer un bougé par rapport à la politique actuelle du président Bush. Il a dit que s’il était élu, une de ses décisions serait de discuter avec tous les « adversaires » des États-Unis : les Iraniens, le président Chavez du Venezuela et les autorités cubaines. Par ailleurs, Raul Castro a invité les autorités américaines à s’asseoir autour d’une table de négociations pour y discuter des différends qui les opposent depuis presque cinquante ans.

Cela pourrait-il entraîner la levée du blocus et une évolution dans le système politique cubain ?

Ignacio Ramonet. La levée du blocus est un impératif car ses conséquences sont très négatives sur la vie quotidienne des Cubains et sur le système politique du pays. Il ne faut pas oublier que ce blocus est un blocus unilatéral décidé par les autorités américaines, contre la volonté de la communauté internationale. En novembre dernier, sur les 192 États des Nations unies, 185 pays, dont la France, ont voté contre cet embargo.

Et concernant Cuba ?

Ignacio Ramonet. Certains disent que Cuba se dirigerait vers une voie à la chinoise ou à la vietnamienne. Ce pays a montré, au cours des cinquante dernières années et notamment depuis 1991, et à la disparition de l’Union soviétique, que la voie cubaine est toujours singulière, originale. On peut envisager qu’il y aura une intensification des relations avec un certain nombre de pays latinoaméricains, déjà très développées, en particulier avec le Venezuela, la Bolivie, l’Équateur, le Brésil, l’Argentine, dans le cadre de l’ALBA (1), et l’association Mercosur.

Comment la nouvelle direction va-t-elle affronter les problèmes structurels du pays ?

Ignacio Ramonet. L’équipe présidée par Raul Castro et celui-ci ont réaffirmé que l’essentiel, pour eux, était de s’attaquer aux problèmes de la vie quotidienne des Cubains. Tout d’abord à la question de l’alimentation. Il y a encore du rationnement à Cuba causé, entre autres, par l’embargo mais également par des dysfonctionnements en matière d’agriculture. Il y a le problème de la vétusté du logement et de la mauvaise qualité des équipements. Enfin, les transports sont le casse-tête quotidien des Cubains, même s’il y a eu des progrès avec l’importation de milliers de bus chinois et la rénovation du chemin de fer. Enfin, il y a la question de la double monnaie. Les Cubains sont payés en peso cubain mais la plupart des choses dont ils ont besoin sont payables en peso convertible.

Après Fidel, qui ?

Ignacio Ramonet. Pour des raisons institutionnelles, il est naturel que Raul Castro soit élu, dimanche prochain, président du Conseil. Mais, étant donné son âge, Raul Castro ne peut demeurer au pouvoir beaucoup plus qu’une législature. Fidel Castro a dit, dans l’une de ses chroniques, que les jeunes devaient accéder au pouvoir. Je pense que Raul Castro va permettre ce passage de relais vers une nouvelle génération. C’est aujourd’hui possible et nécessaire.

Entretien réalisé par Cathy Ceïbe L’Humanité du mercredi 20/02/2008

(*) Auteur de Fidel Castro, biographie à deux voix, - Ignacio Ramonet, Éditions Fayard- Galilée, février 2007. 700 pages, 28 euros.

(1) Composée aujourd’hui de Cuba, du Venezuela, de la Bolivie et du Nicaragua, l’ALBA est une intégration alternative basée sur la coopération.

(2) Pays membres : le Venezuela, l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay, l’Équateur et la Bolivie.

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A lire aussi :

’’Cuba est une île’’ - Le Temps des Cerises, septembre 2004 - 18€


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