États-Unis Le rôle du parti Démocrate dans l’offensive contre les pauvres

samedi 23 février 2008.
 

Dans la mesure où ils consentent à parler des programmes des candidats et ne se concentrent pas uniquement sur les problèmes de personne, les principaux médias de notre pays font grand cas des propositions d’Hillary Clinton en faveur de l’amélioration de l’assurance maladie.

Ce n’est pourtant pas la première fois que les démocrates font des propositions du même type sans pour autant tenir leurs engagements. Les propositions d’Hillary Clinton sont, d’ailleurs, très en-deçà de ce que proposait William Clinton au début en 1993 puisqu’elles se limitent à proposer l’amélioration de la couverture maladie des seuls enfants. Certes, il s’agit d’une urgence dans un pays où 8,5 millions des moins de 18 ans ne bénéficient d’aucune assurance santé. Mais, même si cet engagement était tenu, 36,5 millions d’Américains resteraient encore sans la moindre couverture maladie (ils sont aujourd’hui 45 millions) qu’elle soit publique (Medicaid, Medicare) ou privée (assurances prises par l’entreprise).

Le projet de William Clinton prévoyait que tous les salariés pourraient disposer d’une assurance maladie financée à 80 % par leur employeur. Il autorisait l’Etat fédéral à intervenir pour garantir aux assurés un remboursement minimum de leurs dépenses de soins et pour fixer un maximum aux coûts des primes d’assurance.

L’introduction de ces mesures dans la législation américaine s’est rapidement heurtée à la coalition des petites entreprises, des sociétés d’assurance, de l’industrie pharmaceutique et de l’American Medical Association qui avait déjà réussi à faire rejeter tous les projets de système d’assurance maladie universelle, que ce soit durant le New Deal des années 1930, ou sous la présidence de Truman à la fin des années 1940.

Cette coalition, grâce à une gigantesque campagne publicitaire (le film « Sicko » de Michael Moore en montre quelques extraits exemplaires) dénonçant la main mise de l’Etat sur la santé, avait amené Clinton à renoncer à son projet. Tout aussi libéral que les républicains, William Clinton ne pouvait, guère, en effet répondre à une campagne qui l’accusait de transformer les Etats-Unis en une nouvelle URSS...

Pire, en acceptant de signer la loi votée par un congrès à majorité républicaine, Clinton a fait plus contre les pauvres de son pays que Reagan et Bush réunis. Les attaques contre le filet de sécurité minimum mis en place, dans les années 1960, par Lyndon B. Johnson dans sa politique de « guerre contre la pauvreté » se sont, en effet, effectuées en trois phases dont la principale s’est déroulée pendant la présidence de William Clinton.

Ronald Reagan

Dans une première phase, au début des années 1980, Ronald Reagan s’est fait le champion de la dénonciation des « welfare queens », ces « reines de l’aide sociale » qui, selon lui, vivaient royalement en multipliant le nombre de leurs enfants avec de multiples partenaires. L’idéologie néolibérale donnait un vernis intellectuel à ces dénonciations en faisant de la pauvreté la conséquence, non de conditions sociales, mais de faiblesses morales ou intellectuelles d’ordre individuel.

L’aide sociale, dans cette optique, loin d’aider ces personnes à sortir de la pauvreté ne pouvait que les y maintenir. Le terme de pauvreté laissait alors la place à celui de « welfare dependency ».

Ce qui rendait possible une telle stigmatisation de cette fraction du salariat c’était sa mise à l’écart par l’instauration de prestations sous condition de ressources financées par l’impôt, en premier lieu l’impôt des salariés dotés d’un emploi stable.

Cependant, même s’il avait activement labouré le terrain et considérablement diminué le montant de l’aide sociale, Reagan n’avait pas réussi à imposer le « workfare » l’obligation de travailler en contrepartie de l’aide sociale.

William Clinton

Ce fut William Clinton, le nouveau Président démocrate, qui mit en place cette obligation de travailler pour pouvoir bénéficier de l’aide sociale. Il signa, en effet, aussitôt après sa réélection de 1996, la loi votée par un Congrès à majorité républicaine. La Constitution américaine lui permettait pourtant de ne pas signer cette loi mais l’assurance-maladie n’était pas la priorité des préoccupations de William Clinton dans un pays où (en 1996) près de 40 millions d’Américains ne disposaient d’aucune couverture maladie !

Cette loi inaugurait la deuxième phase de l’attaque contre les pauvres. Elle imposait à tout bénéficiaire adulte de l’aide sociale d’accepter un emploi salarié dans une entreprise privée ou dans un programme de « workfare » mis en place par les Etats ou les municipalités. La loi ne s’arrêtait pas là puisqu’elle supprimait le programme d’assistance aux familles nécessiteuse (AFDC). Il était remplacé par un programme « d’aide temporaire aux familles dans le besoin » (TANF) et limitait à cinq ans (pour toute une vie) la possibilité de bénéficier de l’aide sociale.

La loi stipulait, également, que toute femme qui aurait un enfant supplémentaire alors qu’elle bénéficiait de l’aide sociale se verrait privée de cette aide. D’emblée, d’ailleurs, cette aide était refusée aux mères mineures célibataires ne vivant pas chez leurs parents... A la stigmatisation et aux restrictions de ressources élémentaires s’ajoutait un insupportable discours moralisateur.

Georges W. Bush

Dans une troisième phase, Georges Bush faisait voter une loi qui gelait les dépenses d’aide sociale et obligeait les bénéficiaires à travailler 40 heures par semaines, au lieu de 30. Il annonçait dans ses derniers discours la prochaine phase de la lutte contre les pauvres : un filet de sécurité à la charge de la charité privée ou, ultime secours, à la discrétion du « Dieu tout-puissant »... Le parti Démocrate : un parti de Droite

Contrairement à l’image qui en est donnée en France, la bataille entre les Démocrates et les Républicains n’oppose pas la Gauche et la Droite. Le parti Démocrate est, comme le parti Républicain, un parti de Droite. C’est comme si, en France, les deux seules forces politiques qui s’opposaient étaient l’UMP et le MoDem.

Jean-Jacques Chavigné


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